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26 février 2015 4 26 /02 /février /2015 15:02
Votre rencontre, un jour …

Votre rencontre, un jour, dans ce restaurant de la place Emile Zola. Un pur hasard du destin. A vrai dire, rien ne semblait incliner à nous rapprocher. Vous étiez cette femme de la bourgeoisie. Une manière d’inaccessible en soi. J’étais cet artiste en mal de création, en mal de moi. C’était là l’hypothèse la plus vraisemblable. Mais est-on jamais en mal de l’autre ? Ce serait si généreux, cette perte de soi, cette confluence avec l’amie et l’on ne serait plus qu’une même eau, oublieux de son propre ego. Mais il y a tant de choses qui nous occupent et toujours nous détournent d’un geste accompli, d’une décision portant l’être à l’intensité d’une vibration !

Vous étiez à contre-jour et la lumière enflammait votre généreuse blondeur, un feu de paille, pareil à la soudaineté de la passion. Si élégante dans votre robe-chemisier imprimée de fleurs légères que couvrait un cardigan de même teinte souligné d’un liseré de fil brillant. Vous lisiez une nouvelle de Stefan Zweig, « Vingt-quatre heures de la vie d’une femme », fumant longuement, rêveusement, dans l’air si léger du printemps. Je souhaitais capter votre regard, ne serait-ce que pour apercevoir la couleur de vos yeux. Mais vous sembliez tellement absorbée par votre lecture. Votre repas terminé, vous vous êtes levée. Grande silhouette qu’élevaient encore de hauts escarpins vernis. Puis vous êtes sortie dans la brume de midi et je n’ai plus rien su de vous, sauf ce mince livre que vous aviez oublié sur un coin de table. Soudain, j’ai eu envie de faire votre portrait. Je savais que, grâce à lui, je pouvais rebondir, trouver une nouvelle impulsion.

Un air si cristallin qu’on le croirait destiné à ne plus devoir paraître. Votre livre, je l’ai lu, pensant à vous comme à cette Madame Henriette de la nouvelle qui part avec un jeune homme après l’avoir vu un seul jour dans cette pension de la Riviera où elle est descendue. Cet homme était-il, au moins un artiste ? Avait-il le même désir que le mien : vous posséder en traçant votre énigme au fusain sur la toile blanche ? A la fin de l’ouvrage, une carte discrète avec votre nom, votre adresse, votre numéro de téléphone. J’ai longuement hésité avant de vous appeler. C’était si étrange d’aborder une inconnue, de lui proposer de venir poser devant un peintre dont elle n’avait même pas aperçu le visage. Etonnement que le mien de vous voir accepter. Je suis derrière la verrière de mon atelier. J’attends. Votre voiture blanche s’est garée le long de la pelouse. Vous en descendez, dans le même vêtement qu’hier, vos escarpins aux pieds. Vous êtes si belle dans ce geste de la descente. Si belle, Henriette et je vous attends. Le fusain, entre mes doigts tremble comme les feuilles des charmes dans le silence du parc. Je vous attends, Henriette !

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