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25 août 2013 7 25 /08 /août /2013 09:16

 

  Sous le titre "Eviscérer le monde", il faut percevoir ceci un fonctionnement  au titre d'une antiphrase dont la réalité serait "Dire toute la beauté du monde", par exemple. Seulement, le réel est fait de telle sorte que poser le monde comme thèse, c'est aussi bien en décrire la face de lumière que la face d'ombre. Bien des réalisations humaines sont de pures merveilles, bien des actes des accomplissements attirant l'admiration, bien des pensées des déclinaisons du sublime. A vouloir considérer ce monde comme un projet enthousiasment reposant sur l'habituel triptyque des universaux, Beau, Bien, Vrai, ceci ouvre, bien évidemment, la porte de la trappe opposée, Laid, Mal, Fausseté. C'est donc d'un éternel balancement dont il s'agit, d'un coup de barre dans une direction, d'un coup dans l'autre et le Bateau Humain est souvent pris dans une manière de Déluge dont, jusqu'à présent, il s'est toujours sorti. Cependant, l'humanité  a connu bien des naufrages, bien des Radeaux de la Méduse, nombre de chutes de Charybde en Scylla. Heureusement, les Humanistes de tous bords, les consciences éclairées, les phares éclairant la nuit de l'inconnaissance sont souvent là afin qu'un naufrage définitif n'ait pas lieu.

  NB: Le texte qui vous est proposé est volontairement heurté sur le plan de sa composition syntaxique, de sa forme, du thème cataclysmique dont il se fait l'interprète. Si vous décidez de lire, plongez d'un seul coup, prenez de l'air et lisez vite, en apnée : seule façon de revoir le rivage. Faute de cela, de cette précaution élémentaire, nombre d'entre vous figureront au titre des victimes dont le Musée du Louvre compte pas mal d'exemplaires. Vous serez donc en compagnie !

 

 

 

Eviscérer le monde.

 

 

 elm

Le radeau de la Méduse - Géricault.

© [Louvre.edu] - photo Erich Lessing.

 

 

    Si je pouvais, la toile de Géricault, je la lacérerais, j'en ferais des débris pas plus grands que mes griffes recourbées, donnerais coups morbides sur corps glaireux, entaillerais abdomens, triturerais viscères, plongerais lame cornée de mon bec-rapace dans creux de l'âme  Naufragés, extirperais jusqu'à  moindre moelle, tirerais tendons dehors, ferais gicler aponévroses en longues symphonies, lymphe coulerait en putrides ruisseaux, sang mêlerait à l'eau ses fibres élastiques, la mer rougirait d'être ainsi humiliée, le vent rugirait d'être hissé de sa retraite marine, tout au fond des abysses, les vagues aiguiseraient leurs rouleaux et Ami-Scolopendre aux millions pattes vipérines arriverait sur éminences de cristal, fondrait juste à temps  pour grande curée et Ami-Poulpe aux tentacules visqueux broierait jusqu'au dernier os, jusqu'à l'infime moelle émolliente.

  Alors de mes yeux aiguisés entaillerais le monde en perdition, retournerais peaux, assècherais les graisses, manduquerais ce qui resterait de liberté, sucerais la conscience jusqu'à l'os terminal en forme d'alène. Dans griffes hyperboliques resteraient traces infinitésimales, homéopathiques, dilution à l'infini du principe premier, Natrum Muriaticum perdu dans grande mare inconséquente et Amis- RequinsRequin-renard à gros yeux, Requin-tigre houareauRequin-bouldogueRequin-taureau, affuteraient museaux délétères, sortiraient sabres luisants, exhiberaient canines effervescentes, aiguiseraient cornes de silex et sur mer d'huile où ne flotteraient plus que l'humaine floculation, la royale impéritie, les granulations morales en forme vésicules sèches, grappes abortives de l'esprit, la lumière crépusculaire, terminale, apocalyptique, cryptée, ossuaire, blafarde, vert-de-grisée, d'écorce, de tombeau, de casemate, lumière d'abside, boyau, ferrure usée, misère opalescente, peste bubonique, choléra métaphysique, symphonie achevée, lumière piètrement érectile, orpheline zénith, lumière harassée, pliée sous fourches caudines, garrotée, Place-de-Grève, guillotinée, aseptisée, chloroformée ça sent la Mort proche, lumière Dame-à-la-faux, lumière coupe-gorge, pestilentielle, glaucomaniaque, hypochondriaque, famélique, clair-obscur flamand à l'agonie, giclure limbique, feu de grotte, animalité, phosphorescence pariétale, dent de bison, massue, flèche usée, sédiment jurassique, obsolescence crétacée, perdition géologique et, là-dessus le couvercle des nuages et Nietzsche-à-l'ombrageuse-moustache disant DIEU EST MORT et le Surhomme annonçant L'HOMME EST MORT ne reste plus que race informe bégayante claudicante désolante aberrante suppliante perdante impuissante consternante inconstante haletante ruisselante nihilo-attirante et bientôt Néante.

   Finie race humaine si fière toi, civilisations, art, histoire, morceaux musique, cimaises musées, temples, culture, écrans bleutés perdition étroite, autodafés palimpsestes, ruines-bibliothèques, calumets guerre, étalons museaux noirs, alezans conquête homme, mosquées arabo-andalouses, palmiers, redingotes, bourse, cac40, bentley, harley-davidson, café la paix, cigarillos, havanes, dieu est un fumeur de …, gainsbourg et poinçonneur lilas, tontongeorges et gorille, mauvaise réputation, et picasso-minotaure, et dali-génie et iphigénie et machines volantes léonard, tout foutu, perdu, reclus, hors-de-vue, et démocratie on faisait gorges chaudes, agoras dialectiques, éducation, république, parole au peuple, voix aux opprimés, justice pour tous, droit vote, réunion, parole, entre sexes - mon-cul, disait zazie -, entre hommes bonne volonté et même méchants-repentis, droit à prison pour tous, droit à travers toutes sortes, travestis, invertis, avertis, pervertis, droit pisser aux étoiles, mordre lune, enfanter soleil, tobbogan sur queue comètes, rouler carrosse - foutaise mon-cul disait zazie -, droit polygamie, faire vers alexandrins et pas vers du tout, droit ouvrir gueule et fermer, droit travailler dans mines, et chômage, droit liberté individuelle, presse, information, avorter, faire amour, boire modération, fumer modération, gagner argent modération, payer impôts pas modération - et quoi plus mon-cul disait zazie et zazie disait tellement choses on a dit ferme-ta-gueule et va te faire foutre où voudraszazie, en vrai, c'était autre nom pour dire DEMOCRATIE ET DROIT PEUPLES A DISPOSER EUX-MEMES, faut dire peuple avait été naïf, avait cru à bonté humaine comme évêques croient à bonté divine à denier culte et vin messe frelaté, alors ça avait été commencement la fin, le Déluge Majuscule, le Grand Chambardement et peuple avait  dit ce Machin, la Démocratie c'est pas fait pour nous et les oligarques, les ploutocrates, les aristocrates, les autocrates, les bureaucrates, gérontocrates, médiocrates, méritocrates, phallocrates, physiocrates, socialo-démocrates, technocrates, thalassocrates, théocrates, voyoucrates eurent tôt fait de retirer d'une main ce qu'ils avaient donné de l'autre au bon peuple et le bon peuple se gobergeait qu'on lui retirât tous ces "crates" dont ils n'avaient que faire, ne conservant de leur ancienne royauté que le "démo" et, du reste des "démos" on en faisait partout, sur toutes les places du monde, avec ou sans culottes, avec bonnets phrygiens ou sans, avec arbres de la liberté ou sans, avec révolutions ou sans, avec consentements ou sans, approbations ou sans, euphorie ou sans. Et puisque le bon peuple, finalement la boudait la démocratie alors au café du commerce, on leur faisait des infusions d'absolutisme, des grogs de césarisme, des bolées de despotisme, des chopes de dictature, des expressos de fascisme, des petits serrés de monarchie, des sodas de royauté et on disait au coin des rues, aux carrefours, sur les grands boulevards, comment il va le monde, Môssieu ?, il tourne Môssieu ! et, en effet, il tournait mais personne s'était même aperçu qu'il tournait à l'envers, d'une manière dextrogyre, ce qui voulait dire que le bon temps, on le remontait à l'envers, que bientôt, on serait sous la Monarchie de Juillet, puis à la Renaissance, puis au Moyen-âge, puis chez les Gaulois, pour finir, en fin de compte chez l'homo erectus dont, d'ailleurs, on commençait à prendre les bonnes manières, petit doigt en l'air vers plafond sombre cavernes alors qu'on mangeait bout bison cru. On était même pas habillés, pas rasés, pas lavés, pas décrottés mais on sentait bon la caverne enfumée et le rognon de silex, alors on avait pas à s'inquiéter pour les fins de mois et la caisse à conduire chez le mécano, d'ailleurs on se déplaçait à pinces vu que la plus belle conquête de l'homme on l'avait pas encore faite et y avait bien les canassons de préjavlsky mais ils étaient un peu nerveux et une chute c'est si vite arrivé et comme on était à la préhistoire, y avait pas à se faire de mouron pour l'histoire, elle arriverait après et même la démocratie chez les philosophes grecs matinaux, vue depuis les grottes, ça paraissait un luxe bien inutile, un peu à la façon d'un hochet qu'on aurait offert à des erectus sans marmots et on serait toujours à temps plus tard de voir ce que le bon peuple y gagnerait à leur fameuse démocratie.

