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10 septembre 2023 7 10 /09 /septembre /2023 09:21
Du plus Haut du Ciel

Roadtrip Iberico…

Fortaleza de Sagres…

Portugal

 

Photographie : Hervé Baïs

 

***

 

   Située dans le « Journal de Voyage » d’Hervé Baïs en Terre Ibérique, « Fortaleza de Sagres » est l’image d’une construction militaire sise près du cap Saint-Vincent, le point le plus au sud-ouest du Portugal. Mais cette précision est de surcroît au motif qu’il s’agit moins de préciser les coordonnées géographiques de ce lieu que d’en tirer quelque enseignement symbolique. Autrement dit, substituer au premier plan de vision, un autre dont nous pensons qu’il sera plus riche d’enseignements. Habituellement, nous les Hommes d’humble destinée, avons-nous pour habitude d’avancer les yeux fixés sur l’horizon et singulièrement sur cette Terre que nos pieds foulent à la façon d’un remerciement. Comme si un rituel dédié au sol excluait, de par sa position, toute mesure qui serait placée hors du terrestre, de la glaise, de l’humus. Le limon en lieu et place de l’éther. Observez donc les Passants au hasard des rues, vous apercevrez leur attitude soucieuse, regard rivé aux pavés, peu d’entre eux, visages orientés vers le ciel, se présenteront à vous comme des explorateurs d’Infini, des aventuriers de l’Absolu. Certes « Infini », « Absolu » sont de Grands Mots qui nous toisent de toute leur hauteur mais, pour autant, ne doivent nullement nous réduire à n’être que de minces fourmis transportant leurs brindilles d’un coin du territoire à un autre. Ce préambule n’a pour but que d’attirer le regard en d’autres lieux que ceux, conventionnels qui, au compte de leur routine, ne font que nous aliéner à une lourde et immobile matière.

   Donc cette exigeante photographie, il faut la faire nôtre, degré par degré, tout comme l’on se hisserait depuis les profondeurs de la Caverne Platonicienne jusqu’aux altitudes célestes, là où le Soleil diffuse sa brillante et immortelle Lumière. Tout en bas, dans les profondeurs du Sensible, enveloppés d’ombres, nous nous confortons de cette manière de demi-cécité. Nous y sommes bien au motif que, toujours, nous en avons connu les voiles familiers, les attouchements quasi-maternels. Voir dans la clarté serait une trop vive blessure. De quoi nous satisfaisons-nous ? De ces silhouettes fuligineuses qui s’animent sur les parois de pierre. Puis, quelqu’un que nous appellerons « L’Innommé », vient saisir notre main, nous encourageant à quitter notre cocon. Au début, nous regimbons puis, petit à petit, nous gravissons la pente, distinguant dans la ténèbre un lac aux reflets d’étain, des Formes animant d’autres formes, le brasillement d’un feu au plein de la nuit. Toujours la main de l’Innommé nous invite à nous hausser au-delà de qui-nous-sommes afin de connaître une autre condition que celle d’Enchaînés. Bientôt l’air libre. Bientôt la douce caresse du vent sur notre peau. Bientôt l’Illumination Solaire, l’éclat à nul autre pareil. Soudain des Mots de pure essence s’inscrivent au fronton du Ciel :

 

Vérité – Justice – Beauté,

 

mots que féconde et porte à leur accomplissement le Souverain Bien.

  

   Voici le terme du voyage. Par contraste avec l’Allégorie Platonicienne, nous ne regagnerons nullement l’antre ombreux mais demeurerons en l’entière clarté de ce qui vient à nous. Maintenant nos yeux voient l’Invisible, maintenant nos yeux sont pénétrés de cette joie de l’Intelligible. Maintenant les Choses, le Monde nous dévoilent leur envers, nous gratifient de ce Chiffre mystérieux, de ce Secret qui les rend si essentiels aux yeux de Ceux qui veulent connaître et aller de l’avant avec, dans le regard, cette pierre de cristal, cette gemme transparente, ce rubis étincelant des énigmes révélées, des arcanes ouverts à la limpidité, à la simplicité du Jour. Toute Nuit est mise à l’écart qui obombrait, scellait nos paupières.

Quiconque lira, se posera la question de l’utilité de ces prémisses philosophiques, avec raison.

 

Le mobile invoqué pourrait se résumer à cette unique interrogation :

 

nos yeux nous dévoilent-ils l’entièreté du réel ?

