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10 février 2015 2 10 /02 /février /2015 09:45

 

L'Amour : le simple en nous.

 

 

l-alsen.JPG 

 JOh' Sculptor 

 les dOnneurs d'amOur.

 

  Nous disons "Je t'aime" et nous ne savons pas ce que nous disons. On nous dit "Je t'aime" et nous sommes comme égarés, les mains au-dessus du vide, les yeux tournés vers le-dedans-du-corps. "Je t'aime" et ces mots à peine prononcés, effleurés du bout des lèvres, deviennent libellules à la robe d'azur, brume sur le marais, aube paraissant dans le mystère du jour. Ceci veut simplement faire signe vers une manière d'insaisissable qui ne signifie qu'à l'aune de son absentement. L'amour est cette musique andine qui court le long des hauts plateaux semés d'herbe et de vent et il ne reste jamais qu'une fuite longue glissant sur la vitre du ciel.  Un objet, quel qu'il soit - bouton de machine à écrire, vanne d'eau en cuivre, ampoule de voiture, tige métallique, clavette, rivet et que sais-je encore -, nous pouvons nous en saisir, le décrire, le décomposer en divers fragments, en tracer des esquisses signifiantes. Mais l'Amourcet Absolu - s'il n'est pas ceci, il n'est pas -, comment faire avec lui dont notre Silhouette puisse s'imprégner afin de  ressortir à l'air libre avec la parution de l'être, non seulement avec une possession dont nos doigts, seuls, pourraient témoigner ?

  Car aimer est cette chose avec laquelle on n'a jamais fini pour la seule raison que nous n'avons jamais commencé. Aimer, c'est brûler du-dedans en direction de l'Autre afin que soit effectuée une totale donation de ce que nous sommes, sans reste avec lequel nous pourrions nous arranger afin de vêtir notre ego de la complaisance dont, souvent, il fait son décor le plus sûr. Aimer est cette esthétique qui fait se dresser la fleur immaculée du lys au milieu de l'éther et la regarder se suffit en tant que destination finale. Il ne saurait y avoir transgression, il ne saurait y avoir dissolution de Soi dans l'objet aiméAimer est une éthique du regard, une fusion des âmes dont, le plus souvent les corps s'emparent à la mesure de leur désarroi. Jamais une fusion des chairs. Les corps ne sont nullement miscibles, les corps sont de la matière dense compacte, irrémédiablement scellée à son propre destin. Si je peux me définir comme "Moi", c'est seulement parce que, face à "Moi" se dresse le visage de l'altérité en lequel je fais écho, en même temps que l'Autre surgit à lui-même par ce simple rebond de l'être-au-monde. "Moi""Toi" ne se saisissant que par leur mutuelle reconnaissance à partir de deux lieux distincts. Abrupte dialectique qui fait se confronter, dans une dimension tragique, deux principes autonomes que seul le langage relie. Que seul l'amour transcende. Car aimer, c'est simplement partir de CeluiCelle qui nous font face et les amener à la parution, laquelle n'est jamais qu'une quête du sublime et une transcendance dans l'ordre du monde. Deux cosmos se font face qui ont à écrire une infinie cosmogenèse, celle du sens comme seule faculté de figurer sur la scène mondaine.