   Mais d'un bond, un seul, revenons à qui nous occupe dans marche du monde. Le problème était zazie. Car zazie était identifiée à la démocratie comme la colombe est associée à l'idée de paix. Explication : la démocratie selon Lincoln c'était « le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple » et, pour le bon Tocqueville une société ayant pour valeurs essentielles la liberté et l'égalité. Or la zazie à elle seule du haut de son âge à peine nubile représentait toutes ces valeurs et surtout celle qui lui paraissait la plus précieuse d'entre toutes, LA LIBERTE. Libre elle l'était en paroles, avec plein de mots grossiers dans le gosier, elle l'était sur le plan des mœurs, court vêtue, ne détestant pas la fréquentation des péripatéticiennes, des bistrots des halles, des turnes de bougnats, la lecture sous cape dans le rayon "Enfer" des bibliothèques, les boissons alcoolisées, la vie en marge des cités, les voyages sans passeports, les révolutions plutôt réussies qu'avortées, l'information, le dessous des cartes et, en contrepartie elle détestait les bourgeois, les guindés qui faisaient ronds de jambe, les curés hypocrites et leurs hosties qui collaient à la langue, les réceptions, les vernissages, se méfiait des Officiels, des politiques, de leurs langues de bois bouffée aux charançons, des écrans bleus prétendument magiques, des envieux, des faux-culs, des pisse-vinaigre, des concerts diplomatiques, des commerçants, des femmes fardées, des hommes aux ventres proéminents, lesquels ventres pouvaient dissimuler bien des surprises, des concierges lisant "Gala", des salons de coiffure, enfin d'un tas de trucs qu'elle considérait comme des pièges à cons et, dans son for intérieur, sans tomber dans les excès de l'anarchie, elle aurait rêvé d'un pays utopique, pratiquant la subversion, encourageant la dérision, facilitant les échanges et la grande fraternité humaine.

  Tout aurait été "pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles" si quelque empêcheur de tourner en rond, un ecclésiastique atrabilaire ou un rond-de-cuir compassé ne s'était imaginé d'affubler zazie d'un sobriquet qui, bientôt, la désignerait à la vindicte générale, aussi bien des nantis que des démunis, des bien-pensants que des égéries, des éminences grises ou bien des modestes d'esprit et des étroits de l'âme. zazie-tout-court devint Démozazie ou, selon les jours Zaziecratie, par simple métonymie car on la croyait l'incarnation de cette Démocratie qui, faisant de la Liberté des gorges chaudes, ne conduisait  l'humanité qu'à sa perte. Les manières délurées qu'elle arborait avec fierté comme elle l'eût fait d'un chapeau phrygien, blason selon elle des conquêtes de haute lutte afin de porter l'humain à se réaliser pleinement selon les idéaux égalitaires et teintés d'un souci d'indépendance réelle, rejetant au loin les tentations esclavagistes, ces manières donc, désinvoltes en diable, hérissaient les tifs des Bourgeois et excitaient les médisances des Bigotes.  En quelque sorte, zazie immolée par là où elle faisait un appel d'air, condamnée par ce même peuple qui, bien au contraire, eût été bien inspiré de la porter  au pinacle. C'est ainsi, ce sont les concierges démunies qui éprouvent le plus d'admiration pour les têtes couronnées et diamantées qui, de tous temps, les ont exploitées. La complexité de l'âme humaine est insondable !

  Eviscérer le monde, jeter tous Démophobes sur Radeau Méduse, en faire pâtée requins, les apprendra à vivre; eux pourfendeurs Démocratie avec comportements hépatiques, compréhension claviculaires, interprétations stomacales. Si belle Liberté et soleil brille tout en haut éther et oiseaux gazouillent et hommes contents et femmes sourire éclats dents blanches et hanches balancent comme amphores et amour soude corps et intellect brille firmament et enfants connaissent exister veut dire, c'est par hommes femmes savent exister et vouer aux Autres reconnaissance, amour, intérêt. Vouer gémonies ceux qui profèrent anathèmes, dictent lois aux "faibles", divisent, thésaurisent, partagent, établissent honteuses lignes clivage entre races, compromettent art, dissolvent esthétique, raturent beauté, dissimulent savoir sous couches crasse, amassent, planquent, vivent dans somptueux palais, soudoient justice, asservissent peuples, rabotent démocratie et reste plus que copeaux, sciure, idées varlopées, consciences taillées gouge, intelligence clouée, jugements toisés fausse équerre, plénitude entamée compas guingois, vérités tracées trusquin biaisé, valeur pied coulisse grippé, aplomb éthique niveau bulle perdue.

  "Civilisations mortelles" disait Poète, mortelles parce que vérité bafouée, tronquée, malaxée, faussée, triturée, mortifiée, amputée, diminuée, estropiée, retranchée, dissimulée, abritée, camouflée, déguisée, dérobée, fardée, maquillée, masquée, voilée, cachée, défigurée, déformée, dénaturée, falsifiée.

  Tueurs Démocratie, ceux emprisonnent Soldats dévoilant secrets guerres, ceux condamnent Divulgateurs grandes oreilles qui écoutent le monde, surveillent faits et gestes, pilonnent votre intimité de leur hargne à vous sucer jusqu'à moelle, Ceux assignent Peuple à immédiate condition mortelle, sous bombes, sous gaz sarin, sous mines AP; Ceux affament enfants, roulent carrosse Negresco, tous modernes Boyards pourris fric et Moujiks crèvent faim ombre bouleaux contaminés atome-fou; Ceux transgéniquent humanité, vomissent sur pauvreté, exploitent dans ateliers minables  pour fringues Bourgeoises; Ceux vendent enfants, réduisent à esclavage, prostituent, écoulent poudre blanche mortifère; Ceux méprisent culture, prônent religion unique, CeuxCeuxCeux voient juste auto-nombril et sourds, aveugles, muets aux souffrances des Autres, honte à eux, supplices à eux : aiguilles dans peau; brise-mâchoires; chevalets avec crics, cordes et membres dispersés dans tout cachot; dague plantée  mitan garrot avec giclures sang carmin; tisonnier dans bouche, tuer paroles venimeuses; pilori exposer en place publique tordus-de-l'âme; plomb fondu sur peau esprits retors; vis à pouce casser doigts manipulateurs conscience.

  Alors Radeau Méduse sombrera avec Liquidateurs Démocratie, tortionnaires Liberté, arrogants, arrivistes, calculateurs, castrateurs, censeurs, égoïstes, grossiers, hypocrites, intolérants, irrespectueux, manipulateurs, médisants, mégalomanes, menteurs, mesquins, mythomanes, obtus, orgueilleux, pédants, prétentieux, racistes, revanchards, sans gêne, sournois, stupides, vaniteux, vulgaires et autres atrabilo-scandalo-nuisibles-cacographes-cacologues-messéants ; si pouvais, creuserais orbites, décharnerai squelettes étiques, sucerais moelle tibias, aspirerais humeurs sous-corticales, glouglouterais ruisseaux lymphe, vampiriserais lacs sanguins, truciderais marteau-enclume-étrier-limaçon, déglinguerais ménisques, clabauderais sur ineptes tendons, fustigerais aponévroses, ferais claquer membranes tympaniques, enclumerais tarse et métatarse, perforerais abdomen, limerais ombilic, épilerais bacantes, grillerais barbouse, userais pneus des hanches, disjoindrais abattis, casserais service trois-pièces, aplatirais molleton, effeuillerais radis, creuserais mirettes, ligaturerais clapet, moulinerais doudounes, userais motte, dégraisserais jambons, et pouvais parler suffisamment avec bec tordu comme âme des Ci-devants, leur chanterais Chanson des Gueux du Bon Richepin, dirais haut et fort, à ma manière tordue, plagiaire-tronquée :

 

"Venez à moi, claquepatins,

Loqueteux, joueurs de musettes,

Clampins, loupeurs, voyous, catins,

Et marmousets, et marmousettes,

Tas de traîne-cul-les-housettes,

Race d'indépendants fougueux !

Venez à moi, menu fretin,

Entourloupettes,

Lopettes,

Tinettes,

Lavettes,

Venez à moi,

Que vous glaive troussequin,

Lamine rondins,

Etrille mandrin."

 

  Et si non contents, Idiots Majuscules, Andouilles confites, Désossés de la tête, sur-champ, transformant en Moyne Guerre Picrocholine, Frère Jean des Entommeures,  très génial Rabelais, voilà que ferai à vous, Archiers iniques, animaux goinfres, porcs à queues vipérines, cabots forts en gueule, chargerai, renverserai, frapperai, écrabouillerai, romprai, démettrai, disloquerai, ravalerai, fendrai, empalerai, transpercerai, froisserai toutes épines dorsales, réduirai têtes en miettes, empalerai par fondements, à travers couilles traverserai boyau culier, 

"après tyrerai mon dict braquemart, et en ferrerai l'archier (…) coupant entierement les venes iugulares, & artères sphagitides du col avecques le guargareon, iusques es deux adènes: & retirant le coup luy entre ouvrirai le mouelle spinale entre la seconde & tierce vertèbre, là tombera l'archier tout mort. Et, detournant mon cheval à guauche courrai sus l'aultre, lequel voyant son compaignon mort, (…) criera à haulte voix. (…) Lors d'un coup luy transcherai la teste, luy coupant le test sus les os petreux & enlevant les deux os bregmatis & la comissure sagittale, avecques grande partie de l'os coronal, ce que faisant luy trancherai les deux meminges & ouvrirai profondement les deux posterieurs ventricules  du cerveau: & demoura le craine pendante sus les espaules à la peau du pericrane par darrière, en dorme d'un bonnet doctoral, noir par dessus, rouge par dedans. Ainsi tombera, roidde mort en terre. Ce faict, (…) donnerai des esprons à mon cheval & poursuyvrai la voye que tiennent les ennemys (…), et tant seront  diminuez en nombre pour l'enorme meurtre que y aurait faict (…)  qu'ilz commenceront soy retirer à diligence, tous effrayez & parturbez de sens & entendement, comme s'ilz veissent la propre espèce & forme de mort davant leurs yeulx. (…)Ainsi fuyront ces gens de sens deprouveuz, sans sçavoir cause de fuyr, tant seulement les poursuyt une terreur Panice laquelle avoient conceue en leurs ames. Voyant (…) que toute leur pensée n'estoit si non à guaigner au pied, descendrai de mon cheval, & monterai sus une grosse roche sus le chemin, & avecques mon grand bracquemart, frapperai sus ces fuyars à grand tour de braz sans se faindre ny espargner. Tant en turais & mettrai par terre, que mon bracquemart sera rompu en deux pièces."

