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3 juillet 2020 5 03 /07 /juillet /2020 08:11

Voyez-vous, de vous avoir croisée

en ce matin de brume

et je demeurais en moi,

au plus profond de mon être,

sans possibilité aucune de m’en exiler.

Il est parfois des rencontres

dont jamais l’on ne revient.

C’est comme de se retrouver,

sans intervalle aucun,

au fin fond d’une geôle,

 dans la touffeur d’une forêt primaire,

dans l’écart de soi le plus grand

qui se puisse concevoir.

 

Soudain l’on n’a plus rien

 à quoi donner forme,

attribuer un sens.

Mais pourquoi cette perdition

à la seule vue de votre présence ?

Êtes-vous une inaccessible déesse,

une mystérieuse habitante de l’Olympe,

 une Aphrodite intouchable

puisque née de l’écume,

y demeurant en cette touche

si légère ?

Ou bien une Athéna

à la longue sagesse

retirée en ses intimes méditations ?

Ou bien encore Hestia,

maîtresse d’un foyer

à vous seule destiné ?

 

Ne croyez-vous pas que

poser des questions à votre sujet

est déjà vous perdre définitivement ?

Car interroger est se déporter de soi,

entrer dans le corridor mystérieux

de la Métaphysique.

Combien il serait plus sage

de planter sa propre racine

dans une glaise fondatrice

de quelque espoir !

Rencontrer le sol que vous êtes

et attendre de cette langueur

une possible germination

Ô, nous hommes de faible destinée

qui espérons toujours les bras d’une Mère,

l’étreinte d’une Amante,

que ne tâchons-nous d’éprouver

une plus essentielle liberté,

de vivre en nous, hors de nous,

sans que quelque souci

ne vienne effleurer notre âme,

en noircir la virginale ivoire ?

 

Nous voudrions être grands,

tutoyer la chevelure d’ange des nuages et,

la plupart du temps,

nous nous élevons à peine

du concert faiblement rubescent

de notre sang.

Nous faisons du surplace,

 nos pensées se meuvent

dans l’indistinct,

nos mains ne brassent

que des nuées de silence.

Mais, au moins, rassurez-moi,

faites lever en moi le grésil

du lumineux espoir,

semez la graine qui me dira qui je suis,

où je vais, guidé par votre seule beauté,

appelé par votre unique voix,

celle qui susurre aux hommes

le chemin à emprunter,

qui s’appelle ‘Confiance’,

qui se nomme ‘Amour’.

 

Que se dresse dans l’air

immensément tendu

la clameur d’une joie !

Que de déploie à l’horizon

la bannière étoilée du désir !

Que vos mains consentent

à étreindre mon visage,

que vos ongles incrustent en moi

les stigmates du Mal,

je n’en ressortirai que plus téméraire,

plus enclin à écrire votre gloire

dans l’écorce des arbres,

sur le glaive nu et blanc des racines,

à même le derme

des Curieux et des Médisants.

Ne me laissez pas dans le silence

car il fore en moi les trous

par lesquels un Déluge

pourrait me visiter,

me réduire à la peau de chagrin,

me conduire au Néant dont,

un jour lointain dont je n’ai plus souvenance,

je me suis extrait à la seule force

de mon courage de naître.

 

Oui, naître est un courage puisque, dès lors,

 il nous faut affronter notre propre mort,

compter les jours qui nous séparent de l’abîme.

En nous ils font leur maléfique sabbat,

en nous ils incisent la difficulté d’être

et de demeurer au sein de la lumière

qui érode notre âme,

 en déclenche la sournoise ignition.

Ô, vous que j’ai nommée ‘L’Instant Bleu’,

d’abord pour dire le temps furtif,

ensuite pour dire l’immensité de l’Océan,

 la course inaltérable du Ciel,

la vastitude en sa fuite essentielle.

Ô vous, ‘Instant’,

que ne me donnez-vous l’Eternité ?

 Ô vous ‘Bleu’,

que ne me donnez-vous l’illimité,

 le toujours libre, le fuyant au-delà de soi

pour d’étranges et innommées contrées ?

Oui, le toujours libre est sans nom.

En aurait-il, il ne serait

qu’une chose parmi d’autres,

une apparence celée

dans les aberrations du monde,

 une simple silhouette promise

à son long et fastidieux délitement.

