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26 décembre 2012 3 26 /12 /décembre /2012 09:29

 

Rien ne bouge sur les vagues de sable et le ciel est une voile tendue aux confins de la nuit. La brume du jour est réfugiée dans l'anse des barkhanes. Sur son tapis de laine le corps de Yuba a posé son empreinte parmi le froid de l'aube. Il est immobile, attentif au silence, à la reptation muette des racines dans les veines de la terre. C'est comme un murmure venu des profondeurs, une voix secrète lui disant l'instant unique de son âge nubile. Alors il repense aux paroles du vieux Wajir dans l'ombre claire de la tente, à ces paroles rapides qui recouvraient sa peau d'une nuée d'abeilles.      

 

 Yuba sait cela, cette sorte de magie tout au fond de son corps, sur l'envers de sa peau. Il sait ces choses impalpables et silencieuses qu'aucun langage ne pourra jamais dire, aucune parole proférer. Il sait que, dans quelques heures, lorsque le jour aura basculé, se couvrant d'ombres longues, il se retrouvera, lui aussi, de l'autre côté du monde, immergé dans la grande vague bleue, dans les profondeurs marines des peuples solitaires. C'est sans doute ce qui le fait avancer, ce qui donne à Nyala son rythme lent et séculaire comme si, elle-même, du fond de son instinct, percevait la nécessité du chemin à accomplir.

 

Des flammes dansent sur la neige, alternant avec des tons bleus pareils aux fentes des banquises. Au milieu de la chute des flocons, parmi les dents aiguës des glaciers, c'est le vieux Wajir qu'il entend chanter, psalmodiant les signes de son peuple : la cohorte infinie des dunes, l'éclat du sel sur les lagunes, le vertige de l'eau dans la nuit dense des puits, le visage magique des enfants et leurs reflets de cuivre; la beauté des femmes aux cheveux tressés, le large cercle des créoles à leurs oreilles, les tatouages de leur peau pareils aux ailes des scarabées, leur regard sombre hanté de désir. La voix du vieux Wajir n'est plus bientôt qu'un écho lointain, une plainte semblable à celle de l'archet sur la corde de l'imzad.

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