L'autobiographie ou écriture du "Je" est devenue un fait incontournable de l'édition contemporaine. Que le "je" remplace le "il" n'a, en soi rien, d'étonnant. Dans cet article, nous ne chercherons pas les justifications sociales, ou les fondements psychanalytiques d'une telle démarche mais essaierons de voir dans quelle mesure une telle écriture emprunte les voies du réel, plutôt que de l'imaginaire, et nous poserons la question de l'appartenance à la littérature d'un tel genre.
Mais considérons quelques œuvres situées dans cette veine, afin d'en tirer de possibles enseignements. Leurs auteurs y mettent en scène des expériences de leurs vécus, bien souvent du reste, liées à des souvenirs traumatiques. Eliane LECARME-TABONE, dans "L’autobiographie des femmes" en cite quelques figures animant la scène contemporaine
La gamme des possibles est immense par rapport au réel évoqué. Si, dans l'écriture du "je", c'est bien de lui que l'écrivain parle, il ne fait "qu'en parler", tenir un discours au sujet de, construire une existence d'encre et de papier. Et quand bien même nous aurions le narrateur physiquement présent face à nous, que pourrions-nous en déduire de plus quant à la réalité passée dont il se ferait le traducteur ? Jamais d'objectivité dans l'acte de lecture, dans l'écoute de l'autre, seulement la rencontre de deux consciences, la mise en relation de deux subjectivités.
Ici sont bien mises en lumière les limites de tout témoignage, ce dernier fût-il sincère. Il n'en demeure pas moins que sa nature l'incline à jouer constamment un jeu de funambule au-dessus de tentations mytho-réalistes. En dernier ressort la décision appartient au lecteur et à sa subjectivité. Que celui-ci, lisant une autobiographie, la considère avant tout comme une duplication du réel ou bien comme une fantaisie imaginaire importe peu en définitive. Ceci ne semble relever que d'un parti pris dont on ne saurait remettre en question les fondements.