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11 juillet 2017 2 11 /07 /juillet /2017 08:21
Cet air de tranquille obscénité.

      « Ma délicieuse sorcière ».

         Oeuvre : Eric Migom.

 

 

  

  

  

   Ces filles délurées.

 

   C’est étonnant tout de même cette posture qui pourrait sembler hautement désinvolte si elle n’était doublée d’une audace illimitée capable, à elle seule, briser à des lieux la fragilité d’un verre de cristal. Mais rien ne servirait de jouer les effarouchés, de se dissimuler derrière son petit doigt, nous les aimons ces filles délurées, aussi fières que des alezans sur un champ de course. Et même à Chantilly les plus fières pouliches ne supporteraient la comparaison, le trot le cèderait vite au galop impétueux. Prétendant jockey, il faudrait être bien calé dans ses étriers afin de n’être désarçonné au premier virage !

 

   Un héros légendaire.

 

   Mais éloignons-nous de ces trop faciles métaphores hippiques et voyons de quoi il retourne. Oh, bien sûr, la petite Lolita de ce bon Nabokov est reconduite à ne figurer qu’à l’aune d’une innocence de communiante. Car pour oser dévisager Sorcière, affronter son regard, découvrir son corps - c’est en grande partie fait -, il ne faut pas seulement être un nympholepte à la recherche d’une jeune et possible proie, mais se considérer à tout le moins comme un valeureux guerrier, un héros légendaire, un Ulysse dans la force de l’âge que même le Cyclope ne pourrait effrayer.

  

   Figure de la perversité ?

 

   La Dame est mûre, sans doute au sommet de ses pouvoirs, à l’aise dans son étroit justaucorps, avenante dans le croisement naturel des jambes, justement guindée dans la préciosité de ses escarpins. Pour autant pouvons-nous dire qu’elle est la figure même de la perversité ? Certainement pas car une telle inclination de l’âme - ou du corps-sexe -, se laisse lire comme un geste de subtile domination, comme un rapt dont la prédatrice jouira en secret. Il n’y a de perversité que voilée d’ombre, mystérieuse, fomentant dans une sorte de clair-obscur ses plans d’attaque alambiqués, ses projets d’étendre son empire à la face des benêts et des badauds.

  

   Métabolisme dont il est question.

 

   Ce qui, ici, nous nargue telle l’hyène derrière ses barreaux qui ne rêve que de nous dépecer, c’est la figure même, envoûtante, paralysante de l’obscénité. Car cette dernière ne saurait avoir de limite, ni sur le plan social, ni religieux, ni moral. L’intention dépasse son objet - à savoir la proie -, pour le phagocyter, le réduire à un simple nutriment qui sera l’ambroisie poivrée, pimentée dont la Belle fera l’ordinaire de ses repas. Car, plus que le sexe - dont une projection pourrait bien consister en cette veuve noire sise dans l’éventail des genoux -, plus que le sexe donc, cru et violemment anatomique, c’est d’ingestion dont il s’agit, de métabolisme dont il est question.

  

   Communiez avec la furie luciférienne.

 

   L’amant, l’ami, celui d’une rencontre, d’un hasard, il devient urgent de le réduire à la valeur d’un simple aliment. Vous pointerez bientôt, vous Lecteurs, Lectrices, la dimension inadmissible de cette anthropophagie que vous pensiez reconduite dans les vestiges des temps anciens, archaïques, où la chair humaine était signe de survie. Mais il faut vous défaire de vos réflexes anciens, de vos petites manies de catéchumène. Ici c’est de VITAL dont il s’agit. Obscène A BESOIN de tuer et de manduquer qui vient innocemment lui confier les parties les plus comestibles de son anatomie. Moraline à cent lieues et Sorcière instille son venin au milieu de l’incandescence des instincts. Balayez donc vos préceptes, brûlez les codes de la socialité, jetez aux orties vos sempiternelles manigances, vos manières édulcorées, communiez avec le débridement dionysiaque avec la furie luciférienne, avec la puissance démoniaque.

  

   Le ciel étoilé au-dessus de ma tête.

 

   Ce que, depuis une éternité, vous aviez gravé à la cimaise de votre front, cette niaiserie kantienne dont l’assertion bien pensante vous pesait mais que vous supportiez comme on accepte un bouton ou bien un bubon sur le visage : « Le ciel étoilé au-dessus de ma tête et la loi morale au fond de mon cœur », eh bien il faut en faire le deuil et en renverser la valeur, oubliant toute allusion à une quelconque transcendance, substituant à toute morale la satisfaction du désir immédiat, étalant partout la roue polychrome des plaisirs infinis qui ne résultent jamais que de la conquête de l’autre, de sa soumission et, en dernier ressort, de sa disparition.

  

   Au-delà du bien et du mal.

 

   Oui, c’est cela l’obscénité, offenser la pudeur adverse au seul motif que sa propre puissance vaut mieux qu’une faiblesse fût-elle constitutionnelle ou bien acquise. Juste une domination sans partage, un langage prosaïque, un comportement au-delà du bien et du mal puisque plus aucune valeur ne subsiste des catégories anciennes, des préceptes qui édictaient la bonne marche des hommes, leur inscription dans les pas de la vertu. L’obscénité est la vertu retournée, la possession de soi par l’entremise de l’autre. Nulle satisfaction qui serait solitaire. On ne peut être obscène dans sa cellule monastique. Pour l’être il faut être vu, entendu, estimé au trébuchet d’une irréprochable éthique. Il faut se mettre en scène, exposer sa face d’ombre, se dénuder et s’enduire des atours d’une nuit de sabbat, tutoyer l’antre sulfureux de Satan lui-même.

  

   La posture des Existants.   

 

   Mais voici que le discours s’est fait sentencieux, à la limite d’une réprobation, d’un jugement. Parfois faut-il forcer le trait, tracer au fusain la noirceur de l’âme humaine. Tout ceci n’était bien entendu qu’une pirouette, une manière de considération tragique de la posture des Existants. Dans tout parcours, dans toute action s’infiltre toujours un peu de cette transgression qui fait le sel de la vie : un brin de perversité, une touche de provocation, le piment fort d’une obscénité. « Ma délicieuse sorcière » n’est obscène qu’à la mesure des intentions que nous lui prêtons. Alors ce travers  ne serait-il simplement le nôtre ? Nous la voyions déjà sous les traits de cette diabolique Mantis religiosa occupée à brouter les génitoires de ses partenaires alors que, peut-être, simplement la chaleur la dénudait, en même temps que notre regard ourlé d’intentions mauvaises la déposait sur les fonts du vice le plus pur.

 

   Portes du songe ouvertes.

  

   Non Délicieuse Sorcière, nous ne t’accusons de rien qui pourrait troubler ton âme. Bien au contraire nous recevons ton corps comme une offrande, la flamme de tes cheveux à la manière d’un fanal salvateur dans la brume, le sérieux de ton visage garant d’une justesse des sentiments, tes bras croisés témoins de ton humilité, le compas ouvert de tes jambes à la façon d’une généreuse hospitalité, la finesse de tes escarpins, sceau de ton élégance. Nous t’aimons telle que tu es dans cette apparente volupté qui n’est que le reflet d’une joie de vivre. Viens donc hanter nos nuits et nous serons des anges qui volèterons tout autour de cette grâce infinie dont tu nous fais le présent. A bientôt donc. Les portes du songe te sont largement ouvertes !

 

 

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