                                                

  Et voici donc la Guerre Picrocholine remodelée par les soins d'un Humaniste sous l'emprise d'une juste colère et d'une invincible hargne à l'encontre de tous ceux qui abattent la Démocratie, condamnent sans appel ceux qui ne parlent pas, comme eux, la langue de la haine, de l'exclusion; jettent aux vautours et aux charognards de tous bords la liberté d'esprit, l'indépendance d'une zazie dont nous avons le plus grand besoin afin de pouvoir nous soustraire à toutes les basses manœuvres, aux ignominies, aux comportements barbares, lesquels donnent tout simplement naissance à toutes les abominations que, parfois, l'humaine condition est habile à mettre en œuvre sous des airs faussement naïfs. Ainsi naissent les rejets, se fomentent à bas bruit les excommunications diverses, ainsi fleurissent les pogroms, s'érigent les "murs de la honte" dont, en conscience, nous ne devrions pas être capables de les imaginer.

  Recourir à l'invective, user de la diatribe, plonger dans la violence, tout cela ne risque de concourir, au final, que dans une lutte mortelle, violence contre violence. Autant se remettre en selle et chevaucher ce fier destrier HUMANISTE  dont RABELAIS, ce génie de la langue a été, sans doute, le plus brillant défenseur.

  Disons avec force, tous ensemble, afin que tous les Idiots de la Terre en prennent conscience (s'ils le peuvent !) :

 

VIVE L'HUMANISME & MORT AUX CONS !

 

 

 

 

 

 

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18 août 2013 7 18 /08 /août /2013 20:20

 

La RACINE en nous.
 

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 Une NAUSEE  langagière.

(parce que le langage a quelque chose

à dire de la Nausée, de l'Absurde).

  

  [ LA RACINE EN NOUS. La Racine ayant réel statut ontologique puisque NOUS SOMMES LA RACINE, jusque et y compris dans la contingence qui nous fait être parmi le monde, projet-jeté, déréliction Majuscule, errance sans fin, liberté conditionnelle, absurde en puissance, Existants en acte. Pièce en trois actes avec lever de rideau, pièce, baisser de rideau. Trois petits tours et puis s'en va l'Existant avec sa liberté accrochée aux basques, avec ses décisions bonnes ou biaisées, sa mauvaise foi, sa lâcheté de Salaud, sa boîte à outils existentialiste et son "être-pour-soi", son "être-en-soi", son "être-pour-autrui", sa conscience, son regard juste ou bien myope et le parcours sinueux au milieu des bondes suceuses de toutes sortes et la vie, cette "passion inutile" qui godille comme elle peut au milieu des récifs. Alors, bien évidemment, la Vie on la prend comme un fastueux paquet cadeau avec des faveurs et des friselis de toutes sortes, et l'Existence on essaie de lui donner sens et projet et, au bout du compte…Alors on se rebelle, on se révolte et le langage se prend les pieds dans le tapis car, avec l'Absurde, pas de quartier : on se couche ou bien on le taille en pièces. C'est un peu de cette révolte dont est atteint ce texte qui dit dans l'aberration lexicale-sémantique ce que ne saurait faire une parole normale, à savoir damer le pion au Néant. Au moins provisoirement! ]

 

 

*************

 

  La RACINE en nous. Sans doute ne le savons-nous pas assez, mais depuis l'écriture de LA NAUSEE par Sartre, nous sommes racinaires, soumis au régime du tubercule, longs filets rhizomatiques faisant étranges circonvolutions dans terre compacte, dans étrangeté chtonnienne. Sommes perditions sylvestres, usures ligniformes, canopée ivre elle-même, ramures perdues dans éther. Sommes excroissances Néant et chute dans Rien.

  Si pouvaient, hommes se révolteraient, briseraient chaînes, manduqueraient toute matière, retour origine, dans conque primitive. Juste bulles, juste fontanelle mal équarrie. Entendrions bruits aqueux, verrions filaments aquatinte, vert-de-gris, pseudopodes, tentacules, lianes, poulpe, placenta, eau glauque devant yeux-globes vitreux. Pas bruit, pas parole, pas langage, équations vides du rien, hypoténuses Néant, quadrature pré-existentielle. Banc-racine, jardin public, Bouville et exister était rien cette pâte-choses comme glu s'étirant vers grille gazon pelouse. Diversité voyait juste rien, illusions, apparences. Appâts rances, disaient idiots contingents, pas arrivés maturité. De pensée, de philosophie, de question ontologique. Beaucoup savaient pas  exister voulait dire, juste boissons, café, commerce, digestion, métabolisme, amibes, masses molles, monstrueuses, pareil femmes grasses dans corsages étroits. Dans jardin villes, monde sommeillait dessous colonnes bleues, kiosque musique faisait petite ritournelle amour et fleurs racontaient partout bluettes et eau roses. Pourtant marronnier, les yeux poussés contre lui, d'écorce rugueuse et cuir bouilli.

  Ce marronnier qui me faisait face avec sa bonhommie, son tronc rassurant planté dans le sol de terre meuble, ses ramures généreuses, on aurait cru l'archétype du bonheur, le génie tutélaire sous lequel s'abriter, voilà qu'il me regardait d'un drôle d'air, avec des mines vert-de-grisées, pareil à une vieille pute se vautrant dans son lit d'incomplétude, et, tout cela, cette brutalité des choses, cette sourde survenance du réel  coulait le long de mon corps, entrait par les pores de ma peau, j'en frissonnais, commençant tout juste à me pénétrer de sa funeste intention, me triturer os, inciser ligaments, sucer moelle, enserrer sexe, extraire dernier jus, généalogie terminale, plus homme, plus existence moisie, boursouflée, gonflée jusque obscénité, plus rien, juste Néant, juste Être avant perdition, saut absurde, déréliction moi restant quelque chose trop, comme surplus existence, gale chêne, bubon, pustule bons crever, mais Mourir "eût été de trop", mes os purgés jusqu'à moelle, bourses vidées cervelle broyée, jus d'intellect, idées varlopées, sentiments peau chagrin, affections révulsées, et espèce anaconda grotesque, complication ophidienne faisait confluences juste devant pieds, sous marronnier, près banc où existais pas plus que feuille morte ou brindille bois et pourquoi Racine absurde ? et pourquoi moi absurde, et pourquoi Autres avec mains graveleuses, faces hilares, sourires guingois, marche comme crabes, Enfer, Enfer, Enfer, moi aliéné avec regard qui bouffait moelle jusqu'à Racine, entêtement expliquait rien, excès de moi, du monde, pourquoi Racine,  moi, Existant ?

  Rien existait vraiment et cet arbre, et ce kiosque et toute cette comédie bien huilée, et les Bourgeoises de Bouville, l'Autodidacte qui existait effigies papier, et fallacieux Marquis Rollebon, mais ça existait pas Histoire, juste histoires plurielles, minuscules, engluées dans boue réel dense, tout sécrétait existence, tout suintait jusqu'à écoeurement, jardin était étroitesse prise étau entre allées venues voitures, paroles laineuses, promesses, compromissions, et disais, là sur banc, contingence, la tenais dans creux mains, dans courbure pieds, dans étreinte pour saisir réel seulement, suintant toutes parts, comme dans sombres cryptes, eau lourde significations disait ceci, TOUT EST GRATUIT, arbre, racine, autres, bibliothèque et NAUSEE et exister veut dire : mettre pied devant autre, au hasard, rencontrer femme, serrer bras, faire amour, enfants, enfants, enfants, travail, maison, partout existence enserre, ligature, étrécit, partout éclosions, épanouissements, efflorescences, bourgeonnements, couples enlacés, baisers, promesses, serments présence majuscule, pas asile, pas repos, Existence, œuf plein, larves, occlusions, percussions, croisements, contrats, refuges, saleté Néant qui partout accrochait grilles, basques gens, soufflait air glacé dos Existants et liberté difficile que grimper Annapurna à reculons pieds entravés, avec nuit en travers gosier et homme, si liberté, était condamné à être, pas choix, sauf mourir pourtant milieu désespoir magnifique petite lueur espoir, sourire arbres, parce que arbres souriaient, massif laurier éclairait "voulait dire quelque chose" secret existence ? Ça voulait dire, ça voulait parler, ça voulait écrire et sens y avait partout, sur branches, dans racines, sur banc, dans corps, dans autres. Exister était comprendre et non autre chose. Pourquoi gens aimaient, prenaient métro, dansaient, jouaient cartes, allaient cinéma, amour, disputes, passions, promenades jardins, asseyaient banc sous marronnier Racine rampait sol et tout à coup on sait plus  racine, ça voulait dire et alors cherche…cherche…cherche…jusque fin temps. Jusque racine épuisée, morte, retour glaise, trace limon, perte eaux primitives, juste ruissellement, puis Néant !

 

 

 

 

 

 

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18 août 2013 7 18 /08 /août /2013 09:16

 

     L’ami ôté.

 

       ami 

 

Vous ne me voyez pas,

vous marchez avec hâte,

vers vos bureaux,

vos automates.

 

Vous ne me voyez pas,

vos pensées sont trop hautes,

elles n’aiment pas la terre

et son peuple-cloporte.

