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26 janvier 2021 2 26 /01 /janvier /2021 17:20
Destin de nulle présence

        

 

***

 

 

Quel destin de nulle présence ?

Je ne doute guère

que ma question

ne cessera de te poser

quelque énigme.

Le destin est bien

ce qui est présent.

Cet arbre à la croisée

des chemins,

ce sourire sur le quai

d’une gare,

ce geste de la main

de l’ami

qui s’éloigne.

 

Nul destin n’est au passé.

 Il y a trop de brumes,

trop d’incertitudes.

 Nul destin ne se donnerait

au futur.

Comment pourrions-nous

dessiner l’avenir,

ses desseins sont

si mystérieux ?

 

Si j’essaie de te nommer,

 voici ce qui surgit

et s’impose à moi

telle la seule nécessité

qui se puisse imaginer.

Destin de nulle présence.

Oui, quand bien même

ma formulation

te paraîtrait étrange,

cependant elle n’est

nullement gratuite.

J’aurais pu dire

ton absence

 et broder, tout autour,

quelque savante fable

que des fantaisies auraient égayée

 tout en tâchant de la rendre

concevable.

 

Tu es étrangement

ce destin qui,

pour être au présent,

ne s’annonce que sous le signe

de la fuite,

sous la figure du vide.

Te dire combien

cette expérience est déroutante

m’entraînerait en de longues

et inopportunes justifications.

 

De toi, je fis la connaissance

en ces années de ma jeunesse

qui vibraient tel le cristal.

Tu n’étais pas moins vive

que moi

et je te reconnaissais

parmi la multitude

à ton singulier vibrato,

mon âme en ressentait

les harmoniques

jusqu’au creux

le plus troublant

de ma chair.

 

Notre rencontre

- oserais-je dire

notre « fusion » -

 trouva le lieu de son site

 lors de la fête du solstice d’été,

 toi la Nordique qui exultais

à sentir ton sang bouillonner

dans tes veines,

faire son sourd bourdonnement.

Moi qui m’impatientais

de connaître enfin

ces « Filles du feu »,

dont je supputais alors,

 qu’elles devaient être

 nervaliennes en diable,

perchées sur le seuil

de ces « portes de corne

et d’ivoire »

qui donnent accès

aux plus pures fantaisies,

 parfois aux divagations

de tous ordres,

si ce n’est à la folie

 en son plus vibrant étendard. 

 

A peine nous connaissions-nous

que nous nous sommes unis

à l’ombre des feux

de la Saint-Jean,

tout contre les danses

et les chants qu’ici,

que vous appeliez

de ce beau nom

de « Midsommar »,

ce « milieu de l’été »

dont nous étions,

en quelque sorte,

 les célébrants

d’un culte de la chair

qui nous portait

hors de nous

dans de somptueuses noces qui,

nous le savions,

du plus clair de notre intime vision,

jamais ne se reproduiraient.

 

De toi, nulle image,

nulle photographie

qui auraient pu témoigner

de cet instant

de fugitif bonheur.

Je t’avais dit,

il m’en souvient,

mon peu d’attrait pour les icônes,

sauf celles de l’imaginaire

qui meublaient les coursives

de mon esprit.

Mais à quoi sert-il donc

de s’abreuver d’illustrations

qui ne font que figer les souvenirs,

leur ôter toute mesure

de spontanéité,

tout degré  de liberté ?

 

Combien il est plus gratifiant

de confier aux eaux noires

et blanches du songe

le devoir de reconstituer

 les stations de notre chemin

- fût-il, parfois, de croix -,

des fulgurances s’y trouvent

inscrites en creux

dont notre conscience

fera le site

de merveilleuses ambroisies.

 

Beaucoup croient

étancher leur soif

de l’aimée -

elle n’est jamais

que soif de soi-même -,

 à considérer,

des heures durant,

ce visage qui se dissout

dans les brumes sépia du passé.

Jamais, tu le sais bien,

rien ne vient des jours anciens

à notre secours

et les « Petites Madeleines »,

hors la littérature,

sont si rares

que quelque boîte avaricieuse

pourrait aisément

leur suffire d’écrin.

 

Vois-tu, c’est pure félicité,

pour moi le romantique

de la première heure,

que de revivre

par la pensée

ces heures de feu

qui créèrent le cercle

de notre rencontre.

Parfois, autour

de la Saint-Jean,

 ici, dans mon pays

de pierres blanches

et de haies hirsutes,

du haut de ma fenêtre

devant laquelle s’ouvre

un large et bel horizon

peut-être au seul motif

de la grâce d’un temps

reproductible- en rêve,

tu l’auras compris -,

 je te vois faisant

ta belle mélopée charnelle

tout contre ces feux

qui brasillent dans le lointain.

Or, sais-tu la sourde immanence

de ta présence à mes côtés ?

 

Si je le voulais,

je pourrais te toucher

au seuil de la pénombre,

dessiner de mes doigts

les contours de ton désir.

Mais, toujours, je me retiens

sur le bord d’un possible événement.

Trop avancer dans les choses

serait renier leur essence même

et tout souvenir ne peut

que se lever de soi,

nullement être décrété

par un acte de volonté

qui ne serait jamais

qu’une violence faite au réel,

non l’immédiate disposition

de ce qui est

en sa plus belle floraison.

 

 Demeure près de moi,

dans l’aura

que dessine mon corps

sur la toile du jour.

Seulement ainsi

tu seras atteignable.

Seulement ainsi

je serai atteint.

Notre entente est double.

Notre entente est

pure réverbération

 de nos présences,

par-delà les lieux,

par-delà les temps.

 

Ô, persiste donc

en ton être car,

faute d’en pouvoir saisir

 la texture de soie,

c’est ma raison

qui vacillerait

comme le font les feux

de la Saint-Jean

en ta belle contrée de Dalécarlie,

ce beau comté semé de lacs

et de forêts,

 d’elfes légers qui,

sans doute,

te ressemblent.

Demeure,

le jour l’exige qui n’est

 que l’ombre

de ma conscience.

Demeure !

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