Im raum
Barbara Kroll
***
Toi nommée Ombre
D’où te venait ce nom
Qui t’assignait à demeure
D’où venait-il qui te clouait là
Sur la dalle immense
Et glacée de l’indéterminé
Était-il seulement
Le bourgeonnement
D’une provenance
Avait-il la consistance
D’une haute pensée
Le souffle
D’une puissance imaginative
Ou bien n’était-il
Qu’une manière de désaveu
La lumière d’une lame
Traversant ton corps
Ton corps de nulle similitude
Il n’avait d’apparence humaine
Que le flou d’une encre jetée
Sur le papier
Flottait en-deçà des choses
Quelque part en des erres
De haute solitude
Peut-être même n’était-il
Que ballon captif
Relié au réel par un fil si ténu
Qu’on n’en voyait
Que la fragile tension
Il était fluence injouissive
Dont on ne pouvait tracer le cercle
Il était mot mésusé
Qui ne pouvait connaître
Le chiffre énigmatique
De son signe
*
Quelqu’un sur Terre
Avait-il été alerté
De ta présence
Présence sans doute
Un bien GRAND mot
Quelle empreinte laisse-t-on
Lorsqu’on est tout juste parvenu
À lisière de son propre rivage
Les flots tout autour
Battent leur coulpe
De n’avoir su porter
Les eaux lustrales
Qui t’eussent installée
Au plein de ton être
*
Im Raum est l’invite du titre
Mais fait-il signe vers Chambre
Et alors c’est image de claustration
Ou bien s’agit-il d’Espace
Et c’est égarement ivresse
Le cosmos est si grand
Qui nous reconduit à l’infinitésimal
Nous cloitre dans la graine originelle
Ce curieux ombilic pareil
A l’infructueux désir
Ce pli maculé de mutité
Cette lettre tronquée
Avant que le mot n’émerge
De son étrange berge
La signification est là
Qui hésite palpite et se retient
Le don de la Parole
Est si urgent
Dans le rugissement du monde
*
Ton baptême parmi les hommes
Ta survenue dans le champ
Des consciences
Est bien au-delà de toi
Dans cette aire
Qui ne te convoque à paraître
Qu’éloignée
Indistincte
Énigmatique
Obscure forme en partance
Pour le Rien
Oui je sais la force d’attraction
Du Néant
Son indéchiffrable magnétisme
La faille radieuse
Qu’il ouvre dans les âmes
Des Poètes
Des Saltimbanques
Des Rêveurs
Tous chercheurs de Vérité
Qui ne font que girer
Autour de leur propre réalité
N’es-tu toi aussi en quête
De cette flamme
Qui toujours vacille
Qu’on craint de voir
Étincelle
Puis cendre
*
Que je te dise le Bleu dont tu viens
Quelque Ciel étendu
Quelque vaste Océan
Et le Noir te frôle
Cette nuit qui peine
À se détacher de toi
Cette ombre qui t’obombre
Cette feuille de deuil
Qui éparpille ton corps
Aux quatre vents
De l’obscur désespoir
Ce sont les amers qui t’égarent
Avant même que ton Nom
Soit connu
Ton Nom d’Ombre
Que traverse une liane de sang
Elle dissémine en toi
Les spores de la vie
Sauras-tu en faire bon usage
Toi la Fille si sage
Qui demeures en retrait
Ne sollicite rien
Que cette absence
Que les Nombreux
Nommeraient démence
*
Séjourne donc en ce passage
Peut-être de la durée
Ne connaîtras-tu jamais
Que l’aride contrée
Cependant il est trop tôt
Pour mourir
Pour qui vient de naître
Tu es seulement en voie de toi
En voie de connaître
Au seuil douloureusement inscriptible
De l’exister
Y aurait-il d’autre chemin
Que cet escarpement
Tout est franchissement
Qui se dit en joie
Qui se dit en douleur
Qui donc pourrait savoir
Hormis les Visionnaires
Et les Sages
Qui donc
Tu es en partance
Ceci suffit à te combler
La Voie est ceci
Qui brille au loin
Oui
Au loin
*