(Variations sur l’UTOPIE)
Mais, avant de pénétrer dans ce qui apparait comme le Royaume Sublime, une manière de réplique du ‘Jardin des Hespérides’ où croissent les pommes d’or, ou bien de Paradis Terrestre, l’esprit de Platon n’a nullement omis de se munir du ‘Critias’ (seule parenthèse dans le monde spirituel), livre précieux dont il se propose de me lire un extrait, afin que, saisi de l’essence de la méditation du Philosophe, je puisse en toute clarté me pénétrer de ses profondes intentions. Il s’agit, en quelque sorte, d’une propédeutique, d’une initiation aux mystères mêmes de cette Île étrange qui semble à mille lieues des préoccupations humaines. La belle et grave voix platonicienne s’élève de son esprit telle la flèche qui quitte sa corde et entreprend son rapide voyage en direction de son but, la cible qui l’effectue en totalité :
« Les rois avaient des richesses en telle abondance que jamais sans doute avant eux nulle maison royale n'en posséda de semblables et que nulle n'en possédera aisément de telles à l'avenir. L'île leur fournissait tous les métaux durs ou malléables que l’on peut extraire des mines. En premier lieu, celui dont nous ne connaissons plus que le nom, l’orichalque, c'était le plus précieux, après l'or, des métaux qui existaient en ce temps-là. L'île fournissait avec prodigalité tout ce que la forêt peut donner de matériaux propres au travail des charpentiers. De même, elle nourrissait en suffisance tous les animaux domestiques ou sauvages. Elle donnait encore et les fruits cultivés, et les graines qui ont été faites pour nous nourrir et dont nous tirons les farines. Ainsi, recueillant sur leur sol toutes ces richesses, les habitants de l'Atlantide construisirent les temples, les palais des rois, les ports. »
Parvenu à ce point du récit, Platon respire d’aise. Son esprit semble flotter tout autour de ses mots, pareil à ces essaims d’or des abeilles dans une lumière printanière. A l’entendre évoquer cette belle page, l’idée m’est venue qu’elle aurait pu être tirée d’un fragment de la Bible relatif à la Genèse. C’est une sorte de récit de l’origine, ce en quoi la philosophie platonicienne sonne à nos oreilles à la manière d’une théologie. En effet, la cloison est mince qui sépare la Métaphysique de sa cousine germaine la Religion. M’ouvrant de ceci au Philosophe, celui-ci réplique sans délai :
« Mais il ne s’agit nullement d’être dogmatique, d’être crispé sur une forme unique de vérité. La vérité s’abreuve à de multiples sources que, certes, l’Idée assemble en son essence. Aussi bien pouvons-nous en trouver des éclats dans le mouvement de l’Histoire, dans la parole des Religions, dans les œuvres d’Art, dans les manifestations de l’Amour, les décisions de l’Altruisme. L’Idée est un terme commode qui synthétise toutes ces tentatives de correspondre au Vrai dans le pur éclat de sa lumière. »