Photographie : John Charles Arnold
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On pourrait écrire
Branche-Lune-Givre
Et l’on aurait dit
Le tout du monde
Celui qui nous regarde
De son œil atone
Depuis le lointain
Où il paraît
Etrange
Séparé
*
Sais-tu combien le jour est
Cette obole miraculeuse
Cette naissance inaperçue
Ce faible tremblement à l’orée
De l’être qui ne connaît
Ni son heure
Ni la trace qui le porte
Au-devant de lui
Dans la marée
A peine ouverte
Des choses
*
On est livré au sommeil
On est accordé au rêve
Plein d’indulgence
Pour ce corps meurtri
LE SIEN
Le seul qu’on possède jamais
Qui dérive dans les plis
Encore inaccomplis
De l’aube
*
Branche-Lune-Givre
Le corps n’exulte plus
Après le combat de l’amour
Le corps se retire en son carquois
Ses flèches émoussées
N’ont plus de cible qu’elles-mêmes
Une chute dans le néant
Une perte de soi
Dans l’autre retiré
*
Pourquoi au seuil du jour
Faut-il que ce corps de l’amante
Ici alangui dans le blanc du drap
Soit ce territoire perdu
Cette puissance soudain
Indomptée
Cet isthme rompu
Dont peut-être
On n’aura plus que l’image
Logée dans le dôme de l’oeil
Pareille à une poussière d’albâtre
Semée dans le vent acide
De la marâtre folie
*
On pourrait écrire
Branche-Lune-Givre
Et l’on n’aurait
Donné lieu
Qu’à l’immense solitude
Qui étreint les êtres
Au sortir de la Nuit
Tout juste issus
De ce ventre maternel
Cet abri amniotique
Qui nous berce
De ses vagues hypnotiques
Nous appelle comme
Ses surgeons
Abandonnés au diapason
Du péril de vivre
Ivres
*
Sais-tu combien le voyage
Est risqué
Qui de l’un à l’autre
Tend le filin de l’impossible
Unité
As-tu au moins été
Dans le sombre creuset
Où nous avions de conserve
Sombré
Cette conscience ouverte
Cet accueil autre que
De toi à toi
*
L’être est si plein
Si sphérique
Qui jamais ne se scinde
Se veut seulement
Monadique
Ce haut météore
Que même les étoiles
Jamais n’atteignent
Fût-ce au plein de l’aurore
*
Branche-Lune-Givre
L’être peut-on le graver
Ailleurs que dans l’airain
De la singularité
Il est tellement logé
Dans sa propre vérité
Si beau dans le cristal
De sa félicité
Des lianes de ses bras
On n’en peut éprouver
Que l’envol obsidional
Des griffes de ses mains
Que l’essor adamantin
*
On pourrait écrire
Branche-Lune-Givre
Aussi bien tracer
L’amphore d’une hanche
Elever au ciel
La courbure de la dune
Faire rutiler
Le maroquin d’un livre
On n’aurait fait que rimer
S’escrimer
A tracer
Sur le voile du jour
Cet immense détour
Ce cercle infini
Qui ne revient qu’à soi
Branche-Lune-Givre
Puisque l’autre n’est en soi
Que le reflet
Que le tain nous renvoie
Cette figure finie
Avec laquelle on est en deuil
Jamais on ne déserte
De soi le seuil
Tout le reste n’est
Que trompe-l’œil
Branche-Lune-Givre
*