Le pont japonais sur le bassin aux nymphéas à Giverny
Claude Monet
Source : Wikipédia
***
Il faut trouver l’Unité
dans la Jonction des Deux,
il faut le Rassemblement
à partir de la Différence,
il faut l’Amour
à partir du Combat,
il faut à l’Ombre la Lumière,
à la Lumière l’Ombre.
Ici on a la Terre.
Ici on a le Ciel.
La Terre n’est rien sans le Ciel.
Le Ciel n’est rien sans la Terre.
Chacun en sa propre clôture.
Chacun en son propre secret.
Ce qu’il faut, c’est l’ajointent des Deux.
Ce qu’il faut, c’est Terre-Ciel,
Ciel-Terre.
C’est le trait d’union
qui est leur rassemblement,
c’est leur alliance
qui est Chant du Monde,
c’est leur voisinage
qui dit la mesure
de tout exister.
La Génitrice,
La Matrice originelle
se dispose à la puissance ouranienne.
Elle est ensemencée
et portée
à sa dimension germinatrice
Ce qu’il faut dire :
La Terre & le Ciel,
Le Ciel & la Terre.
C’est le &
Qui est l’opérateur
Du SENS
C’est le &
Qui accorde
Et
Assemble
C’est le & qui médiatise
et rapproche les principes
en le creuset des Affinités
Le & signifie
parce qu’il fait communiquer
les deux êtres
de la Terre
Et
du ciel,
Les versant l’un en l’autre,
en une manière d’Offrande.
La Terre est donatrice pour le Ciel.
Le Ciel est oblativité pour la Terre.
Jamais la Terre ne peut être sans le Ciel.
Jamais le Ciel ne peut être sans la Terre.
Entre Ciel et Terre,
une Parole.
Entre Terre et Ciel,
un Souffle unique.
Il est la prière des Mortels
en direction des Dieux
Les Mortels ne sont
que par le Passage,
Les Dieux ne sont
que par le Passage.
Passage est le chemin
par lequel tout se donne
eu égard à l’Entièreté
de Tout ce qui Est.
Passage est la Voie
d’un Mot à l’Autre,
d’une Présence à l’Autre,
d’une Forme à l’Autre
N’y aurait-il
le Passage
et le Monde serait vide,
et les Choses demeureraient
en leur bogue
sans possibilité aucune
d’en sortir.
Passage se dit en mode multiple.
Il faut s’en approcher.
PASSAGES
des villes,
ils font communiquer
un Espace et un Autre,
un Temps et un Autre.
Il y a un avant du Passage
et un après du Passage.
La force du Passage
est d’accomplir l’Être
qui s’y engage
jusqu’à le sublimer.
L’être-après prend conscience
de ne plus être l’être-avant,
et ceci est particulier au Passage,
à sa forme propre qui est symbolique
du partage des Mondes.
Monde d’hier, en arrière de soi.
Monde de demain, en avant de soi.
Monde du présent qu’égrènent,
A la manière d’un sablier,
les dalles Noires
et
Blanches
du sol.
Le Sol est un damier
sur lequel se joue
le Destin des Hommes
PASSAGES,
Passages fabuleux.
Ils nous disent la faveur
extrême de notre temporalité.
Nous ne sommes ce que nous sommes
qu’à l’aune de cette Ouverture :
Avoir-été, être, devenir.
Ceci, nous n’en saisissons
nullement la fuyante texture,
nous en éprouvons seulement
l’irrépressible fuite.
Mais comment se rendre
le Temps perceptible ?
Il est si près-si-loin-de-nous,
en nous et ailleurs qui avance
et jamais ne fait halte
Le jour est le Jour.
La Nuit est la Nuit.
Comment sortir de cette aporie ?
Toute tautologie est renoncement,
ou bien alors signification ultime.
Mais nous sommes les Tard-Venus
et ne parvenons encore
qu’à l’aurore du sens
Le Jour n’est pas sans la Nuit.
La Nuit n’est pas sans le Jour.
La Nuit est immobile.
Le Jour est immobile.
Seuls sont mobiles
donc signifiants
leur entre-deux :
L’Aube divine
avant le grand déchirement
de la Lumière,
Le Crépuscule magique
avant le grand envahissement
du pli d’Ombre
Le Clair est toujours ce qui nous attire.
L’Obscur toujours ce qui nous repousse.
Cependant le Clair ne peut s’absenter de l’Obscur,
l’Obscur ne peut s’absenter du Clair
La chair du Clair
demande
la chair de l’Obscur.
Le Clair ne serait nullement le Clair
s’il ne naissait de l’Obscur.
L’Obscur ne serait nullement l’Obscur
s’il ne faisait saillie sur le Clair.
C’est pourquoi le Clair-Obscur
se donne en tant que nécessité.
Il est la sémantique qui se lève
de la fraternelle opposition des deux,
de leur joute amoureuse.
Il y a entrelacement du Clair et de L’Obscur.
