Photographie : Blanc-Seing
***
Fragile en sa demeure
Les choses sont là devant
Dans l’énigmatique pliure
De leur être
Comment en saisir
La troublante nature
Tout est en fuite
De soi
Tout en chute vers l’abîme
Tout si éphémère
Qui ne dit son nom
***
Comment être à soi
Comment s’accorder
À sa propre vision
Il y a tellement d’incertitudes
D’approximations
Dans notre hésitante
Marche vers l’avant
Toujours nous titubons
Toujours nous hésitons
À coïncider
Avec ce que nous sommes
En propre
Une illusion parmi
Le fin brouillard du monde
Plus d’un m’avait dit
Mais regardez donc
Le fil de la Vierge
Sa ténuité sa résonance
Dans l’air empli des remugles du jour
La brise sentait la touffe ébrieuse du thym
La délicieuse harmonie d’autrefois
L’insistance têtue du présent
La texture invisible de l’avenir
***
Plus d’un m’avait dit
Vous n’existez pas vraiment
Vous n’êtes qu’une image
Puisée à la source du songe
Qu’une flamme agitée par le vent
Un gribouillis d’enfant
Sur les pages d’un cahier
***
Fragile en sa demeure
Voici ce que je pensais du monde
Une fleur me visitait
Qui l’instant d’après
Avait perdu ses pétales
Elle jonchait d’écume
Dans un simple désarroi
La croûte grise du sol
Mignonne allons voir si la rose
Disais-je souvent aux Inconnues
Qui croisaient ma route
Certaines venaient
Certaines partaient
Toutes étaient en fuite
D’elles-mêmes
Et nulle ne voulait voir la rose
En son dénuement dernier
Déjà la flétrissure les atteignait
Elles les passantes distraites
Déjà la soie de leur peau peluchait
Déjà le parchemin signait
Les premières traces
D’une affliction
***
Fragile en sa demeure
Qui donc
Vous qui passez
Moi qui demeure
Tout dans la perte de l’être
Jour aux encoignures bleues
Nuit aux angles d’ombre
Midi criblé d’étincelles
Voici la complainte du temps
Voilà la mesure de l’homme
De la colline sous le ciel
De la Terre usée
De tourner sur son axe
Des Tropiques
Que la chaleur éteint
Des Pôles
Que la glace ennuie
***
Et un matin dans le frais de l’heure
J’avais rapporté de ma promenade
Une errance plutôt
Une distraction
De ma propre figure
Cette mince toile
Ornée de mille soleils
Que je pensais être l’orbe de la joie
On me persuada bien vite de m’écarter
Du vertige de ma vision
Ces globes de lumière n’étaient nullement
L’assurance d’une félicité
Plutôt les signes avant-coureurs
D’une étrange combustion de l’âme
Même la Prestigieuse entre toutes
Possédait en son sein
Les motifs de sa destruction
Un flacon de ciguë
Au plein de la grâce
Et tel l’infortuné Socrate
D’avoir cru à l’imparable Vérité
Elle aurait payé le lourd tribut
***
Les Sophistes plus nombreux
Une foule dense et vipérine veillait
À ce que rien ne fasse sens
Dans l’horizon des êtres
Pas plus ces risibles fils de la Vierge
Que tout Vivant sur cette Terre
Il fallait des hommes bien fats
Pour un instant
Croire en leur immortalité
Le Temps était là
Avec ses mors de diamant
Ses trépans de platine
Mort devait s’ensuivre
Jusqu’à la fin des temps
***
Avaient-ils jamais commencé
Vraiment les hommes
Le tissage était si lâche
La navette si usée
La toile si mince
Un rien
Sur l’envers d’une peau
Oui
Un Rien
*