Image : Léa Ciari
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Quelle est ma part de mystère
Sentiment d’avoir perdu une Terre
Et je suis tout dénuement
Å peine aperçue et déjà vous êtes
Pliée dans ces linges blancs
Ils disent envers vous ma dette
Ils disent la morsure du-dedans
Ils disent la pureté, l’irréalité
Que vous offrez à l’Étranger
Ils disent votre Ombre
Elle s’efface dans la forêt
Pour ne reparaître jamais
Pareille au jour qui s’obombre
Y aurait-il plus grande douleur
Face à ce qui vient à l’apparaître
Que de n’en jamais connaître
Que l’obscure et lente lueur
De demeurer à la lisière d’une révélation
Le corps en proie à une juste affliction
De l’angle fuligineux où mon âme végète
C’est à peine si votre fuyante silhouette
Y imprime sa trace, plutôt un haut vol
Pareil à celui des Aigles,
Seigneurs des hauts cols
Ils ont une unique règle
Rejoindre le souffle d’Éole
C’est terrible, savez-vous d’offrir
Ses yeux aux nappes du désir
Y glisse la clarté, simple feuille d’Amour
Que le silence éteint de ses doigts gourds
Voilement, dévoilement
Quelle est ma part de mystère
Sentiment d’avoir perdu une Terre
Et je suis tout dénuement
Avez-vous éprouvé
Une fois dans votre vie
Cette lame éternelle du souci
Il est comme un objet
Auquel vous teniez
Il a rejoint l’abîme du passé
Votre peau en porte le stigmate
Votre mémoire la touche délicate
Que rien ne visite, une pluie est passée
Elle a la consistance de la rosée
Si la joie m’était donnée
De peindre de vous un portrait
Il serait l’unique vision d’une aquarelle
Un trait léger sur le bord d’une margelle
Un ruissellement dans la gorge d’un puits
Une sublime prière ne faisant nul bruit
Une indicible clairière dans l’œil de la Nuit
Il est naturel chez ces êtres issus du rêve
De frôler vos sentiments pour les mieux exacerber
L’on se réveille au matin la tête emplie de nuées
Peu certain d’avoir jamais existé
Tout se montre avec la fureur d’une fièvre
Voilement, dévoilement
Quelle est ma part de mystère
Sentiment d’avoir perdu une Terre
Et je suis tout dénuement
Votre portrait, n’est-il seulement un rêve d’enfant
Venu du plus loin, qui rejoint le présent
Il brille telle une icône enchâssée dans son or
Que puis-je faire pour qu’elle éclaire encor
Votre image, je l’eus souhaitée immobile
Sur le rivage d’un lac tranquille
Pouvant vous observer à ma guise
Comme on le fait d’une antique frise
Mais vous êtes si aérienne
Si bien que je suis à la peine
Et ma chair s’alourdit de pierre
Comme enserrée dans les mailles d’un lierre
J’ai tenté de m’immiscer près de vous
De vous surprendre au revers de vous
De m’inscrire au creux du tourbillon
Auquel vous vous donnez avec passion
Mais votre envol est celui du papillon
Å peine vos ballerines touchent-elles le sol
Et de vous ne subsiste que l’esprit d’un alcool
La part du Ciel
La passée d’un miel
Une pure et durable fragrance
Pareille à quelque pas de danse
Vous rejoindre ne se pourrait
Qu’à l’aune du songe, de l’imaginé
Å toujours vous questionner
Vous la brume d’un Musée
Ne serais-je jamais
Que la chimère de votre pensée
Ou bien cette chorégraphie
Dont vous n’avez joué
Qu’à me précipiter
Dans le cruel fossé
De ma propre folie
Voilement, dévoilement
Quelle est ma part de mystère
Sentiment d’avoir perdu une Terre
Et je suis tout dénuement