 

Vous ne me voyez pas

et pourtant vous connaissez

mon existence

qui occupe un recoin

de votre conscience.

Tout petit,

il est vrai.

 

Je suis l’homme-boîte

du caniveau trente-huit,

Rue de l’Amirauté.

Le domicile m’y a élu,

sans doute pour la vie,

pour la mort aussi,

qui, souvent, me défie.

 

Normal, me direz-vous,

la boîte qui m’abrite

est un avant-goût

du bois de sapin

qui habille les morts.

 

Ajustée à mon corps

elle en a la forme,

elle est l’évidence

du néant qui rôde

aux moments de silence.

 

Les jours de gelée blanche,

quand la place est déserte,

des voyageurs égarés

s’assoient sur le banc esseulé

en face de chez moi.

 

De ma lucarne

je les observe,

c’est mon spectacle,

mon loisir à moi.

Ils déplient une carte,

allument une cigarette

transie de froid.

Ils se réchauffent

à la fumée bleue.

 

Ils font craquer leurs doigts,

leurs jointures engourdies

font comme une mélodie

aux matins de noroît.

 

Ils voient, en face,

le café au rideau de perles.

Ils iront, tout à l’heure,

boire un moka

qui leur dira

qu’ils sont encore vivants,

qu’ils ont des amis de fortune,

des solidarités opportunes,

que la solitude,

ça n’existe pas.

 

Ils se réchauffent

à l’idée

de l’amitié

qui gravite à leur front.

Il suffit d’un café

et la vie

a des couleurs de fête.

 

Je vois, dans leurs yeux gris,

passer les flammes de l’espoir,

il y a de la buée

sur les vitres du troquet,

sans doute

des "je-t’aime"

sur des banquettes usées,

des mots qui flirtent

entre deux tasses de café.

 

Je vois tout cela

qui s’inscrit dans votre tête,

ça fait, autour de vos cheveux,

des bannières d’amour,

des guirlandes de feu.

 

Du fond de ma boîte noire

je ne suis pas jaloux,

votre bonheur

me fait du bien,

vous avez l’air

d’un Type sage

qui a quitté les siens

l’espace d’un voyage.

 

vous voir, comme ça,

sur votre banc,

J’ai pour vous

l’estime d’un amant.

Oh, non, ne croyez pas,

j’ai pas d’idées tordues,

je vous aime seulement

pour la lumière

qui brille

à vos pupilles.

 

Et puis, je vais vous dire,

j’aimerais pas être

à votre place

car alors

je n’aurais plus l’audace

de vous imaginer,

de sentir vos pensées,

de voir votre bonheur.

C’est un sentiment si rare

d’être l’observateur

des tropismes du cœur.

 

Oh, non, pas encore,

ne partez pas,

laissez-moi

faire le plein

de cette joie

qui, aujourd’hui, m’échoit.

 

Vous ne le savez pas

mais vous avez

ensoleillé

mon rectangle de bois

qui est mon chez-moi

comme vous avez

un chez-vous

où, j’en suis sûr,

il fait très doux.

 

Vous avez décroisé vos jambes,

regardé votre montre,

vous allez partir,

laisser votre place vide.

D’une pichenette

votre cigarette

fait, dans l’air,

une pirouette.

 

Vous avez

bien visé,

ayant aperçu,

avant de vous lever,

cette étrange boîte

au bord du caniveau.

 

Vous avez bien visé,

le mégot est entré

par la cheminée,

est tombé

entre mes pieds,

m’a un peu brûlé.

Je n’ai pas bougé

car, alors,

vous auriez deviné

une vie paumée,

une mélopée

de raté

dans ce nid

d’infortune.

 

Je ne sais pourquoi,

mais je vous prête

un grand cœur.

Vous m'auriez proposé

d’échanger

nos places

et vous seriez entré

dans mon palace

sans l’ombre d’un regret.

 

Alors, pour moi,

le monde aurait basculé,

je l’aurais

vu de haut,

habité

de gens normaux.

 

Je serais, moi aussi,

devenu

un homme pressé

qui ne prend plus

le temps de regarder

à ses pieds

battre le sang

des opprimés.

Je n’aurais eu,

pour horizon,

que l’espace

de mes ambitions.

Je serais devenu

trace infime

parmi le peuple anonyme,

privé d’identité,

foule

parmi la foule.

 

La porte du café

s’est refermée.

La vie,

un instant oubliée,

vous a repris

au cœur de la cité.

 

Le mégot est éteint.

J’en garde

la brûlure,

blessure

hagarde

en souvenir

de vous.

 

Jamais

vous ne le saurez,

mais, Rue de l’Amirauté,

au caniveau trente-huit,

dans sa boîte de bois,

un ami vous attend,

revenez

sur le banc

le faire rêver,

faute de quoi

la rue perdra

sa lettre quatrième

pour l’éternité.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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14 août 2013 3 14 /08 /août /2013 09:13

 

Car écrire c'est aimer.

 

 

 ERATO-MUSE-DE-LA-POSIE-LYRIQUE

ERATO.

Muse de la Poésie.

Sir-Edward-John-Poynter.

 

 

*******

 

"Si je le pouvais j’écrirais
Sur les amants les amis
Les méchants les gentils
Au stylo à la craie
J’écrirais
Même sur les serrures et leur clef
Ou les chéries les putains
Oui j’écrirais sur vos jolis vagins
Loin l’idée de mal et de bien
J’écrirais
Sur les murs des écoles
Les étoiles et le sol
Sur l’amour et la haine
Ou les joies et les peines
J’écrirais même sur
Les vers et les mots
Rimbaud et son bateau
Jusqu’à l’épuisement de l’âme et de l’encre
J’écrirais
Pour me rappeler ce que c’est
Qu’être poète et aimé."

 

                                                   Poésie de Guillaume TOUMI.

 

  Pour consoner avec Guillaume :

 

 

  "Si je le pouvais, j'écrirais"; les mots je les graverais sur l'écorce des arbres, là, tout près du cœur battant de la lymphe; sur les feuilles brillantes des oliviers, dans l'entrelacs de leurs branches noires, sur les falaises blanches des maisons, le lisse du galet.

  "Si je le pouvais, j'écrirais", sur la courbure du ciel, le fin liseré de l'aube, la mince carnèle entre jour et nuit, les glissures du temps, les nervures de l'être.

   "Si je le pouvais, j'écrirais", à deux mains, à corps perdu, à giclure de sang, à éclaboussure de larmes, à pliure de l'âme. Si je le pouvais.

    "Si je le pouvais, j'écrirais" nombril du monde, face d'ombre,  adret de ton corps, lèvres d'envie, luxure, arc tendu du désir. Si je le pouvais.

   "Si je le pouvais, j'écrirais" avec du sperme et du sang, violence d'exister, envie détruire, charniers, ghettos. Révolte, l'écrirais avec yatagan planté dans gorge et ferait drôles échos dans creux consciences, dans conques étroites certitudes, effroi serait cette gemme qui coulerait des hommes, des femmes et les enfants y tremperaient leurs doigts indociles et connaîtraient la grande douleur, l'unique souffrance d'être.

  "Si je le pouvais, j'écrirais" sur l'épaule douce des dunes, ferais des ellipses de sable, toucherais éternité juste bout des doigts et saurais immortalité. Si je le pouvais. Si pouvais, ferais ronds dans eau, voudrait dire innocence à jamais. Comme une origine retrouvée, une vérité à saisir avant qu'elle ne se dissolve dans les conciliabules étroits, corridors de la terre.

  Pouvais, vivrais dressé sur pieu de mon sexe, phallus gonflé de sève et butinerais toutes femelles du monde, abeilles, hespéries obscures, lucines, silènes, et aussi bien femmes et aussi bien juste nubiles et aussi bien tachées de son ou bien au teint de lune. Aussi bien geishas, aussi bien putains libres d'elles-mêmes. Aussi bien. Dans tous bordels du monde, sur toutes "Madame Claude" de la terre afin de leur faire rendre leur dernier suc, de les soustraire à la tyrannie qui leur fusille l'entre-jambes, leur écartèle l'âme, leur hache menu le germe attaché au creux des cuisses, dans l'impuissance à jouir, à s'immoler dans un amour. Pur. Un seul. Mais plutôt hystérie polychrome, sofas couleur grenat, boudoirs philosophiques compassés, sexe puissamment tendu des hommes de bonne volonté les taraudant, les vrillant, les glaivant à jamais dans l'inconnaissance d'elles-mêmes.

  "Si je le pouvais, j'écrirais" sur les ocelles bleues des lézards : les vanités du monde. Sur la gorge palpitante du caméléon : la sublime métamorphose, la fille-fleur et la mûre-épanouie; l'indienne braise tilak au plein du front; l'esquimaude et ses yeux lame de rasoir, la Peul et son cou de gazelle, longue effusion de ses jambes, la source brune de son sexe, ses hanches en amphore, son glougloutement lorsqu'elle jouit, son feulement quand elle pleure, son hululement quand arrive la mort avec ses dents muriatiques.

  "Si je le pouvais, j'écrirais" dérive lente des jours, clameur noire des plantations, fureur du soleil, cannes à sucre, phalliques, plantées comme des dards dans conscience des esclaves, dans sexe éclaté, grenade carmin perdant ses graines. Giclures, souille, perditions.

   Pouvais, écrirais sueur fronts dans mines argent sous rictus stériles Pachamama, faciès grande pute folle. Folle à lier consciences des Perdus, joues gonflées de cola, giclures jaunes, dents de guingois, bouteille de mezcal plantée dans profond du gosier, attendant juste la lame en forme d'os croisés, tueuse d'âmes.  Si pouvais, ferais étendard intestins obséquieux des riches, écrirais vautours au bec crochu, lâcherais en escadrilles vrombissantes, écrirais remise de l'homme à sa place digne, non à son instinct barbare.

