Photographie : Blanc-Seing
***
Ne cillez pas
Ne battez pas des paupières
Ne vous abritez pas
Derrière le rempart
De vos bras
Supportez la lumière
Regardez la clarté
De diamant
De la Vérité
Ce trépan qui forera vos yeux
Nettoiera vos orbites
Ce seront deux trous noirs
Deux excavations
Où grouilleront peut-être
Une armée de cloportes
Le petit peuple des bousiers
Poussant devant lui
Le Soleil de votre gloire
Passée
*
Ici sont les dernières corolles
Du monde
Les ultimes déchirures
Où se jouent
Sur l’arc iridescent
De la folie
Les trajets lumineux
Des existants
Mais aussi leur désarroi
D’être parmi les tumultes
Les rumeurs
Les stridences des voix
Qui déchirent l’azur
*
Oui car vivre est
Cette constante tension
Qui ne se résout
Que par la maladie
Ou bien la mort
Ne vous révulsez pas
Cela vous condamnerait
Deux fois
Une fois pour déni de réalité
Une fois pour cause d’impiété
Nul n’est censé renier
Le feu de la lucidité
*
Prévenus de ceci
Depuis l’intime de votre être
Vous
Passagers hagards
De la Terre
Qui Sillonnez
Routes et chemins
Plongez dans les sombres remous
Des grottes éthyliques
Perdez-vous dans des voyages
Au long cours
Murez-vous dans les casinos
Aux vertes lueurs
Fréquentez les rues vénéneuses
Où l’amour délivre
Sa funeste ambroisie
Pareille aux enchantements
De la noire idole
Aux déhanchements
Des filles folles
*
Mais pour autant
Avez-vous avancé
D’un pouce
Quant à la connaissance
De vous-mêmes
Acquis la certitude
Que votre destinée
Sera éternelle
Que les gestes
Que vous prodiguez
À l’envi
Ne seront les ultimes simagrées
Avant que la mortelle
Biffure en croix
Ne réduise à néant
Votre plaintif désir
De rayonner
*
Vous êtes tels de noirs insectes
Parcourant les sentes d’ennui
Accumulant brindilles d’angoisse
Régurgitant la pelote d’un temps
Dont vous ne saisissez
Que les arcanes de suie
*
Vos pas sont ceux
Des peuples égarés
On penserait vous deviner courir
Mais vous ne faites que piétiner
Longer des venelles sombres
A l’odeur d’urine et de moisi
Les volets battent dans l’air raidi
Les hauts murs lancés dans le vide
Les surplombent
De leurs maléfiques ombres
Vous vous y confondez
Ombres vous-mêmes devenus
*
Au-delà des enceintes du jour
Plus loin que les fortifications
Vous quittez la Ville
Aux pléthoriques
Et iniques décisions
Vous êtes les adeptes
Diasporiques
D’un seul corps ravagé
Aux membres disloqués
Vous êtes les paralytiques
D’une destinée amputée
Vous n’avez plus ni noms
Ni lieux où vous assembler
Pour construire
Une descendance
De qui serait-elle la suite
Elle la révoquée
Avant même de paraître
*
A vous-mêmes perdus
Vous allez jusqu’au bout
De la terre
De la terre de poussière
Qui sera votre ultime cimetière
Je vous y rejoindrai
Les mains emplies de prières
*
Sur le sol de misère
Vous vous coucherez
Vos anatomies parcheminées
Se confondant avec la peau
Craquelée
Harassée
Emiettée
Usée
Du sol qui sera
Votre dernier
Projet
*
Voyez-vous cette argile
Martyrisée
N’est point le jeu
De quelque billevesée
Un rideau de scène
Un avatar dessinant
Le cadre de quelque
Aimable parodie
C’est Vous
C’est Moi
Tels qu’en nous-mêmes
L’Eternité nous aime
*
Nous ne vivons
Qu’à penser cela
Comme nous songeons
Sans relâche
Aux enlacements
Prodigieux de l’amour
Ils sont l’antidote
Provisoire
Dont nous feuilletons
L’antique grimoire
Qui nous tient lieu
D’unique mémoire
*
Toute magie
N’est qu’illusoire
Désespoir
De ne rien voir
Que le miroir
Sans tain
D’une terre livrée
Au supplice d’être
Plus rien
N’est là
Qui fuit
Toujours
T
O
U
J
O
U
R
S
*