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28 octobre 2020 3 28 /10 /octobre /2020 15:22

(Variations sur l’UTOPIE)

 

  Je marche dans la ville. Je m’étonne de tout. Cette ville est si peu ordinaire, on la dirait sortie d’un conte des Mille et Une Nuits. Mais que je vous dise ma découverte. J’ai marché longtemps, franchissant les croupes blondes des dunes. Parfois je me suis arrêté dans la fraîcheur verte d’une oasis pour m’y désaltérer d’une eau fossile, vieille comme le monde, mais si douce aux lèvres, mais si réconfortante dans le jour qui brûle. J’ai vu des hommes grimpés en haut des arbres qui récoltaient de longues grappes de dattes couleur de miel. J’ai croisé des nomades qui marchaient à côté de leurs chameaux lourdement harnachés. J’ai regardé leur fuite, loin au-delà des yeux, à l’horizon où brille la lumière des mirages. J’ai vu d’antiques roches sur lesquelles nos ancêtres de la préhistoire avaient posé des girafes, des éléphants, des antilopes, des figures humaines finement tracées, dessinées dans une argile rouge. Je suis enfin arrivé sur cette colline de terre fauve d’où je pouvais découvrir ‘La Mystérieuse’, c’est ainsi que la nomment les populations indigènes, non sans avoir, dans la voix, quelque tremblement. D’émotion ? De joie ? De longs murs de terre de teinte solaire entourent la cité. Des créneaux en ornent la partie supérieure. Des trous, parfois des meurtrières sont ménagés dans les parois, si bien que l’on peut apercevoir, ici et là, quelques motifs peints, le tremblement d’une ramure d’arbre, le vol d’oiseaux blancs qui traversent l’air dans la pure grâce de leur être de silence.

   Je viens de franchir la haute porte qui permet d’entrer dans la ville. Elle est encadrée de lourdes colonnes de porphyre sur lesquelles sont gravés des hiéroglyphes. Des personnages vêtus de blanc sillonnent les rues en silence. Comme s’ils voulaient cacher un secret, le tenir à l’abri. Peut-être sont-ils dépositaires d’une mission occulte ? Peut-être ont-ils le goût de la mystification. Je marche dans la ville parmi cette foule de fantômes. Nul ne m’adresse la parole. Peut-être ces quidams ont-ils fait vœu de silence, identiquement à un ordre religieux contemplatif ? Ils glissent le long des rues. Ils disparaissent derrière de lourdes portes peintes en bleu. J’ai parfois l’impression que des yeux me guettent depuis les treillis des moucharabiehs tachés d’ombre. Le scintillement, un rapide instant, d’un iris doré, le point noir d’une pupille. Une rue fermée sur elle-même, de forme ovale, fait le tour intérieur de la Cité. De larges balcons de bois s’ouvrent sur la rue. Des peaux de cuir y sèchent. Des parchemins parcourus de signes flottent, pareils à des drapeaux de prière. Des amphores aux formes pures, des jarres vernissées brillent au soleil. Des linges sont étendus dont je suppute qu’ils sont les vêtements des autochtones. Ils sont d’un blanc étincelant, longs, pourvus de capuches en leur extrémité. Sous les balcons, des niches sont creusées qui abritent des ouvertures occultées par de lourdes tentures. Sur de minces écriteaux, sans doute gravés au calame, des mentions qui ne laissent de m’interroger. J’en déchiffre, petit à petit, les inscriptions :

 

PORTE de l’Alchimie

PoRTe DE LA MAGIE

PORTE DE LA COSMOLOGIE

PORTE DES DERVICHES

PORTE DES MANUSCRITS

Porte de la renaissance

PORTE DE L’ARCHEOLOGIE

PORTE DES LETTRES

Porte de l’antiquité

PORTE DES POETES

Porte des arts

PORTE DES ENLUMINURES

PORTE DES LIVRES

PORTE DES INCUNABLES

 

  

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