  "Si je le pouvais, j'écrirais" pleins de vers, des myriades de vers  libres d'être selon leur humeur, de voler sous la taie du ciel, sur les ailes des goélands, dans les abysses d'eau lourde, là où vivent et baudroient les yeux maléfiques, là où les immenses pieuvres déploient leurs tentacules, si près des forces primordiales et il y aurait peut-être des savoirs qui s'étoileraient que nous ne connaissions pas.

   "Si je le pouvais, j'écrirais" densité, lettres, murmure palimpsestes, sur parchemins cachés dans sombres cryptes, j'écrirais chant polyphonique poème. Si le pouvais. Avec doigts, ongles, griffes, peau, glotte, graverais dans l'azur la trace des non-dits, inciserai les pierres de silence, stuprerais les gorges lisses des huppées-fardées, fustigerais collines  mafflues des fesse-mathieu, enfoncerais dans le garrot des injustes le pieu de la haine, si je le pouvais. Si pouvais.

  "Si je le pouvais, j'écrirais", dans craie falaises, dans stries pierres noires, parmi roche fossile enroulement nautiles, hérissement crénelé ammonite, dentelles araucaria, étoiles astériacites, éventails fougères, comme long devisement de roche, langage antédiluvien, entendrions sourd crépitement de lave. Si pouvais.

  Pouvais, écrirais, écrirais, écrirais, milliers signes, pattes fourmis, taches encre, boules bousier, scarabée tunique phosphorescente, yeux amande, colline joues, incunables, lettres, lettres, lettres, infini crépitement pareil doigts pluie toits de tôle, course grêle feuilles maïs, cliquetis machine écrire, rafales vent pierres Ecosse, craquement édifices cairns air gris, grésillement  tourbières, souffle, souffle, souffle, halètements, points … suspension, points … interrogation, parenthèses, si pouvais.

  Pouvais, écrirais plein … puis … et … encore, comme,  au hasard, fièvre, vertige, ruissellements grotte, larmes, lames, beauté, peau, encore, folie, chants, race humaine, chambre, étincelle, lettres et encore lettres raclement varlope

 

… m … a … l … d … o … r … o … r …

 

gale, acarus sarcopte, tourmentent insomnies, adieu, hermaphrodite, pliures longues syllabes, chuintements, sifflantes, voyelles

 

…  A … E … I … O … U …

 

noir corset, ombelles, mers virides, écrirais … strideurs étranges, oméga Yeux, Si pouvais.

  Pouvais, écrirais symphonie langage percevoir comprendre s'enchanter orbe puits margelles savoir, roman, empreinte sentiments, bleuissements auroraux, brume vapeur dirait stridulations cigales, fuir, là-bas fuir pays mots libres jardins mer, nuit, nuit, nuit triplement proférée, ô feu du Poète, ô immense, immense espace du-dedans agrandi, frontières abolies, et la lampe, la tache blanche, l'écume, le cercle des Poètes fous, le papier se vide, papier et mots fuient, envolent, ô, attends-moi, Steamer et trempe ta mâture dans chair vive mots, ennui, ennui, ennui triplement proféré nuit unique, immobile, nuit encre mot orages magnétiques, quel naufrage, Radeau, Méduse, mer, bouteille à la mer, mer d'encre, vent penche, naufrages, perdition, l'âme du Poète, le pli dans l'onde, le 

 

… C … H … A … N … T …

 

pourtant … matelots, rayons violets, Yeux agrandis, mensonges et vide … vide … vide …

 

…E … R … A … T … O …

 

 … R … A … T … O …

 

… A … T …O …

 

… T …O …

 

…O …

 

.. O ..

 

. O .

 

O

 

o

 

o

 

.

 

.

 

o

 

o

 

 

O

 

 

. O .

 

 

.. O ..

 

 

…O …

 

 

… T …O …

 

 

… A … T …O …

 

 

… R … A … T … O …

 

 

…E … R … A … T … O …

 

 

 

"TOUT EST LANGAGE".

 

                           Françoise DOLTO.

 

 

 

Guise commentaire.

 

  Le poème du Jeune Poète, délicieux, circulaire, rimé en justes balancements se déguste à la manière d'une bêtise de Cambrai. Au creux du palais, parmi le doux bruit du suçotement. Au creux du langage, là où "les chéries les putains" allongent leur anatomie luxurieuse afin que nous les butinions. Oui, car c'est bien "sur vos jolis vagins", belles prêtresses que nous voudrions communier afin que, du monde, quelques chose s'ouvre, vienne nous visiter. Vagins-origine-du-monde donc langage à partir duquel va avoir lieu l'incroyable floraison humaine avec ses milliers de mots, ses milliers de vocables, de rythmes, d'intonations. Car le langage a ceci de particulier qu'il nous saisit de l'intérieur et agite constamment cette "chair du milieu" qui veut dire l'amour, le sens, l'orbe-connaissante, le dépliement de toutes choses.

  Belle petite révolte rimbaldienne, venue nous dire, en de menues incantations la nécessité du Poème à nous habiter. Car l'homme est ce Poème-levé qui travaille le corps du monde, s'immolant dans ce geste fondamental du dire, de la parole dans son essentialité. Triple essence se confondant en une seule et même arche du déploiement : de l'hommedu langagedu poème. Sphéricité où tout signifie, joue en écho, se réverbère sur l'arc tendu des consciences.

 

"J’écrirais
Pour me rappeler ce que c’est
Qu’être poète et aimé."

 

    Bel épilogue qui, en trois vers simples nous dit la complexité de l'âme du Poète, sa recherche fiévreuse d'une absinthe le portant à l'incandescence afin qu'il puisse, enfin, "ETRE AIME". Mais par qui ? Les femmes d'aventure croisées au hasard des chemins vers le Harar; Jeanne Duval, la haïtienne (?) l'Inspiratrice des nuits d'écriture; Mathilde voulant sauver le versificateur du naufrage ?

  Mais par la Muse, par ERATO elle-même, fille de Mnémosyne, la déesse de la mémoire, elle-même Fille d'Ouranos-le-Ciel et de Gaïa-la-Terre. Car toute poésie résulte de cette tension-là, entre le dense, le compact, le refermé et l'aérien, le souple, l'infiniment ouvert sur l'éther fécondant. C'est dans l'intervalle situé entre les deux, le Ciella Terre que s'inscrit le Langage, s'extrayant de la glèbe immanente pour surgir au milieu du zénith transcendant.

C'est du Langage dont le Poète est amoureux, c'est du Langage qu'il veut être aimé. Sa seule destinée. Sentant parfois que ceci qui les nourrit, les fait respirer, leur échappe, les Poètes mauditsBaudelaire,VerlaineRimbaud livrent au monde ébloui leurs plus beaux poèmes.

La Muse est, en même temps ce troisième élément qui joue en mode alterné avec les deux autres, le Ciella Terre et, bien évidemment, il s'agit de l'Eau, de la Mer, de la Mère, par le jeu d'une simple métonymie.

  Osmose Ciel-Terre-Eau et voilà que surgit le verbe poétique dans son unicité, merveilleuse gemme dans laquelle le Poète cherche son inspiration alors que s'écrivent les mots doués de magie, adoubés au rêve, gonflés du souffle puissant de l'imaginaire. Le Poète est ce "bateau ivre", ce "Steamer balançant sa mâture", voguant sur les flots du langage, là où seulement s'entend "le chant des matelots!"

 

"Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème
De la Mer, infusé d'astres, et lactescent,
Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême
Et ravie, un noyé pensif parfois descend ;"

       

                                                                           Le bateau ivre - Arthur Rimbaud.

 

Toute poésie, toute écriture est une alchimie destinée à faire surgir cette "pierre philosophale" sans laquelle les Poètes seraient muets et nous, Lecteurs, orphelins.

Au terme de cette digression dans l'espace de la création, qu'il nous soit simplement permis de conclure par deux des plus belles poésies de la langue française :

 

 

"La chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres.
Fuir ! là-bas fuir ! Je sens que des oiseaux sont ivres
D’être parmi l’écume inconnue et les cieux !
Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux
Ne retiendra ce cœur qui dans la mer se trempe
Ô nuits ! ni la clarté déserte de ma lampe
Sur le vide papier que la blancheur défend
Et ni la jeune femme allaitant son enfant.
Je partirai ! Steamer balançant ta mâture,
Lève l’ancre pour une exotique nature !

Un Ennui, désolé par les cruels espoirs,
Croit encore à l’adieu suprême des mouchoirs !
Et, peut-être, les mâts, invitant les orages
Sont-ils de ceux qu’un vent penche sur les naufrages
Perdus, sans mâts, sans mâts, ni fertiles îlots…
Mais, ô mon cœur, entends le chant des matelots !"

 

                                                               Brise marine - Stéphane Mallarmé.

 

 

 

"A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,

Golfes d'ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;

U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides
Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux ;

O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges ;
- O l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux !"

 

                                                              Voyelles -Arthur Rimbaud.

 

 

 

  

 

 

 

 

 

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9 août 2013 5 09 /08 /août /2013 21:31

      Le langage à l'œuvre dans le texte.

 

Ce bref article est destiné

à faire le point sur un de

mes textes et sur les commentaires

qui lui sont attachés sur facebook.

Il s'agit de "SA.LE .'ATTENTE".

 

 

   Catherine Ysmal ainsi que René Thibaud - on suit plus facilement ses "laudateurs"  que ses détracteurs ! -,  me semblent avoir bien compris de quoi il retourne avec ce texte atypique. Sans doute le sens n'en est-il pas immédiatement perceptible. De toute manière, étant destiné essentiellement à faire émerger une "chose" aussi difficile à percevoir que l'aporie dont l'existence est tissée, il fallait qu'il produise du non-sens. On n'écrit pas sur le VIDE ou le RIEN comme on peut le faire à partir d'un thème à la mode, dont, du reste, il n'y a rien à dire, mais, je pense, pour de tout autres raisons.

