Vous étiez sur la rive,
pareille à une apparition.
Sur le sable léger,
votre corps nu était posé
comme la nacre au fond du coquillage.
A peine une brume
et déjà l’on était en partance
pour un pays au-delà des rêves.
C’était le printemps, il est vrai,
et mon sang était fouetté de désir.
Vous voir, là, sur la berge opposée
et demeurer dans l’enceinte de mon corps
avec son picotement de venin.
La nage m’aurait-elle sauvé
d’un possible péril ?
Je n’eus pas le temps de me dévêtir que, déjà,
trois cygnes vous faisaient la cour.
Trois fois Zeus pour vous seule
dans la lumière du jour.
Interdit, je l’étais jusqu’à la mutité
et mes jambes étaient de plomb,
mon cerveau envahi de nuées bien étranges.
Le vertige, soudain, m’a saisi
et je suis tombé, là,
inanimé, en deuil de vous.
Lorsque je suis revenu à moi,
les trois cygnes glissaient sur l’eau
avec la facilité que possèdent les dieux,
seulement.
Leurs becs étaient trois braises ardentes
et je savais que votre hymen
avait été consommé.
De cela, jamais je ne devais revenir.
Je vous écris de ma cellule blanche,
au fond des murs réservés aux fous.
On a cru à une fable
ou bien à une hallucination.
Dites-moi, Léda,
avez-vous au moins existé ?
Cela, je veux le savoir,
non pour m’évader de ma geôle.
Pour donner une consistance à mes rêves,
une forme à mon délire.
Puisque, aussi bien, jamais je n’en sortirai.
Léda, venez me visiter,
quoi qu’il vous en coûte.
Vous rencontrerez un demi-vivant,
mais que m’importe,
puisque vous êtes trois fois reine !