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8 décembre 2013 7 08 /12 /décembre /2013 09:00

 

CAFE EL PATIO

 

 

5 OCTOBRE

 

  Venu des plaines d’herbe, le vent souffle continuellement depuis plusieurs jours. Un vent blanc, acide, qui balaie les grandes dalles de ciment de la Cité Autan, use la peau, clôt les lèvres, oblige à cligner des paupières. On se terre dans les cubes de béton, serrés autour des poêles et les conversations rougeoient faiblement, comme des braises sous la cendre. Sur le grand parvis de gravier, des chiens errants et faméliques glissent à côté de leurs ombres, marchant de guingois, comme s’ils se méfiaient d’eux-mêmes. Un peu de vie encore du côté des entrepôts où les flèches des grues oscillent en grinçant. Puis le ronronnement circulaire des bétonnières, la chute sourde du sable coulant des bennes. A intervalles réguliers, le claquement des portes de tôle de la cité, quelques bribes de conversations, le choc des boulets de coke dans les seaux de zinc.

   Puis le silence à nouveau, lourd, plombé, arc-bouté sous la meute assidue des rafales. Plus loin, vers la Bastide, le Terrain vague est parcouru de longues ondulations, sortes de sillons d’écume qui glissent entre les roulottes, faisant des remous de poussière et de feuilles et le ciel se couvre de rouille et l’air se tisse de lames aussi drues que des voiles.  Derrière une butte de terre et de goudron, la carriole de planches et de tôles des Stanescu. Il y a peu de mouvement, peu de bruit à l’intérieur, sous la lumière opaque de la lampe à gaz. Juste un grésillement qui se hausse imperceptiblement au dessus des respirations alternées, des toux rauques, des raclements de gorge. L’air dense comme de l’ouate. Si réel, si palpable, qu’on pourrait en faire des boules et les laisser tomber au sol à la manière de flocons de neige. Au travers des rideaux de calicot, on aperçoit le village de roulottes. Circulaire, avec une sorte d’échancrure, d’échappatoire vers la Bastide, ses lourds remparts d’argile. Au centre, le campement rouge et vert de Luana, la doyenne des tsiganes, celle qui détient l’autorité, qu’on consulte pour ses secrets, ses recettes de bonne femme, ses conseils, sa sagesse aussi.

 

 

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