L’Amour ne peut vivre sans l’Amour.
Chaque Amour a son nom :
Clair pour l’un,
Obscur pour l’autre
Mais les deux noms mis à part
ne peuvent parvenir au bout de leur être.
Il leur faut la puissance de la Copule
Le Clair EST l’Obscur,
L’Obscur EST le Clair.
Donation de l’Un en l’Autre,
Réception de l’Autre en l’Un.
PASSAGES
Seuil de la Maison
qui délimite,
qui dit hors de lui l’Etranger,
qui dit en lui le Familier.
Seuil qui abrite et se réserve.
Seuil qui appelle l’Ami,
le met en sécurité
près du Foyer.
Là, dans la demeure hestiologique
où tout rayonne à partir du Feu,
où la chaleur de l’intime
s’oppose
à la froidure du non-connu,
aux hiéroglyphes de l’Invisible.
Seuil, d’un côté le Jour.
Seuil, de l’autre l’Ombre
propice, accueillante,
l’Ombre qui ménage une place
pour l’habitat serein.
PASSAGES
Des deux côtés sont les rives,
au milieu est le Fleuve
de haute destinée.
D’un côté : un Peuple.
De l’autre côté : un autre Peuple.
Les langues diffèrent,
les dialectes partagent,
les us et coutumes séparent.
Les cultures, ici et là
sont pareilles à des champs semés
de graines singulières,
non miscibles.
Le Pont
unit, assemble
en un lieu identique
ce qui, par nature,
s’éloigne l’un de l’autre.
Le Pont est l’Amitié.
Le Pont est le recueil en soi
du Proche et du Distant.
Le Pont est ce par quoi
les Peuples fraternisent,
les Langues s’unissent,
les Corps se rejoignent
bien au-delà des distinctions,
des lignes de faille,
des césures
PASSAGES
en la sublime Métamorphose.
Le Temps, le merveilleux Temps
s’y inscrit à même
son étonnant principe.
Je suis Moi qui deviens Autre,
et encore Autre,
et ainsi de suite
jusqu’à épuisement
des Formes.
En moi, le chant premier de la Larve.
En moi, le chant second de la Chrysalide.
En moi, le chant troisième de l’Imago.
En moi, du-dedans même de ma conscience
éprouvée telle une Chair,
se déploie la symphonie de la Vie.
Réalité polymorphe.
Réalité polyphonique.
Réalité poly-sensorielle.
Tout se dit en mode
de croissance.
Tout se dit en mode
d’effectuation de soi.
Temps à l’œuvre,
lequel me façonne.
Moi à l’œuvre,
en lequel le Temps
a semé le vent
de l’accord et du discord.
Chaque jour qui passe,
je m’accrois de ce qui vient.
Chaque jour qui passe,
je me déleste de ce qui chute
et fait son murmure
de fugue depuis les lointains.
Ainsi se dit l’étonnement
qui nous saisit à la jointure exacte
de la pluralité des mondes.
J’étais illisible
dans le germe initial,
à peine apparaissant
dans le motif second,
jaillissement soudain
dans la robe arc-en-ciel,
ailes éployées de Belle-Dame
ou de Robert-le-Diable.
Ainsi s’énonce,
dans l’infinie mobilité,
la façon d’être sur la Terre.
PASSAGES
D’abord il n’y a rien
que le Vide et le Néant.
D’abord je ne suis pas même
une étincelle
au fin fond de la galaxie.
Puis l’Eclair,
Le Tonnant,
L’Archétype Paternel
pareil à un Dieu
qui dicte sa Loi
et assure son Règne.
Et le recueil en la Féminine beauté,
en la Déesse sans qui rien ne serait
que perte et dévastation.
Assentiment au devoir de créer,
de poursuivre l’œuvre
de la Sublime Nature.
Je suis celui-qui-commence-à-être.
Je suis au tout début du Temps,
à l’orée de l’Espace.
Mon premier monde est doux,
chaud, liquide, enveloppant.
Puis l’Eclair, à nouveau.
Les cataractes
de lumière blanche.
Les nuées de sons
qui percutent la cochlée.
Les pluies de frissons
qui se lèvent sur la peau.
Les premiers mots font
leur bruissement si doux,
tellement signifiants.
Puis je reçois un Nom
qui m’installe parmi
le Peuple des Hommes.
Etant nommé, j’existe
en tant que singulier.
Etant nommé,
je nommerai à mon tour.
J’entrerai par la porte fastueuse
de l’immense Babel,
et ceci sera ma plus grande joie :
que le langage soit !
Passage d’un mot à l’autre,
d’une Pensée à l’autre,
d’une Méditation à l’autre,
d’une Prose à l’autre,
d’un Poème à l’autre.
Ainsi s’écrit,
sous la haute bannière
du Verbe déployé
d’un horizon à l’autre,
le lieu du terrestre passage.
Ainsi se trace,
dans la belle glaise humaine,
les Signes de notre Essence
PASSAGES
PASSAGES
PASSAGES