Photographie : Blanc-Seing.
Combien ce banc vient à ma rencontre
Moi qui suis l’incorrigible
Nostalgique du temps
Le voir est un regret
Parfois une souvenance
Parfois un espoir
Qui se fait languissant
Et ruine mon cœur
L’instant infini d’une attente
Combien est loin le souvenir
De Toi
De ce conte que tu fus
De ce glissement
Pareil au vent de la taïga
Parmi l’égouttement blanc
Des bouleaux
De Toi
De ta fuyante apparition
Que demeure-t-il
Sinon un creux de silence
La décroissance du jour
Un crépuscule
Qui jamais n’en finit
D’égrener d’illisibles secondes
Et puis plus rien qu’un
Doute illimité
Qui pourrait te poser
Comme n’ayant jamais existé
***
Une photo de toi
En guise de témoignage
La claire chute de tes cheveux
Ce ruissellement qui comblait ma vue
D’un inouï spectacle
Ce front doucement bombé
Cette clarté de porcelaine
Les deux parenthèses cendrées
De tes sourcils
Ce nez si droit
L’image d’une vérité
Ces yeux d’opale
Une eau sous la nuée des nuages
Ces lèvres
Ce pastel inatteignable
Cette couleur réservée
Ce cou si docile
Qu’entourait un jonc d’or
Combien ce banc vient à ma rencontre
Son dossier si inapparent
Ses jambes de fer
Levées dans l’automne
Son assise
Où jadis tu fus
Et l’image d’une Déesse s’ensuivit
Que nulle brume ne put enclore
Dans sa diaphane vêture
Dont nul diaphragme
N’eût pu fixer l’empreinte
Même dans la
Cage étroite
D’une chambre noire
Fuyante tu l’étais
Comme l’air libre
Des espaces sans mesure
Cette taïga faite à ton image
Je la vois encore
Evoquée par la pulpe de tes lèvres
Disant
Les méandres paresseux de l’eau
Les feuillées jaunissantes
Le rythme plus sombre
Des pins
Des mélèzes
Parfois un sapin décharné
Hissant ses étiques nervures
Dans le ciel aux teintes de plomb
Vois-tu à seulement agiter
Ces quelques pensées
Me voici devenu
Un autre homme
Peut-être seulement
La vibration d’une conscience
Qui vit d’attendre
Et de plonger au-dedans de lui
Dans d’antiques marécages
Où s’allument les feux de la joie
Les as-tu jamais habités
Toi la Passante de mes songes
Toi la Messagère
Que nulle parole ne visita
Si ce n’est ce murmure
Qu’était ton corps
Ce long filament brûlant de l’intérieur
De lui on eut dit l’incorruptible flamme
La passion enserrant tel un lierre
L’entière disposition à être
Mais dans le refuge
Dans le pli
Dans le sillon au fond duquel
Toujours se donne à voir
L’étincelle de beauté
Combien ce banc vient à ma rencontre
Dans le pli blanc du petit matin
Frissonnant tel un enfant
Faisant l’école buissonnière
Col relevé
Mains dans les poches
Ta photo posée sur la plaine
Livide de mes genoux
L’air est si frais qui bourdonne
Ta photo et nulle autre présence
Et au loin le bruit sourd
De la ville
Cette masse étrangère
Anonyme
Qui cloue au pilori
Les Sentimentaux
Et les Poètes
Combien ce banc vient à ma rencontre
Je regarde l’infini du ciel
Espérant des nuages légers
Qu’ils dessinent ta forme
Oui ta forme
Et plus rien au monde
Ne comptera
Que ceci
Qui ne saurait se dire
Simplement
TOI