   Ceci ne souffre jamais d'exception pour la simple raison que reconduire l'amour à une simple contingence revient à le revêtir d'objectité, c'est-à-dire à le vouer aux gémonies. A savoir se saisir du feu de la passion, du flamboiement des sentiments, de l'arche vibrante du pathos et les reconduire à ce qu'ils ne sont pas, c'est-à-dire du manipulable, du préhensible, du digitalement façonnable. Il est urgent, dans notre relation à l'Autre, surtout  dès qu'il est question d'amour, de le situer dans la sphère d'une singularité, d'une essence dont nous pouvons toujours contribuer à définir les contours, sans qu'il nous soit possible de nous y substituer. Sans doute, le plus grand amour ne se dit-il pas. En tout cas nullement par le biais de la parole.  Car, comment dire la pureté de l'essence par des mots qui, quotidiennement, subissent l'usure de l'échange et, souvent, ne font que sombrer dans la vanité du prosaïque ? Seul le silence, cette autre déclinaison du regard conscient de lui-même, saurait y parvenir. Le silence, tout comme le regard contemplatif sont les deux vecteurs essentiels par lesquels l'amour peut se reconnaître dévoilé en tant que dimension d'un absolu. Sans doute une telle exigence apparaîtra-t-elle comme la simple résultante d'un travail d'intellection, donc d'une participation, sans réserve,  au régime d'une idéalité. Oui, c'est toujours de cette hauteur dont il est question dès que l'on s'adresse à ce qui nous dépasse infiniment. Car l'amour nous dépasse, tout comme le langage et c'est nous, les Hommesles Femmes qui en témoignons. Nullement nous qui en sommes les créateurs. Nous ne nous situons jamais qu'à la manière de conditions de possibilités de la parution, non comme points-source. Nous sommes possédés et non possesseurs.

  L'amour, s'il est vrai - et il ne peut être que cela - exige une totale perte de soi au profit de l'objet de sa passion. Voyez Pascal et son renoncement à lui-même afin qu'il puisse être pénétré du divin. Pour bien comprendre ce dont il s'agit lorsque nous nous "transportons" - la transcendance - en direction de l'Autre en raison de notre amour, il nous faut nous confier à un empan plus large que celui d'une perception habituelle dont le caractère routinier a dissimulé l'essence au profit de l'existence et de ses somptueuses dissimulations. Le recours au sentiment religieux, son caractère d'événement exceptionnel, par lequel la foi se révélant au Croyant le dépose dans le site absolu de la grâce, ce sentiment donc nous aidera à mieux nous pénétrer de ce qui a lieu dans l'aimantation réciproque des Amants. Il suffit de lire le "Mémorial" de Pascal, ce "Lundi 23 novembre, de l'an de grâce 1654" et de tenter de ressentir cette sublime exaltation dont le Penseur est atteint à l'idée même de Dieu. Ainsi aurons-nous une idée assez juste des enjeux, lesquels adéquatement saisis, nous déposeront dans ce caractère de plénitude dont le Sacrél'Artl'Amour sont les dépositaires à part égale. Qu'ici il nous soit permis - sans porter atteinte à un texte qui ne saurait être plagié qu'à la mesure d'une coupable naïveté -, de procéder à une analogie de situation mettant en parallèle la révélation chrétienne, aussi bien que l'amoureuse. Le Lecteurla Lectrice imagineront les paroles pascaliennes déposées dans la bouche d'Adam ou bien d'Ève - pour demeurer dans une perspective originelle aussi proche que possible du geste de la Création -, paroles sans doute jugées hyperboliques, démesurées, mais quintessenciées  par le geste de  la comburation de l'âme.  La passion est toujours cette brûlure dont il faut assurer la trace dans le regard porté à l'Autre qui devient son propre regard apparaissant dans le miroir tendu par ce qu'il faut bien nommer un "mystère". Car, si mystère il n'y avait point, la source des questions serait depuis longtemps tarie. Donc imaginons l'effusion de l'Amant en direction de l'Amante, et réciproquement, entièrement contenu dans ce langage marqué au feu de l'indicible :

  "Depuis environ 10 heures et demie du soir jusques environ minuit et demi, Feu. (…) Certitude. Certitude. Sentiment. Joie. (…) Oubli du monde et de tout (…) Joie, joie, joie, pleurs de joie (…) Que je n'en sois jamais séparé (…) Éternellement en joie pour un jour d'exercice sur la terre."

