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11 août 2013 7 11 /08 /août /2013 10:12

 

  Enfin, nous y voilà à la petite pochette surprise de l'humanité prise en flagrant délit de mensonge permanent, d'arrangements avec la vérité, de faux-fuyants, d'esquives récurrentes, de menus pas de deux afin de ne pas se faire piquer, les doigts dans la confiture, de subtils entrechats dès fois qu'on découvrirait chez Madame BCBG de somptueuses tendances à la volupté ou bien chez la Conciergeau-dessus-de-tout-soupçon une nette inclination à la kleptomanie, ou bien chez la Boulangère une nymphomanie bien cachée derrière les fagots de son Mitron de Mari, lequel, selon toute vraisemblance, le serait "marri", de surprendre la menotte menue et gracile de sa Conjugale copieusement engoncée dans la première braguette venue, particulièrement celle de L'Apprenti boutonneux tellement inapparent, on dirait un éphèbe.

  "C'est pas reluisant", pensez-vous et vous vous mettez à douter et vous pensez que je vous roule dans la farine et vous pensez encore "non, tout de même, l'Ecriveur-Impénitent, il exagère, il pousse le bouchon, juste par plaisir ou provocation jusqu'au tréfonds de l'âme et, de cette manière, il justifie sa prose."

  Oh, sans doute n'avez-vous pas tort et toute écriture, par définition, est une transgression du réel, une gentille fiction vous menant par le bout du nez, quelque part, dans une manière de "métamonde" où tout ce qui était connu jusqu'alors se retourne comme un gant et les coutures sont juste là, exprès, pour vous montrer l'envers des choses. Car, vous Lecteur, Lectrice, placez-vous donc face à un miroir, seul, seule, dans l'absolue vérité dont votre âme - c'est le mot juste -, est capable et, sans compromission d'aucune sorte, observez-vous jusqu'au mitan du corps, là où les choses sérieuses font leurs battements métaphysiques; jusqu'au fin fond de l'esprit, là où la raison pure vous pousse dans vos derniers retranchements, vous ôte les voiles dont vous vous êtes revêtus afin de vous travestir sous les auspices de la personne (étymologiquement, du latin "persona",  « masque de théâtre », « rôle, personnage ») et alors sous votre maquillage social, sous vos vêtures bourgeoises conventionnelles, sous le balancement chaloupé de votre marche altière, ne tarderont guère à faire phénomène mille petits tressautements que, jamais, vous n'auriez soupçonnés, mille minuscules picots, une multitude d'élévations, chair de poule de l'envie, du désir de l'Autre, du désir de paraître, frisson du désir de gloire, de richesse, de connaissance, de domination, de royauté, de puissance, envie de Surhumanité comme chez Nietzsche, démangeaisons épidermiques, exhaussements tendineux, élongations vertébrales, déhanchement occipital, aspiration de la fontanelle vers le zénith, manière d'apogée sans fin dont vous supputez qu'elle ne finira jamais, vous exilant de la marée des nécessiteux de l'intellect, vous ouvrant la gloire et les chemins vers quelque condition sublime dont même Faust lui-même, aurait désespéré de croire. Toujours une manière de désespoir dont l'énergie est une aimantation par-le-haut, jamais une descente, le bas c'est l'enfer, comme les Autres, Sartre nous l'a bien assez répété. Car c'est bien le regard des autres qui nous aliène et nous prive de notre liberté. Mais, à tout bien considérer, ce fameux regard de l'autre que nous croyons cause de tous nos maux, ne serait-il pas seulement notre propre regard qui se serait retourné vers nous, un peu comme le désespéré braque l'arme sur sa solitaire et étique poitrine ?

