Le lac est un miroir.
Le lac est un mot originel.
Le lac est la Nébuleuse-Mère
et nous sommes les Fils des Eaux.
Ce lac est Chaos apaisé.
Ce lac est Cosmos se reflétant
en sa profondeur abyssale.
Ce lac est décoloration
de la Pénombre primitive.
Ce lac est la Demeure amniotique
qui nous souda au ventre de notre Génitrice,
cette figure de la Genèse
en sa valeur humaine.
Ce lac est la surface réfléchissante
de la Conscience,
en elle se dissimule
l’Inconscient,
l’Inconnaissable.
C’est pour toutes ces ‘raisons’ que le lac nous émeut
et nous reconduit à notre posture existentielle
la plus authentique :
nous naissons et mourrons à Nous
dans le même processus temporel.
Le Temps est illimité,
nous sommes limités.
L’Espace est vaste,
nous ne sommes
que Microcosme.
Sans doute souhaiterions-nous être
identiques au Macrocosme,
endosser sa vêture universelle,
voler bien au-delà
de ce que nos yeux peuvent percevoir,
tutoyer l’Infini,
être touché par la palme souveraine
de l’Eternité.
Où nous situons-nous,
nous les Hommes,
dans cette image qui nous met
au risque de comprendre
le rythme de notre avancée,
l’essence qui nous délimite
et nous porte en direction
de notre futur ?
Sommes-nous au Ciel
en sa vastitude,
sur Terre
en sa lourdeur,
dans l’Eau
en son aquatique effusion ?
Sommes-nous quelque part,
au moins ?
Quand nous visons le Ciel, c’est la Terre
qui se soustrait à notre vue,
l’Eau qui s’éclipse et rejoint son socle obscur.
Quand nous nous interrogeons sur Nous,
c’est le Monde qui s’absente
et n’est plus qu’un mirage
parmi les sables du Désert.
Regarder, c’est donner acte.
Regarder c’est attribuer l’épiphanie
à ce que nous visons.
Les phénomènes n’apparaissent jamais
qu’à être visés, à être nommés.
C’est Nous qui nommons le Monde,
lui attribuons un cadre,
des formes, des couleurs
et encore mille autres attributs.
Le Monde n’est Monde
que parce que Je Suis.
Je ne Suis qui je suis qu’à travers
la visée du Monde à mon égard.
Incroyable jeu de miroir
qui permet, tout à la fois,
l’émergence d’un JE,
la perdurance d’un TU.
Dialectique du JE-TU
comme vibration de l’exister
en son unique déploiement.
Conscience d’une conscience.
Je ne suis MOI que par l’AUTRE
qui me fait être,
il n’est LUI, le Monde,
que par mon JE
qui le fait se manifester.
Sublime jeu des Analogies
et des Correspondances.
Je suis un Monde
que le Monde révèle à lui-même
au motif qu’il m’accueille
et me fait une place
parmi la constellation des êtres.
Si je ne suis plus,
le Monde n’est plus.
Si le Monde n’est plus,
je ne suis plus.
Toute la certitude humaine
repose dans le regard,
dans sa capacité à voir
le réel du Ciel,
l’étoffe du Nuage,
la nécessité de la bande de Terre,
la souplesse du reflet de l’Eau.
Eau-Air-Terre-Feu,
ceux-ci, les Éléments,
sont les harmoniques
qui nous habitent
comme ils parent le Monde
des plus belles perspectives qui soient.
Que pense le Salin en sa pure immanence ?
Que pensaient les Paludiers
qui récoltaient l’or blanc ?
Que pensent maintenant les Voyeurs
qui rencontrent son beau et infini silence ?
Il y a encore beaucoup à penser,
beaucoup à regarder !
Mais, ne serait-ce pas
un seul et unique geste ?
Nous regardons l’ample mystère
et nous sommes mystères nous-mêmes
car nous ne savons pourquoi nous vivons.
A cette étonnante interrogation,
existe-t-il une réponse ?
Qui nous la donnera ?
La Terre en son manteau d’écorce
si doux à toucher ?
Le Ciel en son lisse apparaître ?
L’Eau qui coule à l’infini ?
Le Feu solaire qui inonde les corps,
les rend pareils à des jarres antiques ?
Mais qui donc hormis Nous
pourrait prononcer
les Paroles Essentielles
au terme desquelles connaître
cette Vérité qui flamboie
depuis la vaste nuit stellaire ?
Qui donc ?