 

   Chacun répondra à sa manière. Cependant, pour notre part, munis du viatique platonicien, nous gravirons les strates de l’image avec l’émerveillement qui sied aux Enfants dont chacun sait, qu’étant plus près de l’Origine, corrélativement, ils sont plus près de la Vérité. Ce que nous voyons là, posée devant nous, cette inexpugnable forteresse, ne serait-il préférable de la lire telle ces merveilleuses Ziggurats Mésopotamiennes, celles que l’on nommait « élevées », « construites en hauteur », ou encore les « très hautes », ce lexique si particulier méritant d’être rencontré à l’altitude qu’il mérite qui n’est autre que l’élévation babélienne du Monde, un Logos rayonne qui porte au-delà de sa propre présence l’entièreté, la totalité de ce qui vient nous visiter sous les traits du phénomène. Et, derrière le phénomène, la dissimulée mais très précieuse luminescence de l’Être, cet Indéfinissable qui pour n’être jamais circonscrit n’en détermine pas moins le tout de ce qui vient en Présence. Mais de l’Être, nous ne dirons davantage, cependant du Langage qui est la voie par laquelle il se signale, se manifeste selon son essentielle médiation, nous dirons un peu plus

 

car c’est bien en Hommes de Langage que nous

pouvons approcher d’un iota la nature de l’Être.

 

   Le bas de la Ziggurat se confond avec l’ombre dont elle provient. Le socle est ombre plus qu’ombre, c’est-à-dire mutité pleine et entière, occlusion des mots en leur gangue la plus primitive, la plus sourde.  Rien ne parle encore, ce qui veut dire que rien n’existe, que tout est immergé dans l’inextricable Chaos, que tout se mêle avec tout, que le Néant égale le Néant. C’est là le marais où s’emmêle le confus, où grouille le labyrinthique, où s’enracine le dédaléen. L’homme est encore en sa forme la plus archaïque, un simple tubercule en devenir, une racine noueuse non encore consciente de sa tumultueuse condition.

  Maintenant nous nous disposons à gravir les degrés de cette Babélienne Demeure, cette Demeure au sein de laquelle l’Homme, enfin venu à Lui, rencontrera les linéaments les plus assurés de son Essence selon le triptyque

 

Lire – Écrire – Parler,

 

   signes infimes au début, signes inscrits sur ces magnifiques tablettes sumériennes qui sont les orients qui le déterminent, l’Homme,  et l’installent en son Être. Gravir les degrés s’accomplira selon les Hymnes du Rig-Véda, ces paroles sacrées supposées avoir été révélées aux Rishis, ces Sages-Voyants à qui s’est donnée, un jour, l’entièreté, l’originarité d’une vision aurorale.

  

Premier degré – L’Origine du Monde

   

   « Å l’origine, enveloppé dans la nuit, cet univers n’était qu’une grande eau indistincte. L’UN formidable, du sein du vide, surgit alors par la puissance de son désir. »

  

   Et c’est bien nous, les êtres-en-devenir qui, aimantés par cette surabondance, cette sur-essentialité, gravirons le prochain degré qui, au sortir de la nuit, ne pourra être que pleinement auroral.

  

Second degré – Å l’Aurore

  

   « Dans les temps passés elle brillait splendide ; avec la même magnificence aujourd’hui elle éclaire le monde ; et dans l’avenir elle resplendira aussi belle. Elle ne connaît pas la vieillesse, immortelle, elle s’avance, toujours rayonnante de nouvelles beautés. »

 

    C’est bien parce que cette beauté nous aura atteints en plein cœur, Nous les appelés à être, que nous porterons nos yeux vers une lumière encore plus éblouissante, celle qui nous convoquera à notre horizon humain.

  

Troisième degré – Au Soleil

  

   « Il se lève du ciel, le Soleil brillant ; il va à sa tâche lointaine, éclatant de lumière ; - allons ! que les hommes aussi, réveillés et ranimés par lui, aillent à leur place et à leur tâche. »

  

   Voici, de l’Origine du Monde à la station finale de la vision du Soleil, après une initiation Aurorale, nous voilà enfin parvenus au sommet de la Ziggurat, au point le plus élevé de la Tour de Babel, là où notre regard enfin décillé peut voir les Choses en leur plus grande profondeur. Bien sûr cette pérégrination ressemble trait pour trait, à une Procession Mystique, à un Rite d’Initiation grâce auquel atteindre quelque Vérité cachée aux yeux des Mortels ordinaires. Certes. Parvenus à la plus grande hauteur, là où les mots vacillent, où la Matière se spiritualise, où les formes s’estompent, se fondent dans la nuit immensément ouverte du Ciel, où le regard s’allège, devient pareil à ces fins cirrus qui glissent, pareil à des voiles diaphanes, que dire, que prononcer qui ne soit consommé avant d’être produit, que penser qui déjà ne soit dissout dans une prochaine pensée, que méditer dont la consistance ne soit détruite à même la vacuité, la vanité des hypothèses ?  Nous sommes là, portés sur un si mince fil que, déjà, nous n’en percevons plus l’intime vibration.

 

Nous sommes en suspens

au-dessus de Nous-mêmes.

Nous ne nous abreuvons que de rosée,

ne nous sustentons que de brume,

n’avançons qu’au rythme d’une fugue.

Les Planètes font leur giration infinie.

Serons-nous au moins atteints

de cette « Musique des Sphères » ?

Elle seule pourrait nous dire

si notre quête d’Absolu présente encore

la forme de quelque nervure lisible

dans le lointain cosmos.

Le lointain !

 

 

 

 

 

 

 

 

   

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