Car, ‘Instant’, vous le savez bien,

tout se perd de soi et rejoint les limbes

avant même que le jour n’ait été connu,

que la lumière n’ait brillé

sur le front des Innocents,

n’ait illuminé le revers blanc

de la sclérotique.

Non, ‘Instant Bleu’,

ne m’accusez pas de fatalisme,

ne me faites nullement le procès

d’être un penseur tragique.

Du reste ce n’est nullement moi qui pense,

seulement le monde en moi avec ses ruses,

ses étranges incantations,

ses polkas endiablées, ses mazurkas,

un pas avec la Vie, un pas avec la Mort.

Ceci se nomme ‘pas de deux’ :

un pied dans le réel incarné, vibrant, érectile,

un pied dans la soue, dans l’ornière

et le piège se referme

qui reconduit l’homme

à sa propre origine. Donc à sa perte

puisque les deux termes sont équivalents.

 

Mais ne seriez-vous muette,

incapable de vous dire autrement

qu’à vous laisser regarder,

à vous laisser surprendre,

à vous laisser aimer autrement

qu’à l’aune de la distance ?

Peut-être n’avez-vous nul miroir

où refléter le prisme changeant de votre être ?

Je me résous à être votre Psyché,

autrement dit votre conscience,

laquelle vibre de mille feux

dans les limbes de votre esprit.

Vous êtes vêtue d’un justaucorps noir,

 image d’un deuil dont, à peine,

vous semblez émerger.

Ne seriez-vous, à vrai dire,

en perte de vous-même ?

Vos cheveux, une pluie bleue continue,

un infini sanglot qui cerne votre visage de cire

ou bien qui fait signe

vers un masque maya de jade,

vous savez, cette figure énigmatique

 aux pupilles de jais étrangement orientés

 à la fois vers l’intérieur, à la fois vers l’extérieur

dans une manière d’au-delà aux obscurs contours.

Oui, vous êtes à la charnière de deux mondes,

écartelée en quelque sorte.

Un monde vous requiert

auquel vous répondez par une absence,

un autre vous convoque

dont vous voulez ignorer l’esquisse,

elle pourtant si proche,

vous en sentez parfois la bise froide

tout contre l’étrave de votre visage.

 

Un être de ‘l’entre-deux’, en somme.

Une fragile statue d’argile

que la première pluie pourrait dissoudre

avant même qu’elle ne se soit connue,

ait pu tracer sur le parchemin de l’exister

la possible esquisse qui la livre au monde

dans le pli de son dénuement.

Et vos yeux, ces deux griffures

qui lacèrent l’univers des formes,

qu’ont-ils d’autre à découvrir

que votre propre territoire ?

Ne me dites pas qu’ils sont

en quête d’altérité,

l’Autre n’existe

que dans le massif altéré

de votre tête

et nulle part ailleurs.

Mais par quel étrange cogito

voudriez-vous le faire apparaître ?

Son cogito parlant ?

Mais qui vous prouve

que c’est bien lui qui parle ?

Ne lui prêteriez-vous votre propre parole ?

Son cogito aimant ?

Ne lui destineriez-vous votre amour

à son corps défendant ?

Savez-vous, ‘Instant Bleu’,

vous n’êtes pour moi,

peut-être, qu’une Illusion,

qu’un oiseau de passage

bu par le ciel qui le reprend en son sein.

 Ou bien dois-je vous appeler

‘Insistance bleue’

pour vous doter d’un futur,

vous offrir une possible ouverture ?

Ce que nous sommes tous,

des ‘Insistances’

dont jamais nous ne connaîtrons

les fondements.

Les connaîtrions-nous

que nous nous ingénierions

à en biffer la trame des certitudes.

Nous sommes ainsi faits

que nous voulons toujours

tutoyer les cimes

alors que l’abîme les longe

de son ‘Indécence bleue’.

Malgré ceci nous avançons.

Notre être ne se réduit-il

qu’au nombre de nos pas ?

Une bien curieuse arithmétique

qui nous définirait

jusqu’en ses assises les plus floues.

Là-bas, quelque chose vibre

au cœur du monde.

Serait-ce notre âme

qui nous hèlerait

du fond de son

inextinguible désarroi 

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