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28 octobre 2020 3 28 /10 /octobre /2020 15:42

(Variations sur l’UTOPIE)

 

 

   Présentement nous avons franchi le pont qui conduit au premier anneau. L’eau est infiniment calme, lisse, que nul courant d’air ne vient troubler. On la penserait, tout à la fois, légère, aérienne et en même temps brillante et solide comme une boule de mercure. Le ciel vient s’y refléter et ce jeu de miroir me paraît ‘piéger’ le réel, le circonscrire à cette sphère qui me fait penser à telle autre, parménidienne, celle de l’Être en sa forme abstraite, parfaite, indestructible.

   Je crois même qu’en ces lieux de pure félicité, la lumière elle-même est sphérique, minuscules assemblages de photons qui jouent l’unité de toute chose jusqu’à se confondre avec les hommes qui l’observent, s’en nourrissent, en sont éclairés depuis leur peau jusqu’en leur centre ossuaire d’éclatante blancheur. Les hommes ? Nous les apercevons déjà mais pareils à des êtres de pure présence que nul prédicat par trop incarné viendrait soustraire à leur caractère d’universalité. Car ici, en cette terre d’utopie, il convient que tout soit référé à l’Idéal, à la Perfection, qualités sans lesquelles l’Atlantide ne serait qu’une terre parmi les autres, du divers parmi le divers qui ne s’élèverait nullement du peuple des continents et autres pays.

   Or l’utopie, cette maille arachnéenne de haute fiction, cette perle brillante de l’imaginaire, ce cosmos parvenu de facto à sa forme la plus sublime ne saurait se confondre avec le banal, l’ordinaire, sous peine de connaître sa mort avant même d’avoir vécu. Donc, les Atlantes fameux, nous ne pouvons les voir avec des yeux de chair, seulement avec ceux de l’âme, ce qui nous concerne au premier chef, Platon et moi. Seulement nous ne voulons nullement abuser de notre vue panoptique, puissante telle celle du lynx. Nous voulons demeurer à distance, éclairer leurs silhouettes à contre-jour, les placer dans la pénombre d’un clair-obscur, dans le paradoxe d’une lumière originelle qui n’a encore rien décidé de soi, ni de remonter à l’ombre native du Néant, ni de surgir sur la scène du monde avec ses projecteurs, ses lampes au magnésium qui risqueraient bien plutôt de brûler que d’éclairer.

   Car pour toute manifestation d’Essence, il convient de se retenir sur le bord de l’exister, de longuement observer depuis sa margelle, il sera toujours temps de se livrer au Grand Saut, de voir les choses selon leurs angles morts, leurs perspectives tronquées, leurs affèteries de carton-pâte. C’est bien trop souvent en raison de leur empressement de connaître, de goûter aux mets de l’exister sans précaution que les Existants s’exposent à toutes sortes de déconvenues, lesquelles parfois prennent le nom de ‘Mal’ et alors la remontée vers le Souverain Bien, l’Astre Solaire devient non seulement un chemin de croix mais se révèle de toute la hauteur de son impossibilité. Une fermeture qui, parfois, ne dit son nom mais que les candidats à une vie sereine ne peuvent ressentir qu’à la manière du malheureux taureau rouge du sang que de maléfiques banderilles ont condamné à ne plus être qu’une plaie face à la gloire immédiate des hommes. Mais laissons là ces considérations ‘inactuelles’ pour de bien plus agréables pensées.

  

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