  Car, imaginez donc, une seconde, que toutes mes hypothèses soient exactes et, alors, vous penseriez, à juste titre d'ailleurs, que les hommes sont fous, les femmes cernées pareillement de démence. Oui, folie à bas bruit, juste au-dessous de la ligne de flottaison, démence que nous refoulons à force de civilité, de comportements moraux, de badigeons éthiques, de fards complaisants, de perruques dissimulant notre constante calvitie, de bonnes manières, "d'après vous, je vous en prie", de "quel plaisir de vous revoir", lesquels parfois ne dissimulent que des canines aigues, des incisives tranchantes comme la lame, des envies de mordre. Notre néocortex "d'homo socialus"dissimule à grand peine les circonvolutions, remous, convulsions de notre archaïsme limbique reptilien. Il y a du saurien en nous, de l'alligator, toutes dents de sabre dehors, arc-boutés sur notre queue épineuse, prêts à bondir, à dépecer. Dans le marigot dans lequel nous séjournons avec nos congénères, nous feignons de dormir, nos yeux assassins se dissimulent derrière la meurtrière de la paupière, mais comme le chien de Pavlov attendait le tintement de la cloche, nous sommes tendus comme un ressort, veillant le moindre faux-pas d'un autre saurien, blessé ou bien faible. Et, alors le marigot couleur d'argile boueuse devient un magma de sang où flottent les débris de ceux qui n'ont pas attaqué ou bien su se défendre. C'est ainsi et nous le savons bien du fond de notre conscience. Nous feignons de croire à notre infinie bonté, à notre naturel penchant rousseauiste postulant l'homme bon et, pourtant, du-dedans, nous sentons les bouillonnements de lave, l'effusion, le jaillissement toujours sur le point de s'actualiser. Voyant le danger, les hommes, les femmes, ont inventé, pêle-mêle, l'amour, l'art, la diplomatie, les jeux, les voitures automobiles, les plages, la gastronomie, l'olympisme, le sport, les promenades mais ça veille toujours, comme les torchères des champs pétrolifères et il suffirait deMais, volontairement, nous ne franchissons pas la frontière fatidique et mortelle des points de suspension, nous voulons bien être des "machines désirantes" comme les appelait Deleuze, mais à l'économie, sur le plan social, s'entend, sur le plan de notre psyché.

  Cependant le machinique est là qui, toujours, nous tire vers le bas, vers l'abîme au-dessus duquel nous ne faisons que des sauts de puce et que nous savons être notre destinée. De temps en temps, nous nous livrons à une petite incursion dans l'abîme en question, juste le temps de savoir en quoi il consiste et alors nous l'habillons de prédicats, de haillons colorés comme l'habit du Fou et qui se déclinent sous les formes de l'Orgueil, de l'Avarice, de l'Envie, de la Colère, de la Luxure, de la Paresse, de la Gourmandise et qui ne sont "Capitaux" qu'en raison d'une incurie de notre part à les atteindre facilement. Nous les hommes, les femmes qui vivons sur terre notre vie contingente parmi les misères du monde et les inconséquences de toutes sortes, combien il est bon, pour le corps, l'esprit et aussi bien l'âme, pareillement au bon Robinson qui se vautrait dans la soue, de commettre le péché qui, pour être interdit, ne saurait être que véniel, c'est du moins ce que nous pensons et, déjà, nous ne pouvons nous retenir de rire sous cape !

 

 

 L'Orgueil.

 

 

  Mais, tenez, regardez au bout de la Rue de la Gare, c'est Madame Delmonteil qui paraît dans une gloire de lumière, pareille au toréador qui entre dans l'arène. Oui, vous avez remarqué, "elle se pavane comme un paon, vous dites ?,elle fait un peu la roue ?", en effet, mais regardez maintenant comme elle tourne l'angle du Crédit, avec une telle majesté, une telle assurance que c'est comme si Ouche disparaissait tout à coup et qu'il n'y avait plus sur la Place, qu'elle-même en personne et maintenant elle sort sa carte de retrait avec prestance, à la façon dont on dégaine une épée, elle tape son code avec autorité et la machine à sous lui refile une liasse de billets épaisse comme un mille-feuilles et Madame Delmonteil, elle les range pas dans son sac, ses beaux billets tout neufs qui fleurent bon l'euro; elle les tient même avec ostentation devant elle comme on tient un éventail pour se rafraîchir et elle entre au Comptoir d'Ouche et elle regarde personne puisqu'elle sait que tout le monde la regarde et elle achète plein de choses utiles et même beaucoup d'inutiles et elle balance ses billets sur le tapis roulant et la vendeuse ramasse le magot, et le magot représente au moins deux fois son SMIC à la petite vendeuse et...et vous me dites que vous l'avez trouvé, le péché ?, oui, répétez pour voir, c'est ça, c'est bien ça, Madame Delmonteil elle porte l'ORGUEIL en sautoir, comme les saintes portent un scapulaire et après, on y peut quoi à l'orgueil de la Mère Delmonteil si elle est née avec et si, sa vie durant, elle l'a cultivé ? On y peut quoi, aux attitudes des autres ? Ils font bien avec la nôtre, d'attitude, alors "faut laisser pisser le mérinos" comme il dit Garcin et peut être il a pas tort !

