Photographie : Blanc-Seing
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Le seuil est immobile
Vois-tu
Qui ne profère plus rien
De TOI
Il énonce son langage
De pierre
Une longue mémoire
Qui s’use aux carrefours
Des vents
L’horizon est libre
Il file là-bas
Vers les brumes bleues
Du causse
Où es-tu que je puisse
Deviner ton corps
Où ton esprit
Que je l’emplisse
De joie
Où ton âme
Vibre-t-elle tel le diapason
A-t-elle des ailes
Et part-elle pour des cieux
Que jamais je ne connaîtrai
Le seuil est immobile
Je l’ai habillé
Du souvenir de TOI
J’y ai posé quelques larmes
En guise d’obole
J’y ai deviné l’empreinte
De tes pas
Une onde si fragile
Elle tremble
De ne plus être
Le seuil est immobile
Pareil à un temps
Sans racine
Le jour s’y englue
Tel l’insecte
Dans la toile
Dis-moi l’éclatante nécessité
De vivre
Dis-moi la feuillure de l’heure
Son indéfectible attente
Dis-moi encore et toujours
Les contours de ton être
Le seuil est immobile
En deuil de TOI
Comment pourrait-il
En être autrement
Le grain serré de la pierre
Se désespère
De ne plus être frôlé
Tes sandales si légères
S’y posaient
Dans la méditation du jour
La chambre est vide
Qui fait son curieux gonflement
Qui appelle et puis se tait
Tout s’y dissout
Et plus rien n’y paraît
Que le vide
Partout où tu as posé
Tes doigts
Je les ai posés
Partout où tu as imprimé
Tes lèvres
J’ai imprimé les miennes
Partout où ton regard
S’est porté
J’ai laissé errer le mien
Il était un lieu sans amarre
Un lieu de pure perdition
Sur la route
Qui glissait au loin
Je t’ai accompagnée
L’ajointement soudain
De nos mains
Était-il le scellement
De nos âmes
Ou bien un étrange rituel
Que nous savions
Le dernier
Où bien était-il
L’antépénultième
Ta voiture blanche
Au long capot
L’éclat de ses chromes
Les points rouges de ses feux
Ont longtemps vibré en moi
Ils ont creusé un puits
D’innombrable attente
Aussi le fil des heures
S’égrène-t-il lentement
Il fait son bruit
De gouttes claires
Dans la nuit d’une crypte
Partout où tu viendras
Je viendrai
Sur la courbe bleue
Des planètes
Dans les yeux révulsés
Des étoiles
An sein même
De mes rêves lapidaires
Dans la gemme
De mon cœur
Où se fige la braise éteinte
De mon sang
Vois-tu n’aies nul regret
Ma souffrance est
Un plus grand don
Que ne l’était ma joie
Car à trop m’inonder
Elle te rendait invisible
Du sein de ma douleur
Tu bourgeonnes et éclos
Semblable au bouton de rose
Qui se dépliant
Apporte l’être au monde
Qu’il visite
Partout où tu seras
Je serai
Aurais-je d’autre raison
De vivre
Que celle-ci
Toujours les gouttes
S’assemblent
Qui font les ruisseaux
Ils coulent sous des berceaux d’ombre
Rejoignent d’autres tresses d’eau
Se jettent dans l’estuaire
Quel est donc celui
Qui t’accueille
Seras-tu au gré des jours
Qui viennent et vacillent
Différente de cette buée
Pliée aux choses
Et qui leur donnent
La gloire de vivre
Autre chose
Ne réponds pas surtout
Seul le silence sera
Le reposoir
Des amours qui furent
Et qui désespèrent de visiter
Le lieu de leur native rencontre
Le seuil est immobile vois-tu
Il est la parole retenue
Qui n’attend
Que de parler
Oui de parler
De TOI