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4 août 2013 7 04 /08 /août /2013 21:20

 

Bernard Vérité ou la justesse du regard.

 

 

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Dessin : Bernard Vérité. 

 

 

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Dessin : Bernard Vérité. 

 

 

 

  Bernard Vérité. Sans doute ce patronyme ne vous dira-t-il rien. Certes son possesseur n'avait pas fait les Beaux-arts, ses œuvres ne figuraient pas aux cimaises des grands Musées et il n'y avait pas de fac-similés de ses dessins dans la presse nationale. Et pourtant…Bernard Vérité était un Artiste. Il en avait la sensibilité, il en avait le regard exact, celui qui plonge au-dedans de vous afin d'en tirer la "substantifique moelle". Car Bernard ne se contentait nullement de vous considérer comme une forme à reproduire, une esquisse à tracer sur une feuille de Canson. Bernard vous enveloppait dans une vision compréhensive, celle qui ne néglige rien, surtout pas votre âme. Car c'est bien là la vertu de l'Artiste vrai que  de ne pas se contenter de la surface lisse et polie, mais de plonger là où la signification se cache.

  Tous ses dessins, sans exception, sont comblés d'humanisme. Car si Bernard aimait le dessin, au point de laisser ses traces un peu partout, aussi bien sur l'écorce des potirons, c'est l'homme qu'il aimait avant tout. Sa simplicité, sa rectitude de vue, son esprit chevillé à la terre, sa disponibilité. Vérité était, en quelque sorte, le porte-parole des humbles, la main des modestes, l'œil des invisibles.

  "Je dessine pour les aveugles." expliquait un jour dans son fameux abécédaire Gilles Deleuze, ce qui, pour le Philosophe se traduisait par :  "Je dessine à la place des aveugles". Magnifique leçon d'altérité où le créateur, l'Ecrivain en l'occurrence, fait don de son œuvre à celui qui, pour diverses raisons, n'a pas le bonheur de créer. Merveilleuse fusion des affinités où se recueillent dans une même conque signifiante le créateur et celui à qui l'œuvre est destinée. Comme s'il existait une manière de réversibilité naturelle qui soit en mesure d'établir une coïncidence de droit des complémentaires. Mais énoncer ceci est tout simplement de l'ordre du don de soi.

  Bien évidemment, c'est là que je voulais en venir, à cette incomparable passerelle qui s'établit entre les hommes dès lors que l'esprit est ouvert au partage. Car, si Bernard dessinait d'abord pour lui - ce qu'on ne saurait lui reprocher -, il dessinait surtout pour l'Autrele Sujet de son œuvre, cet homme de chair, cette femme de sang qui transparaissent en filigrane dans le dessin. Ceux qu'il a dessinés, non seulement on les voit, bien évidemment, mais on les touche, on les entend; leur voix est si proche de nous, leur accent faisant rouler ses galets et leurs mains dessinent à leur tour, dans l'air, les confluences de la beauté. Comment pourrait-il en être autrement ? Ce ne sont pas simplement des effigies de papier - la plupart se sont absentés pour toujours -, ce sont des êtres-présents dont l'Artiste nous fait l'offrande depuis l'outre-image dans laquelle, lui aussi, a fini par consentir à s'effacer. Seulement son souvenir nous hante, seulement ses dessins nous manquent. Il y avait encore tellement à faire. Les contours de l'humanité, lorsqu'on sait les voir, les dessiner, sont sans limites. La générosité aussi.

  Merveilleux don que celui de pouvoir écrire, dessiner, sculpter, composer, peindre, forger, enluminer, relier et, quand l'œuvre a livré toute sa substance, l'offrir, tout simplement comme un fragment de soi. Bonheur sans pareil que Bernard a vécu bien des fois, lorsque, sur la table de cuisine encombrée d'objets hétéroclites, au milieu de ceux qu'il aimait comme des frères, rouleau de Canson à la main il livrait le bien le plus précieux que puisse offrir l'homme : une création singulière, destinée à un Unique, dans un geste de pure amitié. Combien de ces modestes mais très estimables œuvres habitent maintenant les murs des chaumières, dans leur cadre de bois, comme une icône du temps passé. Elles témoignent de ce temps perdu, de la fuite des grains dans le sablier, elles témoignent surtout de la chaleur du lien qui traversait les habitants réunis dans un lieu particulier. Le thème en était presque toujours celui d'une ruralité franche et bon enfant, un peu à la manière d'une image d'Epinal, mais d'une image investie, jusqu'en son fond, d'une grande et juste camaraderie, d'une existence sans concession.

  Cette dimension de l'humain se fût-elle absentée et l'on n'aurait eu face à soi que de gentils gribouillis, des traits de couleur invisibles, des contours se diluant parmi la blancheur du cadre. Bien évidemment, la plupart des Lecteurs, Lectrices qui liront cet article n'en connaissent pas les protagonistes. Mais qu'ils se rassurent donc : ils sont VRAIS au-delà de tout ce qui se peut imaginer. Sur ces coloriages que d'aucuns pourraient trouver naïfs, ce sont de réelles existences qui s'adressent à nous, des vies de labeur sans compromission, du corps-à-corps existentiel; de la boue, de la vraie; de la glèbe, de la lourde; du limon, du noir et tout ceci nous est restitué avec une telle limpidité que ces personnages, nous les croirions vivants, prêts à en découdre sur la façon d'édifier une gerbière, de gauler des noix, de labourer avec l'antique Pony un quasi-trésor sans même prendre la peine de le ramasser.

  Cette dernière image est si belle, si pleine d'enseignement, si désintéressée qu'il serait vain d'ajouter d'autres considérations qui deviendraient vite superfétatoires. Qu'il nous soit permis, pour conclure, d'ajouter une remarque, laquelle voudrait simplement indiquer la joie indicible de la rencontre, du moment rare entre amis. Bernard savait s'y prendre en ce domaine comme en bien d'autres. Sachons le remercier à l'aune des présents qu'il nous a amplement prodigués.

  Jamais justesse du regard ne va sans justesse de l'âme. Assurément Bernard Vérité était de la trempe de ceux qui savent ce qu'AIMER veut dire. Ses dessins, bel hymne à la vie, en portent toujours l'ineffaçable témoignage. Chapeau l'ARTISTE !

 

  

  Pour ceux qui souhaiteraient approfondir l'oeuvre de Bernard Vérité, qu'ils veuillent bien suivre les liens ci-dessous :

 

 http://0z.fr/5HZjk

 

http://0z.fr/H-gfI

 

http://0z.fr/rDCHt

 

   

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