Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
1 mars 2015 7 01 /03 /mars /2015 11:22
Pierres inventives du temps.

Nous regardons et nous voyons mais dans l’approximation de la vision. Sans doute s’agit-il de petites pierres levées dans le jour qui monte. De sable, donc de plage et de mer à proximité. Les ombres longues disent l’heure encore neuve et la disposition aux songes de la nuit. Des promeneurs, rares, pourraient cheminer, l’air absents, sur une levée de terre avec, vers le soleil, des marais semés des herbes vertes des vulpins, des lames des roseaux, des tubes des distiques terminés par leur mince plumet oscillant dans le vent océanique. Des enfants matinaux, munis de pelles et de râteaux, dresseraient les premières fortifications avec tourelles, mâchicoulis et inexpugnables donjons terminés par une feuille en guise d’oriflamme. Certes, nous pourrions voir tout cela et regagner notre demeure avec la satisfaction de celui qui sait. Mais, nous le sentons bien, il y aurait insuffisance à déployer cette vue immédiate des choses, à la tenir pour vraie et définitive.

Tout est métaphore nous disant en minces dramaturgies notre errance sur terre. Les vagues de sable, leur moutonnement, leurs mottes éteintes : la difficulté de s’y retrouver dans le fourmillement des hommes, dans la complexité du monde partout présente, dans le labyrinthe étroit des contingences. Les pierres : nous d’abord, en propre, genre de menhirs issus du sol, tendant vers le ciel, vers une félicité improbable, des mains rabotées telles des moignons et ne saisissant que l’absence d’être dans la courbure du jour. L’ombre portée : ce qui nous attache à la nuit, au mystère, à l’incompréhensible, au non-dit, à l’angoisse originelle, à notre propre finitude qui nous suit pas à pas et veille comme Cerbère, sur notre chute proche. Trois têtes du grand chien mythologique, l’une disant notre naissance, l’autre notre jeunesse, la dernière, enfin, notre vieillesse avec la trappe ouverte sur l’Hadès et le monde souterrain d’où nous venons, où nous nous ressourcerons comme dans un bain originel. Le dernier, le définitif, celui qui nomme la Trappe Majuscule par laquelle nous échappons au monde en même temps que nous nous soustrayons à nous-mêmes, nous qui n’avons jamais existé vraiment.

Ce que disent les pierres est toujours juste. Le temps géologique est la mesure exacte de l’homme, non son temps humain, mortel. Toujours nous sommes dépassés par ce que nous pensons posséder comme notre bien propre : notre mémoire, notre conscience, notre sentiment d’exister. Les pierres sont une grande sagesse. Rien de plus rigoureux que la teinte profonde de l’obsidienne, le tranchant du silex, la dureté du basalte. Cela, nous avons à en faire notre savoir immédiat et définitif. Il n’y a pas d’autre issue.

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : ÉCRITURE & Cie
  • : Littérature - Philosophie - Art - Photographie - Nouvelles - Essais
  • Contact

Rechercher