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19 novembre 2015 4 19 /11 /novembre /2015 08:35

 

Prélude au devisement esthétique. 

 

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       (Photographie de Marc Lagrange).

                             

  Cette image figurerait-elle les prémices d'une voluptueuse fête des sens ? Serait-elle déjà l'orgie romaine en ses délices anticipatrices ? Sans doute pourrait-on le penser, seulement il manque une dimension dionysiaque au tableau, une impétuosité, un déchaînement de passions. Au contraire, tout y est apollinien, les sujets y apparaissent dans des postures hiératiques, manières de concrétions éclairées de l'intérieur, regards fréquemment occultés par des masques, éclairages métaphysiques ne dévoilant des choses que leurs apparences alors que les ombres semblent détenir un sens inaperçu. Les femmes y sont de longues lianes liquides traversées d'un flux continu. Nul remous d'air, nulle immersion dans une  terre traversée de tellurisme, nulle flamme qui s'élèverait selon une métaphore passionnelle et qui dirait la réalité crue, l'absolue contingence.  L'eau est bien l'élément premier, constitutif, la longue mélodie secrète qui parcourt ces anatomies empreintes de mystère et d'onirisme.

  Regardant ces manières de cariatides sculptées dans le marbre fluide, lignes parfaites de la figure féminine, l'on serait même tenté de les envisager comme des réverbérations des Formes platoniciennes, dont on sait qu'elles sont inaccessibles à la perception mais dont il n'est pas interdit à l'entendement d'en proposer quelque esquisse vraisemblable. Ici, la nudité est nue et cette proposition n'est pas seulement une tautologie. Il y a austérité, distance, dépouillement et que les menus colifichets vestimentaires n'aillent pas nous abuser : ils ne sont présents qu'à renforcer cette exigence. C'est à dire celle de la vérité. Les corps sont laissés à leur mission première : élever dans l'éther l'effigie humaine afin que s'établissent les vrais rapports opposant l'horizon immanent au zénithal transcendant. Ici, il y a inscription du signifiant à même les corps, lesquels  ne sont pas saisissables, pas plus que l'art ne saurait être préhensible directement. Seulement au regard de l'âme.

  Ces corps sont des épures, des esquisses de la beauté, des préludes au devisement esthétique.  Ce qui veut dire : accueil du silence. Car aucune parole ne saurait être prononcée qui offenserait l'œuvre. Dire le corps est une entreprise périlleuse qui, toujours, en dit trop ou pas assez. Trop et la sensualité crue recouvre la manifestation authentique. Pas assez et le filigrane est à peine visible dans la trame du propos photographique. Le corps disparaît sous la vêture symbolique.

  En vue de signifier, le corps n'a d'autre voie que sa propre architecture. Il doit se faire sculpture, mais sculpture oublieuse de soi afin que ne surgisse pas la meute d'un lexique ambigu. L'érotisme inquiet est là qui veille dans l'ombre et, bientôt, la troublante  pornographie qui vient mêler les perspectives. Seule, pour le Photographe, pourra être empruntée une ligne de crête où cheminer, sans faillir. C'est-à-dire l'exigence d'une parole nue, pareillement aux corps qui se dévoilent à nous. Une parole sans fioriture seule à même de proférer l'essentiel. Ici, toute digression, toute proposition fausse ramènerait l'œuvre à l'anecdote. Ce qu'elle ne saurait être.

  Le corps est un vrai problème car faillible à l'infini, disposé plus que tout à l'immédiate corruption. De la chair. De l'esprit aussi, qui le traverse de part en part mais parfois s'en libère. A cette recherche du dire vrai il faut une rigueur parfaite, un traitement formel sans faille, une précision quasiment géométrique. Corps glacés sous l'exigeante lentille. Objectiver, autant que faire se peut, écarter le sujet peccamineux et fantasmatique qui toujours rôde comme un voleur dans la nuit. Car, si l'art admet la volupté, autorise le désir, il ne saurait en admettre le mensonge.  L'art est vérité en soi ou bien il n'est que pure illusion, fantaisie ou simple argument picaresque. Or l'aventure de l'art mérite mieux qu'un parcours anecdotique. Il lui faut énoncer un propos sans compromission, élever dans l'espace un pur désir ontologique. C'est de cela dont il s'agit avant tout, pour le Regardant, être par l'image puis quitter cette dernière avec le sentiment d'un accroissement intérieur. Peu importe sa nature. Ceci est affaire de singularité, de subjectivité.

  Refermons donc l'image. Il ne restera, au bout du compte, que quelques nervures signifiantes, quelques effigies pareilles à des gemmes qu'éclairerait l'aube nouvelle. Nulle histoire, nulle événementialité qui pourrait naître de ces déesses énigmatiques. Seulement une retenue, un recueil. Le supposé érotisme est un leurre. La volupté se drape d'une sobre idéalité. Car, si quelque phénomène apparaissait de cet ordre, il ne résulterait que d'une pure fantasmagorie. D'un simple voyeurisme. Ici, Eros est  illusion, ici Thanatos étend son règne. 

  Le Regardant s'absente déjà à même le parti pris esthétique dont la chair, retirée, laisse s'éployer les infinis possibles du sens. D'un premier geste du regard, nous aurions pu croire à d'autres significations plus immanentes, à de simples propos charnels. Seulement ces représentations ne pourraient être incarnées qu'à l'aune d'un trop rapide inventaire. Donc d'un regard par défaut, ce que, jamais, par essence, il ne saurait être.  Sans doute ces déesses sont-elles  l'épiphanie que notre désir  convoque, mais désir de l'art avant tout. Elles sont des efflorescences en voie de constitution, de simples figures de rhétorique, ellipses nous reconduisant à une manière d'origine  que, souvent, nous ignorons par pure paresse intellectuelle ou par un manquement à notre condition herméneutique. Aucune interprétation vraie ne saurait s'exonérer d'une manière de sagesse reconduisant les choses au sens premier, à leur éclosion. C'est cela que nous devons assumer face à toute image portant en elle le réseau complexe et infini des significations.

 

 

 

 

 

                                                                                                    

 

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commentaires

S
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