(Variations sur l’UTOPIE)
A peine la critique de Platon s’achève-t-elle que le Philosophe disparaît, sans doute son âme est-elle convoquée par son corps de chair. Les contours de l’Atlantide vibrent d’un étrange tellurisme. Des éclairs de feu jaillissent du sol, des jets de lave enflamment le ciel, des nuées nocturnes envahissent la totalité de l’éther si bien que, bientôt, l’Île n’est plus qu’un souvenir à mes yeux, qu’une vague trace sur les contours de ma mémoire. Tout en haut, sur le balcon aux balustres solaires, il me semble voir quelqu’un qui agite ses bras en ma direction. Est-ce Platon qui me souhaite bon voyage de retour ? Bientôt voici l’entrée de la Caverne. Elle est une manière de gueule noire dont je redoute de retrouver les ombres funestes. Mais ai-je d’autre choix que de rejoindre le monde des hommes, de renoncer à voir le regard lumineux des dieux de l’Olympe ? A vrai dire, rien n’a changé dans la grotte. Tout est toujours à la même place. Un feu continue à brûler qui projette les ombres des mannequins agités par les Montreurs encapuchonnés sur la paroi qui fait face aux Voyeurs fascinés. Sont-ils, ces Voyeurs, la simple réplique des Atlantes évincés de leur « leur extraction divine », se précipitant eux et leurs coreligionnaires la tête la première dans la fosse de l’erreur et, pour finir, dans celle de l’absurde ?
Voici, maintenant j’ai longé à rebours le boyau qui me conduit au couloir ovale sur lequel débouchent toutes les Portes. Passant devant la Porte de la renaissance, j’ai une pensée émue et admirative pour Léonard, ses belles œuvres, sa volonté obsessionnelle de maîtriser les formes, de s’en rendre, en quelque manière, le Maître absolu. Passant devant la PORTE DES LETTRES, j’éprouve un sentiment de proximité avec Jean-Jacques, son goût de la Nature, de l’herborisation, de la rêverie poétique, du romantisme à fleur de peau. Enfin, j’ai rejoint les hauts murs d’argile de ‘La Mystérieuse’. Comme lors de mon arrivée, des silhouettes s’y profilent mais toujours dans la fuite, l’évanouissement, si bien que je pense que cette conduite fait signe en direction d’une allégorie, sans doute celle qui veut montrer notre passage à nous les hommes, dans l’instant, une marche rapide dans la ville, quelques pas de deux, puis l’éclipse au cours de laquelle, peut-être, l’être qui nous habite reconnaîtra l’entièreté de sa nature, un fini entre deux infinis pour le dire en termes pascaliens.