 Bien évidemment, ce fragment est à isoler de son contexte d'origine afin qu'il puisse encore apparaître dans l'ordre des signifiés auxquels  la condition humaine peut confier ses plus nobles élévations. Mais, dans le cadre de ce bref article, il s'agissait avant tout, d'instaurer une réelle et efficace tension entre le texte religieux et son hypostase profane. Et puis, qui pourrait dire, de la démesure spirituelle ou bien de l'amoureuse laquelle se vit avec le plus d'intensité ? Nous voyons bien combien poser la question de cette façon-là est tout simplement retomber dans la gorge étroite des apories. Le langage n'est pas à même de pouvoir tout expliquer. Il ne saurait y avoir superposition parfaite entre une expérience hors du commun et les mots du siècle pour en rendre compte.

  Mais il est grand temps, maintenant, d'en venir à ces  "dOnneurs d'amOurdont l'Artiste nous fait la belle offrande. S'ils figurent à l'incipit de l'article cela n'est nullement en raison d'une quelconque ornementation, mais leur présence est requise d'une manière entièrement sémantique. Chaque Personnage, à sa façon, est le mot qui joue dans la phrase totale, à savoir la mise en acte et en figures de ce qui, par nature, est irreprésentable et dont nous n'avons cessé de nous entretenir : de l'Amour. Si ces petits assemblages de maillechort et de boulons, ces minces architectures de claviers et de tiges nous ont interpellés, et assurément elles l'ont fait, ceci n'est nullement contingent. Le surgissement de ces Petits Personnages sur la scène de l'exister, leurs noms de"dOnneurs d'amOur" - tout amour, avant tout est acte de donation -ne saurait provenir d'une simple fantaisie de Saltimbanque. Si nous les percevons comme tels, à savoir généreux en nobles sentiments, c'est qu'ils se donnent à nous selon une telle perspective. Et comment s'y prennent-ils ? Mais seulement en nous émouvant par leur simplicité, leur dénuement, leur vérité. Or l'art authentiquement appréhendé, est bien "la mise en œuvre de la vérité", (Heidegger - "Chemins qui ne mènent nulle part".) donc de ce simple qui fait le lit de tout sentiment profond, indissoluble, éternel, sinon ce n'est que comédie et burlesque. Dans l'amour, rien ne se produit dans la sophistication et la tromperie, rien n'existe dans la duperie et le mensonge. Car, avant tout, c'est bien de cet événement unique, singulier, non transposable que découle le cheminement des vrais Amants. Tristan et Yseult ne vivent leur passion qu'à être ces âmes simples qui vivent leur réciproque attirance d'une façon si évidente, naturelle, qu'elle ne peut trouver son équivalent symbolique qu'à l'aune d'une inclination d'âme telle que décrite dans le  "Lai du chèvrefeuille" dans lequel il est dit :

 

"Ils étaient tous deux

comme le chèvrefeuille

qui s'enroule autour du noisetier:

quand il s'y est enlacé

et qu'il entoure la tige,

ils peuvent ainsi continuer à vivre longtemps.

Mais si l'on veut ensuite les séparer,

le noisetier a tôt fait de mourir,

tout comme le chèvrefeuille.

<<Belle amie, ainsi en va-t-il de nous:

ni vous sans moi, ni moi sans vous!>>

 

   Cette belle allégorie du lai de Marie de France pourrait trouver à s'illustrer sous les figures de ces Minces Esquisses de tôle et de fer qui ne paraissent devoir exister qu'à être soudées. D'abord par le geste de l'Artiste; ensuite par les regards des Voyeurs de l'œuvre qui portent à son stade final la phrase commencée dans sa voix de métal. Tout langage secret - celui des Amants en premier - doit disposer de cette allusion cryptée, florale pour le lai,  métallique pour la sculpture ici présente. Malgré les oppositions que sembleraient entretenir, dans un genre de dialectique insurmontable, poésie et œuvre plastique, il s'agit en réalité d'un discours identique se livrant selon deux modalités complémentaires. Regardant la Mince Chorégraphie qui se montre à nous sur fond de praticable rouillé et déjà nous sommes tombés en Amour !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

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