 

L'Envie.

 

  Je sais pas si vous l'aviez remarqué, mais pendant qu'Estelle Delmonteil retirait son oseille sous le petit auvent peint en vert, Pierrette Berson se planquait derrière le gros platane qu'est juste à deux coudées du Distributeur. C'est presque tous les jours le même cirque : pendant qu'Estelle retire son mille-feuilles en euros, la Pierrette la reluque depuis son abri sylvestre. Et, je vous jure, Pierrette devient verte, aussi verte qu'un bouquet de pissenlits, rien qu'à la vue de la pile de billets qui penche comme la Tour de Pise, et elle emboîte le pas à Madame Delmonteil qui sait bien qu'elle est emboîtée, du point de vue des pas, et à la vérité, c'est un peu ce qu'elle cherche, Estelle, parce que, en plus d'être orgueilleuse, elle est ce qu'il y a de plus pervers. Elle sait que la Pierrette qui la suit comme son ombre va zieuter un poil au-dessus de son décolleté pour voir ce qu'elle met dans son cabas et que cette brave Madame Berson va peu à peu changer de couleur, à la façon d'un caméléon, pour arriver tout juste écarlate au moment de la caisse, alors que ses yeux s'ouvrent comme des bondes d'évier et que sa bouche s'arrondit en cul de poule, même ça en devient presque indécent, de réprobation et de convoitise mêlées. Et ses sentiments sont alors tellement transparents que même un enfant à qui on demanderait de faire son portrait, en crayonnant ses joues en rouge, en dessinant ses yeux comme des billes et son regard exercé à traverser les omoplates, eh bien, l'enfant écrirait maladroitement, sous son dessin, le mot ENVIE et, alors, sans le faire exprès, il aurait un peu ouvert la fenêtre du réel, celle par où se montre un poil de la comédie humaine.

 

L'Avarice.

 

  A peine les deux premières figurantes sont-elles sorties du plateau où se tourne quotidiennement la scène existentielle des Ouchiens, que se pointe Yvette Calmette, oui, c'est bien cela, c'est la petite bonne femme que vous voyez maintenant tout près du Crédit; Yvette qui, le dimanche, en compagnie de Calestrel fait la quête à l'Eglise du bon Curé Aloisel. Chaque jour que Dieu fait, Yvette se déplace, d'une façon menue comme les cricris quand ils naviguent au milieu des tiges courtes des chaumes, marmonnant en elle-même quelques mots qui ressemblent à des stridulations qu'elle cloîtrerait dans l'étui de ses élytres, sortant prudemment sa carte, non sans avoir, au préalable, jeté un coup d'œil à la ronde, introduisant la carte dans la fente, composant son code secret d'une façon si secrète que nul ne pourrait en deviner le moindre chiffre même s'il se collait à ses talons de bigote. Yvette prélève un billet, un seul, de vingt euros, en principe, qu'elle glisse aussitôt, au titre des dépôts en espèces, sur son propre compte, sortant ainsi de sa poche droite ce qu'elle remet dans sa poche gauche. Certaines mauvaises langues la disent possédée par l'AVARICE, et quoi qu'elle vive à la flamme d'une bougie, on pense, au "Club des 7", que c'est une sorte de jeu, c'est son "Loto", sa "Roue de la Fortune", le petit guichet peint en vert et, du reste, le vert c'est bien la couleur de l'espérance, alors la Mère Calmette elle a peut être raison de recycler chaque jour sa petite pension et au moins elle s'assure que son modeste magot est bien réel, bien palpable et c'est tout de même mieux d'avoir un billet tout neuf qui chante comme une cigale entre les doigts que de regarder à la loupe les relevés mensuels qu'envoie le Père Arcillac, avec une suite de retenues pour frais de gestion. Alors la critique c'est facile et l'avarice c'est qu'une question de point de vue, comme pour les autres péchés, capitaux ou pas, et l'Yvette elle a peut être pas le choix de ses péchés surtout que, pour elle, l'argent court pas les rues, c'est pas comme pour la Veuve Delmonteil qui sème son fric à tout vent comme Larousse distribuait les graines de la connaissance à qui voulait bien les prendre.

 

 

 

 

 

 

 

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