  Petite information : je ne participe, ni n'anime d'Atelier d'écriture. Cependant ce texte peut très bien se ranger sous cette rubrique car il expérimente et questionne l'écrit. Une telle tentative ne pourra jamais être aussi bien "comprise" qu'à être envisagée du-dedans du langage. C'est le langage en tant que tel qui est le premier, non le Principe de Raison qui voudrait, en fonction de règles déductivo-logiques s'emparer du sujet comme le Savant le fait, posant l'objet à observer devant soi en lui appliquant un regard "extérieur".

  Devenir, soi-même, "mot" est la condition de possibilité d'y entrevoir quelque chose, non de "pertinent", mais "d'ontologique". Car il y est essentiellement question d'ETRE et de NEANT. Ces entités dont nous sommes construits mais que nous poussons devant nous, comme le bousier le ferait de sa boule d'excrément, sans bien en connaître la teneur. Parfois, souvent même, nous dissimulons-nous ce qu'il y aurait à connaître mais que nous occultons, car tout ne saurait être de l'ordre des évidences, lesquelles sont soumises à un sombre destin.

  Si tout ceci est ILLISIBLE et je ne juge ni les laudateurs, ni les détracteurs, je peux aisément le comprendre, d'autant plus que le but poursuivi n'était autre. Expliquer l'incommunicable par l'incommunicable. La forme d'écriture essayant d'en faire surgir le fond. Bien sûr, ce style "subversif", taillant dans le vif du langage, triturant les mots pour leur faire rendre leur dernière moelle, leur jus intime est difficile, sans doute, à côtoyer. Bien évidemment, pour ma part, en tant qu'Ecriveur-Impénitent, je le vis de l'intérieur et sais, par anticipation, les thèses que je pose de manière implicite, mince travail "herméneutique" dont le Lecteur, la Lectrice, ne sont pas informés. Pour Ceux, Celles qui s'intéresseraient à l'entreprise, qu'ils sachent simplement que cette "fiction métaphysique" repose sur deux a priori, au moins.

  D'abord, le premier jeu à comprendre est celui du jeu de mots, lequel par soustraction de graphies, partant du mot SALLE D'ATTENTE se laisse lire comme SALE ATTENTE (vous aurez tous compris la reptation de l'inéluctable finitude sous la l'homophonie).

  Ensuite, l'attente des personnages fictifs, ombres métaphysiques s'il en est, procèdent à leur propre biffure, ôtant successivement tout ce qui pourrait faire "corps", donc "existence" à l'intérieur des vêtures, lesquelles ne sont que les apparences, les illusions dont l'existence aime à se draper.

  L'apparition du LIVRE, quant à elle,  est celle-là même du LANGAGE en tant qu'essence de l'homme, laquelle étant également promise à la disparition procède du NEANT dont nous sommes issus et auquel nous retournons par simple destination humaine.

Préalablement à la publication de ce texte, j'avais volontairement "omis" d'en donner de possibles clés de lecture afin que la finalité parvienne à faire sens et à s'éclairer de "l'intérieur", à savoir du-dedans de la conscience du Lecteur, de la Lectrice, afin qu'une nécessaire tension ouvre  le langage à ce à quoi il est essentiellement destiné, à savoir à mettre en relation avec le monde.

  Mes textes, quels qu'ils soient, reposent toujours sur un fond de vérité, mais le font "radicalement" ou "idéalement" (dans une perspective globalement néoplatonicienne), mais rien de ceci, je l'avoue, n'est facilement perceptible. Il y a toujours, de la part du Lisant un effort à produire afin de s'introduire dans la bogue et d'en découvrir la chair. Sans doute cela donne-t-il, parfois, l'impression d'hiéroglyphes ou bien de signes "hermétiques".

  Le langage est notre bien commun. Nous le partageons et, de ce fait, adoptons des conventions communes aisément déchiffrables. Parfois convient-il de s'en abstraire afin qu'un dire dépouillé de tous ses pré-requis compréhensifs parvienne à créer, à nouveau, du sens. Mes remerciement à TOUS lesLecteursLectrices, aussi bien les convaincus que ceux, celles envahis d'un doute. C'est bien le doute qui est créateur d'existence car poser la question est le thème fondamental de l'aventure humaine.

  Pour ceux, celles qui seraient tentés par l'aventure d'une énonciation serrant au plus près ce qui, par  nature, toujours se dérobe, d'autres textes suivront. Pour l'instant, dans la même veine, que ceux, celles qui le veulent veuillent bien se reporter à "LE CORPS LE SAIT", lequel, à sa façon, méditant sur l'existence d'un laissé-pour-compte de l'exister, procède, langagièrement parlant, à sa propre disparition : une manière d'ESTHETIQUE DE L'EFFACEMENT.

 

Petite note ajoutée mais pour autant non superfétatoire. Mon article récent sur l'excellent livre deCatherine Ysmal , "Irène, Nestor et la Vérité", article dont le titre est "DU DEDANS DU LANGAGE, LA LITTERATURE", fait la thèse suivante : le propre du livre c'est bien de partir du langage lui-même, en direction de la fiction et non l'inverse. C'est le langage qui parle en premier et prête vie aux personnages à qui il est confié. C'est le langage qui est premier et ceci est parfois tellement vrai qu'il rend obsolète le cadre du roman lui-même, les lieux, la temporalité, les protagonistes. C'est le langage qui signifie et s'attribue, en tant que possibles et évanescents prédicats, la galaxie romanesque. Ainsi les excellents auteurs du Nouveau Roman - on n' a guère fait mieux depuis -, Robbe-GrilletNathalie SarrauteClaude Simon - pour ne citer qu'eux, dont les livres, avant d'être des situations romanesques sont des constructions langagières rigoureuses. C'est cela que je nomme "l'en-dedans de la littérature", geste par lequel naît la véritable écriture, sans concession, sans dérobade, ne disposant que des mots, rien que des mots afin d'apporter au plein jour la dimension d'une compréhension authentique sans laquelle la création ne serait que pur verbiage. Catherine Ysmal l'a bien compris et c'est certainement la raison pour laquelle certains Lecteurs ont un peu de mal à l'accompagner dans son entreprise littéraire.

 

  La littérature est une exigence ou bien elle n'est pas !

   

 

 

 

Sans doute texte déroutant pour Celui, Celle qui se destinera à essayer d'en devenir Lecteur, Lectrice. Lecture de l'étonnement même en sa confondante stupeur. Ecriture métaphysique de la Métaphysique. Ou comment dire la possible figuration de l'être, en même temps que la persistance du néant à le dissoudre, cet être qui s'essaie à exister alors que le jeu est perdu d'avance, que les dents muriatiques du néant rongent constamment depuis leur propre invisibilité ? Comment dire le visible confronté à l'invisible, sinon par une esthétique de la disparition, par un langage semblant avoir perdu la raison alors même qu'il signifie bien au-delà du bavardage du quotidien. Seulement cette manière qui essaie, laborieusement, dans la densité, dans l'intervalle resserré des mots, de dire l'impensable, l'innommable, le toujours fugitif est, par nature, une écriture exigeante demandant qu'on l'investisse de l'intérieur et que l'on cesse de la considérer comme un objet que l'on scruterait de l'extérieur. Car, pour saisir correctement le langage en tant que langage, il faut consentir, soi-même, à devenir mot, lettre, ponctuation. Cette mystérieuse SAL.E   . ATTENTE - (qu'on veuille bien être attentifs à ceci qui reste alors que certaines lettres ont été prélevées, qui, déjà, introduisent dans une esthétique d'une temporalité moissonnant l'être, au moins partiellement, en attendant que se présente l'épilogue en forme de retrait définitif !) -, salle d'attente donc qui trouve à s'exprimer dans l'abrupt et l'inconnaissable des toiles de de Chirico. Figuration de l'être sous les espèces de mannequins d'osier aux têtes oblongues et vides, à la rigidité de mécanique mortelle, alors que leur fond apparitionnel en forme de lumière d'aquarium ne semble annoncer que le vide sur lequel ces Etranges se figent comme pour nous dire la vacuité de toute chose.

  La "vie-sal.e  .attente" est bien, en effet cet étrange ballet immobile entre quatre murs, ceux-ci jouant à titre de quadrature indépassable, de mesure destinale étroite, juste une meurtrière où ricocher l'espace de quelques pirouettes, puis se hisser révérencieusement vers cela qui nous appelle que, cependant, nous ne connaissons pas. Et les livres sur les tables ne sont que l'hypostase, sous forme de volume, de brique compacte, du Langage, essence de l'homme dont la subite et consternante disparition signerait la perte de l'homme, autrement dit, la perte de l'être !

 

 

I-Grande-3959-plaque-de-porte-braille-et-texte-relief-salle 

 

 

00

Giorgio de Chirico.

Chant d'amour.

Mystère et mélancolie d'une rue.

 

 

  DE QUELQUES LETTRES DEROBEES AU TITRE

EN GUISE DE SURGISSEMENT DE L’INCONCEVABLE

OU DE L’IMPOSSIBILITE A NOMMER LA FUITE :

NEANT

  

 

   Le sol est gris. Uniformément gris. Sa lisséité pourrait être troublée de clarté. Ne l’est pas. Est seulement dans l’atténuation. Sa nature  de sol est d’être atténuée. Jusqu’à l’invisible. Ou presque. Dans l’effleurement de sa limite.

  Posées sur le sol gris. Gris dans l’atténuation, autant qu’il est possible. Sur le sol gris, des chaussures. Noires. Non totalement noires. Dans la limite du noir absolu. Noir élimé par l’usure. Usure avancée. Sans retour possible vers l’intégrité du noir de l’origine. Usées. Sans dépasser le connu de la forme. Il est dans leur nature d’être usées. Dans leur forme.

