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26 avril 2014 6 26 /04 /avril /2014 07:05

PETITE PROSE DU JOUR - NOUVELLE (suite 2).

Le refrain se limitait à ces trois salves salvatrices par lesquelles Solitude échappait au monde du-dehors dont elle sentait la menace pareille au souffle de l'inattendu, à l'haleine acide de la Mort. Solitude se levait, comme attirée par de mystérieuses forces, guidée par une étrange aimantation. S'ouvrait, devant elle, la bouche d'ombre qui la reconduirait à elle-même, empruntant le chemin de bien lumineuses catacombes. A peine avait-elle franchi les premières marches qui s'ouvraient là, sous le banc, à même l'aire de ciment, et déjà le long boyau de calcite allumait sa neige, installait sa phosphorescence. L'air fraîchissait et la Passante sentait son corps, sous la buée de la chemise, se recouvrir d'une mince couche de givre. Il y avait des chemins différents, des nœuds de verre qui s'étoilaient dans tous les sens. Des chauve-souris poussaient leurs sifflements aigus, des insectes aux coques de platine traçaient leur route en un sillage étincelant, des cloportes, hissés tout en haut de leur architecture de diatomée brillaient, tels des diamants. L'eau des minuscules lacs, les barrages de moraines, les minces écluses, les chutes d'eau, tout vibrait de l'intérieur, tout faisait son langage discret dans la mesure étroite de la nuit, dans l'orbe claire du silence. "L'en-dedans…L'en-dedans…L'en-dedans…", cela lui parvenait, maintenant, avec plus de conviction, plus de force, en même temps langage intime émanant d'elle, de son centre habité d'images translucides et mouvantes, en même temps parole oraculaire paraissant émerger des parois elles-mêmes. C'était étrange, tout de même, cette voix d'outre-tombe qui, tout à la fois s'échappait d'elle comme sa propriété et semblait provenir d'un tout autre lieu, d'une tout autre volonté. Quelle Moïra s'annonçait donc dans les spires arbustives du langage, quel destin se dessinait en filigrane en chaque pas accompli en direction de la Chambre ? Avait-elle un être, cette Chambre qui aimantait, désirait, semait ses imprécations aux quatre vents du désir, dictait son imperium aux étirements de la conscience ? Solitude existait-elle autrement qu'en ce songe étroit qui la cernait de toute part, lui ôtant jusqu'à son libre arbitre ? Solitude était-elle une idée, une hallucination, une Lilith aérienne voguant dans les arbres de la pensée, dans la chevelure du vent, dans la plénitude lunaire, dans les plis de la nuit ? Était-elle démon nous enjoignant de la rejoindre dans sa fantasque épopée, menaçant de nous engloutir dans quelque pandémonium dont elle avait le secret ? Était-elle la gueule où se précipiter pour échapper aux forceps du réel, surgir dans l'arche libre et fécondante de l'imaginaire ?

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