Peinture : Léa Ciari
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au fil
de l’eau
Vous apercevant tout juste
Au sortir d’un songe
C’est cette phrase liquide
Toute empreinte
D’eau et de brume
Qui s’est présentée à moi
C’est curieux combien
Cette vision éthérée
Indique l’aquatique
Et nul autre élément
Assurément, Ophélie
Vous ne reposez nullement
Sur la lourdeur de la TERRE
Les mottes d’argile
En leur pliure ne pourraient
Vous convenir
Le FEU en son
Éternelle combustion
En sa vive agitation
Vous n’en pourriez supporter
La naturelle érosion
A la rigueur l’AIR
Vous eût mieux convenu
Son fin tissage de bleu
Ses mailles légères
Eussent brodé à votre corps
Une possible dentelle
Mais non, rien de
Ceci ne convient
TERRE, FEU, AIR
En toute certitude
Eussent échoué
Å circonscrire qui-vous-êtes
Å vous porter au sein
Même de votre intime.
au fil
de l’eau
Oui l’EAU est ce par quoi
Vous êtes venue au monde
Ce par quoi, peut-être
Vous vous en retirerez
Si bien que, vous nommant
Grâce à ces trois syllabes
Si douces, si évanescentes
O PHÉ LIE
Vous devenez transparente
Å vous-même
Vous devenez invisible
Aux Autres
Ophélie
au fil
de l’eau
O dit la même chose que EAU
PHÉ dit la même chose que FÉE
LIE dit la même chose que LIT
Ce lit fluvial en lequel
Vous flottez pour l’éternité
Ce que dit la limpidité de votre être
Votre nom en redouble l’essence
EAU en tant qu’EAU
Vous êtes au plus HAUT
Au plus haut et ceci est pure Joie
D’Ophélie je ne veux retenir
Que la simple beauté
Oublier la folie
Écarter le geste de la perte
Au sein de l’eau
Comment vous, Ophélie
Dont le nom chante
Avec tant de clarté
Pourrait-on vous verser
Aux ombres de la Mort ?
Ici je veux que vous
En deveniez sur-le-champ
La face inversée
Le riant visage
Rien n’est jamais vrai
Que ce que l’on porte en soi
Au plus haut de ses
Soyeuses affinités
Ophélie
au fil
de l’eau
Or ce bleu qui
Vous soutient
C’est mon Ciel
Or ce blanc de votre voile
C’est la pureté même
Que je vous destine
Et m’offre en partage
Or la feuille claire
De votre peau
C’est ma chair en son intime
Qui s’ouvre au mystère du jour
Or votre nom OPHÉLIE
C’est le chant par qui
Je viens au Monde
Et y demeure touché par
Le silence de la belle poésie
Il y a une étrange harmonie
Qui mêle en une seule
Et même onde
Le luxe de votre chair
Le diaphane du voile
Qui vous ceint
La présence invisible de l’eau
Comment vous dire encore
Sans en appeler aux sources
De la plus vive poésie ?
Vous dire avec Rimbaud :
« Sur l’onde calme et noire
où dorment les étoiles
La blanche Ophélia flotte
comme un grand lys,
Flotte très lentement,
couchée en ses longs voiles… »
Vous êtes Mystère posé
Sur un autre Mystère
L’eau a cette étonnante complexion
Tout à la fois miroir pour Narcisse
Eblouissement de Soi
Et fascination de s’y fondre
De retrouver le lieu
De sa naissance
De connaître la lustration
Qui nous ferait
Autre
Tout en demeurant
Nous-même
Ophélie au fil de l’eau
L’eau pour vous est le lit
L’eau pour moi est le lys
Dont parle le Poète Rimbaud
Ophélie au fil de l’eau
Quel fil à vous me relie
Vous telle la pluie
Pareille à un long sanglot
Ophélie
au fil
de l’eau