  Chaussettes. Dans la transition. Gris-noir. Uniformément trouées. Au talon seulement. A la pointe, seulement. L’usure est contenue dans les chaussures, dans l’invisibilité des trous dérobés. Toujours au regard dérobés. Les trous. Comme absents. De l’existence réelle.

  Des pieds, à l’intérieur, sont devinés. Supposés, seulement dans l’offrande de leur non visibilité.

  Pantalons . Gris anthracite. Dans la descente du noir vers le gris. Etroits. Dans le genre de jeans. Elimés. A la courbure des genoux, surtout. Sur la mésa des cuisses. Elimés, les jeans. D’une usure de plateau usé par le vent. Elimés dans le gris plus clair. Dans la trame. Il est de la nature  des jeans d’être usés. Dans la toile. Dans la trame. Dans la croisée des fils.

On suppose des jambes. Invisibles dans le serrement gris. Usé.

  Pull. Dans l’atténuation du gris. Moins que le sol. Moins que les chaussures. Moins que les jeans. Gris dans la vibration. Approche de la cendre. De la poussière. Amorce de clarté. Sans clarté visible toutefois. Sans clarté qui se dirait. Dans l’évidence. Non-dit du gris qui veut se dire dans l’absence. Des plis à la surface. Où se creuse la noirceur. Où se rassemble le noir. A la pliure. Seulement à la pliure. Dans le profond des plis. Plus clair, le gris. Sur les rebords de l’échancrure. La clarté n’est pas présente. Réellement. N’est visible que dans sa confrontation au gris foncé. Au profond des plis. Froissement du pull. Aux aisselles. Aisselles grises du pull. Gris usé. Dans la trame plus claire. Plis des manches, des aisselles. Il est dans la nature du pull d’être dans le désordre des plis. Dans l’enveloppe grise, un corps  est supposé. Qu’on ne voit pas. Qui se décrit dans son extérieur, seulement. Dans le renflement des plis. Le renflement comme supposition.

  Les manches. Longues. Cascades de plis, aussi. Dans le jeu de la lumière grise.

Prolongement des manches : gants . Noirs. De cuir. Comme les chaussures. Dans l’usure de la peau. Souple. Comme un abri. Un refuge. D’une clarté plus claire. Sur le dessus. D’une clarté plus sombre. En dessous. Il est de la nature  des gants d’envelopper. De serrer dans le creux du resserrement. De rassembler des formes jointives. Tout en les séparant. Une séparation dans la proximité.

On suppose, au-dedans, des gants. Des mains. Evoquées, seulement. Imagées, seulement. Non réelles dans la saisie des objets. Dans l’effectivité du serrement des doigts. Des manipulations. Supposées, seulement. Non démontrables. Saisissables seulement dans l’intervalle de leur séparation. Dans l’occultation.

  Le col roulé. Gris anthracite. Cannelures des plis. En diagonale. Clarté supposée sur le revers des pliures.

  Cou supposé dans le tube du col. Supposé dans le renflement des flancs. Du col. Du haut du col. Qui signe une limite. Arrêt de la vêture. Du gris déposé sur le cuir, les mailles, la toile.

  Au-delà du pull. Une tête supposée. Non évoquée, toutefois. Dans l’absence d’un couvre-chef. Tête non visible. Dans l’absence réelle. Dans la non-présence. Absence d’usure du cuir, de toile élimée, de plis. Pour témoigner. Absence de matière où imprimer une trame. Figure de l’absence. De la trame. Du visage. Non-dit absolu du visage. Qui demeure dans la dissolution des formes.

  Au-delà des formes dissolues, le plafond. Dans l'atténuation du gris. Dans le dégradé du gris, depuis le sol jusqu'au col. Du pull. Jusqu'à la limite des plis. Couleur approchée. De la lave. Approchée, seulement. Pas réellement réelle. Témoignant seulement des autres couleurs. Jouant avec elles. Dans un jeu muet, cependant. Immobile. Dans la mutité du non-dire. Pas totale. Dans l’amorce, seulement. Dans l’essai de profération. Dans l’ébauche articulatoire de la forme. Il est de la nature  du plafond d’être seulement ébauché. De relier les formes entre elles. A défaut de l’être soi-même. Une forme.

  A la jonction du plafond et du sol. Plaques plus claires. Comme du gris délavé. Du gris hésitant. Dans la tentation de la blancheur. La tentation, seulement. Le désir approché. Seulement. Non le désir lui-même. Qui serait un aboutissement. Hésitation vers le blanc. En direction de... Non installée dans... Doute gris-blanc. Inscrit sur quatre plaques. Entre le gris soutenu du sol. Et le gris atténué du plafond.. Les quatre plaques peuvent être nommées parois . Ou bien murs . Dans l’approximation du dire seulement. Dans l’essai d’effraction vers la parole. Qui est celée. Dans les parois verticales. Comme abruptes de ne pouvoir se dire. Irrésolues. Muettes, surtout, dans la matité de la couleur. Sourde, la couleur. Comme retirée d’elle-même. Dans un secret à lui-même non dicible.

  Il est de la nature des murs de ne rien proférer. Jonction, seulement. Etais du réel. Murs porteurs du réel. Médiation des murs. Sans autre fin que la médiation. Que la relation des choses entre elles. Semblance des murs dans la contiguïté. Des quatre panneaux. Semblance approchée, seulement. Essai de similitude. Où se dissimulent les différences portées par les murs. Minimes. Dans l’oubli d’elles mêmes, les différences. Reconnaissables, les murs, dans la seule nomination de repères à eux dévolus. Positions cardinales, les repères :NordSudEstOuest. Commodités où installer les repères. Seulement commodités. Notées : NSEO .

  Mur E : Surface lisse. Dans le vague d’une supposée blancheur. A droite, une trace. Rectangulaire. Comme une porte. Ancienne. Dont on ne verrait que l’encadrement. Qui aurait été rebouchée. Scellée.

  Mur N : Dans le dégradé du gris et du blanc. Paroi continue. A droite. A l’angle presque du mur E et du mur N : une faille . Mince. Tout en longueur. Meurtrière. Etroite, dans l’incertaine donation d’elle-même. Incisée de gris plus profond. Comme des hachures. Gris soutenu. Comme une barrière au regard. A l’impénétration du dire. Enigme de la trace innommée.

  Mur O : Une seule plaque unie. Dans la monotonie de son unité.

  Mur S : Paroi continue. Aucune ouverture. Qui ferait diversion. Qui égarerait le regard. Le perdrait peut être. Dans l’égarement du continu. Dans la persistance.

  Murs N—S—E—O : unis dans l’unique dégradé de la couleur. Semblables. Sauf deux. Différence de la porte scellée. De la fente. Etroite. Etroite, voulant dire l’absence surgissant dans la présence. Le retrait du dire dans son cèlement. Qui ne veut pas dire abandon. Mais question. Seulement question. Sans qu’aucune offrande de la parole puisse parvenir à son effraction. A son décèlement. De la question.

  Au centre du sol, un cube gris. Presque confondu avec le sol. Seules les arêtes plus claires. Dans l’infime remuement de la ligne. Ebauche limitée à son propre contour. Jamais au-delà, le dire de l’objet. Sans pieds, l’objet. A même le sol. Soudé sur le gris du sol. S’en détachant à peine.  

  Il est dans la nature  du cube d’être prolongement. Seulement émergence vague. Du sol dans sa lisséité.

  Sur le cube très bas, à peine dégagés de sa surface : des parallélépipèdes . Gris dans leurs contours. Gris plus clair au milieu.

  D’un côté : superposition de quatre parallélépipèdes. Dans la netteté de leur superposition. Semblent ne faire qu’une seule forme. Sans limite entre les quatre. Sur la face faisant face au plafond : des inscriptions. Noires. Dans l’absolu du noir. Plus que les chaussures. Un noir qui se dit. Totalement. Absent de doute. L’inscription : des barres horizontales. Des barres verticales. Une seule barre arrondie. Ne contrarie pas l’ensemble, toutefois. Une barre en diagonale. Deux barres courtes. Jointives. Au dessus des barres de gauche. Jeu des barres entre elles. On suppose un mot. Exactitude de la supposition. Qui détache un mot de la surface uniforme. ETRE, le mot lu. Non supposé, maintenant. Bien réel. Au centre de son évidence. Evidence qui clôt tout commentaire. Tout essai d’explication. Toute explication ferait, du mot, retour à la forme. Seules barres visibles dans leur mutité de barres. Plus rien au-delà.

  D’un autre côté : un parallélépipède. Massif. De hauteur égale à l’ensemble des quatre parallélépipèdes. Strictement égale, la hauteur. Inscriptions, également. Sur la face orientée vers l’atténuation grise du plafond. Des barres. Verticales. Horizontales. Diagonales. Courte barre, aussi. On suppose, comme précédemment, un dialogue entre elles, des barres. Le mot supposé est exact dans la supposition. Comporte une lettre de plus. Que le mot précédent. NEANT, le mot lu. Sans ambiguïté aucune. Certitude du mot. Qui ne suppose aucune effraction. Dans la dimension d’une connaissance plus approfondie. Sinon, réduction à l’état de barres dans la tentative du connaître. Peut être même pure disparition. Des barres. Dans le non proféré.

  Pour faciliter la nomination. Seulement le nom, en tant qu’évoqué. Non la réalité comme réalité. La nomination du cube qui peut être dite : Table . Celle des quatre parallélépipèdes identiques : Livres. Celle du parallélépipède unique : Livre. Pour mémoire : nomination simplement. Non la certitude d’un objet réel. Qui pourrait s’introduire dans une quelconque quotidienneté. Noms seulement. Dans leurs contours de noms. Pas en tant que choses observables, manipulables. Noms nommés dans leur nomination. Rien de plus.

