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28 octobre 2020 3 28 /10 /octobre /2020 15:33

(Variations sur l’UTOPIE)

 

 

   Un long couloir, derrière l’entrée, se prolonge par une galerie richement décorée de fresques peintes. Une mosaïque géométrique illustre le sol de ses tesselles polychromes. De loin en loin des lampes à huile dispensent des ocelles de clarté. Puis, après quelques centaines de mètres, les lampes se font plus rares, le couloir plus sinueux. Il descend régulièrement en pente douce, parfois traversé de quelques nappes d’humidité qui s’accompagnent d’une odeur de mousse et de lichen. Des chauves-souris frôlent mon visage en poussant leurs petits cris aigus. Si bien que je me demande si je n’ai emprunté la voie qui conduit tout droit au terrible Tartare. Parvenu à ce point de mon parcours, je ne comprends plus très bien, ni le but de ma pérégrination dans cette étrange ville, ni la présence des hommes illustres que j’ai rencontrés jusqu’ici et encore moins la raison de mon errance dans ce boyau sombre dont je me demande bien quelle peut en être l’issue. Tendant l’oreille, tâchant de percevoir quelque indice qui pourrait me rassurer, je perçois comme des murmures, de faibles voix d’hommes qui se superposent à ce que je crois être le crépitement d’un feu. J’avance prudemment afin de ne tomber dans un piège qui m’aurait été tendu, les choses sont si bizarres en cet endroit sans nom.

   Maintenant le chemin remonte. Il est parsemé de gros cailloux, si bien que je dois faire attention à l’endroit où je pose les pieds. N’ayant nulle lampe à ma disposition, j’avance à tâtons. Parfois mes mains heurtent les parois qui paraissent blanchâtres, de l’eau suinte en minces ruisselet sur leur surface. Puis la galerie s’élargit, débouche sur une salle dont je suppute qu’il s’agit d’une grotte ou d’une caverne. Je demeure un long moment immobile de façon à ce que ma vue s’accommode au clair-obscur. Je descends le long d’une pente semée d’éboulis. Derrière un épaulement de rochers et de terre, je découvre quatre formes identiques, vêtues de longues pélerines, encapuchonnées, dont je suppute qu’il s’agit d’hommes. Ils tiennent de longs bâtons sur lesquels sont fixés quelques silhouettes : cheval se cabrant, grande amphore, anneau avec tête d’oiseau, rapace simulant un vol. Placé en retrait, dans leur dos, un feu est allumé qui répand une vive lumière. Si bien que les silhouettes susdites se projettent sur la paroi de la Caverne où, sans doute, elles paraissent plus réelles que les formes qui les ont suscitées. Je suis profondément étonné de découvrir cette étrange scène. Aussi, ma naturelle curiosité me dicte-t-elle d’aller m’asseoir parmi les spectateurs. Ils sont adossés contre le mur où se trouvent les agitateurs de formes. Ils paraissent envoûtés par ces spectres qui bougent sans arrêt, auxquels peut-être ils s’identifient, incapables de faire quoi que ce soit d’autre que d’en subir la scène animée. Je dois avouer que moi aussi, intrigué par cette bizarre chorégraphie, je pourrais rester des heures à la contempler sans que le moindre ennui ne se fasse sentir.

 

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