  Vacuité de la nomination, parfois. Vide du nom non proféré. Pas même le contour du nom. Qui délimiterait une forme. Annoncerait une présence. Nécessité, maintenant, d’un retour. En arrière. D’une remontée, ensuite, vers le présent de l’énonciation. En arrière : le sol natif. Dans son innocence d’uniformité grise. Elan d’un départ. Vers le dire. Le nommable. Le figurable. Pièces successives de la vêture. De la base de la chaussure au sommet du col. Pièces qui parlent. Qui dialoguent. Qui échangent. Entre elles. Seulement à partir de leur surface, de leur émergence. Sous le miroir de leur paraître : seulement du vide. Pas même la consistance d’un souffle. Du vide. Dans sa démesure. Hors de la vêture : un monde. A l’intérieur : stricte désolation. Du non-paraître. Vêture vide. Qui signifie l’absence. Et pas autre chose. Qui pourrait recevoir consigne, situation, coordonnées. Absence irraisonnée. Du non-devenir. De l’aporie comme telle. Pas au-delà. Ceux qui pourraient figurer dans la vêture. Ceux qui devraient y habiter. Logiquement. Leur lieu en tant que vide, les situera comme Les Absents. Les situera. C'est-à-dire leur donnera site. Provisoirement. Sous réserve du retrait du site. Dans la possibilité immédiate et permanente. Du retrait. Les Absents. Jamais une nomination. Qui ferait surgir la présence. Lieu imaginaire. Uniquement. Sans plus. Lieux imaginaires tendant les vêtures. Gonflées à la manière d’une voile. Donc au nombre de quatre, Les Absents. Quatre : non une mesure numérique. Qui inscrirait dans une série. Qui instaurerait une relation. Des quatre à chaque autre de la série. Quatre veut dire ici : analogie des vêtures dans leur quadrature. Rappel de l’absence. Contenue dans les quatre vêtures. Contenue ne veut pas, ici, dire de l’ordre d’un contenu. De son rapport au contenant. C'est-à-dire quantifiable. Contenu veut seulement situer le lieu possible d’une absence. Pas de rapport de l’absence à la vêture. L’absence est l’envers de la vêture. Comme l’envers d’une peau. Dont la vêture n’est pas consciente. Pas informée. La vêture porte l’absence, comme la poterie porte le vide. Identité symbolique de la vêture et du récipient. Identité symbolique de l’absence et du vide. L’absence, identique à elle-même. Logée dans des vêtures quatre fois semblables. Dans leurs formes, couleurs, positions. Destinalement semblables. Donc toutes concernées par la mêmeté. Pour introduire la différence, symbolique, mais non réelle : identification à des positions de l’espace. Des vêtures. Et incidemment l’envers des vêtures. Juste installées dans le gris-blanc du doute. Du doute qui a reçu, anciennement déjà, le nom de mur. Provisoirement. Dans l’évitement de la représentation. De la certitude d’objet. Que recèle toute représentation. Les Absents, comme « doublures » des vêtures, seront désignés par leur position cardinale . N-S- E-O. Comme les murs.

  Le cube de la pièce. Silencieux. Installé dans le silence comme silence. Dans l’immobile. Et rien d’autre.

  Le lieu des Absents . Silencieux  aussi. Vide du silence qui habille la vêture. Mais, ici, silence différent de celui de la pièce. Silence en tant que différence, en tant qu’intervalle de la parole. Silence en tant que demande de mots. Tension silencieuse de la demande. Cachée sous les plis de la vêture. Inapparente au regard. Seulement esquissée dans la tension de la vêture.

  Silence de la pièce. Qui paraît immuable. Comme serti dans son non-paraître. Qui apparaît dans la différence. D’une émergence soudaine. D’une voix portée par la fente du mur N. Léger écartement de la faille. Dans la parole proférée. Décalage du silence. Entre les parois grises. Dont l’espace s’agrandit de la voix. De ses ondes maintenant perceptibles. Lointaines, les ondes. Comme venues à travers un rideau. D’eau. Liquide. Mince pellicule. Se fendant. Semblable à l’éclatement d’un miroir. Etonnement du silence habité par le dire de la voix issue de la faille.

  Le nom d’ Absent N est proféré. Moins son nom que son absence de nom. L’Absence , dans la vêture, se meut en direction de la faille. Qui demande aussi la présence. Du livre ETRE présent sur le bloc gris qui a été nommé Table.

  Disparition. Vêture et Absence au-delà de la faille. Au creux de leurs vêtures, les trois Absents , dans la pièce, questionnent la voix de la faille. En silence. Seulement. L’Au-delà du mur N n’est perçu qu’à la mesure de la voix. Aucunement d’une  manière différente.  On suppose, au creux des vêtures, cette Parole absente de corps. Voix seulement portée par le souffle d’elle-même. Rien d'autre au-delà. Au-delà du mur N : seulement quatre tapis sur le sol. Tapis blancs. Dans la pureté de la non-couleur. Dans la virginité d'une naissance. Blancs, les tapis. Blancheur veut dire ici : disposition au recueil de la parole. A l'impression de la parole sur la trame du tapis. marque de la vêture noire sur la blancheur. Du tapis.

  La Parole, derrière la vêture. Affairée au dire. Avec le silence de L’Absent. Qui se dissout dans les intervalles de sa propre parole. La parole de L’Absent  n’est audible que dans l’écoute de La Parole qui profère des mots en direction de la vêture. Les mots proférés par L’Absent : délivrance de sa propre parole. Qui seule gonfle, soutient la vêture. Comme un souffle. Le retrait du souffle dans la vêture la condamne, la vêture, à sa propre dépouille. A l’absence dans l’immatériel. A la non- visibilité. Au confondu dans la blancheur du tapis. A la double absence : absence elle-même libérée des mots, absence de son propre contour. Absorbée par la blancheur, la vêture.

  Dans la faille, la voix requiert maintenant la présence des  trois autres Absents. Inclus dans les vêtures, respectivement S-E-O. Vêtures absorbées par la faille. Porteuses, également, chacune, d’un livre ETRE. Allongement des vêtures. Sur les trois tapis blancs. A côté de la disparition de la vêture N. Dont la trace n’est plus lisible. Dans la blancheur du tapis. La Parole , derrière les trois tapis, convoque au dire le silence des trois Absents. A savoir : S-E-O. La délivrance des trois paroles retire le souffle des trois vêtures. Qui disparaissent dans le blanc des tapis. Dans la trame avaleuse de formes. Engloutisseuse de mots. Le lieu de l’au-delà du mur N : quatre tapis seulement. Blancs. Dans la blancheur du non-dire où les formes ont été dissoutes. A l’intérieur d’elles-mêmes. Dans le renoncement du contour. De l’esquisse d’une parole. Le lieu seulement habité. De quatre tapis blancs. Du sol gris jouant avec les tapis. De quatre parallélépipèdes aussi. Chacun anciennement nommé ETRE. Dont le titre n’est plus lisible. Seules quelques barres enchevêtrées. Percussion de signes. Sans plus de signification que la percussion elle-même. Attentive, la percussion, à sa propre disparition. Qui disparaît dans la texture du support blanc. Lui-même inapparent sur la surface du tapis. Blanche elle aussi. Jeu double du blanc. Qui ne résonne que dans l’absence. Et dans nulle autre chose. L’au-delà du mur N est dans l’occupation de sa propre dissolution. Et nulle part ailleurs que dans cette absence à lui même.

  Il faut, maintenant, revenir au cube de la pièce. Délimité par le sol gris. Le plafond dans l’atténuation du gris. Les murs N-S-E-O. Dans le dégradé du gris et du blanc. L’absence des vêtures : signe la présence, jusqu’alors inaperçue, de quatre chaises. Blanches. Identiques. Les pieds : quatre tubes blancs. L’assise : plaque blanche. Carrée. Sans que les angles soient arrondis. Les montants : blancs. Tubes plus étroits que les tubes des pieds. Le dossier : blanc. Droit. Non incurvé dans l’intention de prêter appui à une forme de corps. La chaise : blanche dans les formes nettes de sa simplicité. A la limite de l’oubli. Presque fondues, les chaises. Dans les couleurs dégradées des quatre parois. Auxquelles les chaises font face.

  La pièce, désertée par les vêtures, par l’absence des  vêtures, peine à soutenir la tension des parois opposées. Deux à deux. Dans leur similitude de parois. Dans la dégradation avancée du gris et du blanc. Reniement de la tension à se soutenir elle-même. Retrait dans la faille du murN. Dont la faille est comblée. Par l’identité du paraître des murs S-E-O.Rassemblement identique du non-paraître dans l’effacement de la meurtrière. Dont les bords rassemblés l’annulent. La faille. Le plafond aussi, dans son atténuation grise, rejoint l’absence de la faille. Qui appelle le renoncement du sol dans son évidence grise. La disparition du cube gris. Privé , maintenant, du remuement de ses lignes. A la façon du parallélépipède, autrefois évoqué sous le nom de Livre. Affecté par le renoncement des parois à la tension. Rogné dans l’épaisseur. Dans l’amplitude du volume. Limité à la consistance d’une simple feuille. Consistance de buée et de souffle. Où le titre même de Néant renonce à ses appuis. Dans une finitude ne pouvant elle-même dire son nom que dans l’absence d’un langage. Dont la faille elle-même n’est plus porteuse. Dans l’ultime clôture de ses bords. Dans ses limites. A la façon d’un mot replié sur sa spirale. Oublieux de ses lettres. Pour n’être plus qu’attente. Longue à venir. D’un bord à l’autre de l’abîme.

 

 

 

 

 

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