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15 juin 2013 6 15 /06 /juin /2013 07:41

 

  Nous, les "Modernes", nous dont le cortex préfrontal fait notre fierté, tellement c'est bien de disposer de l'intelligence, de discourir avec aisance, de parler indifféremment d'art et de sciences, de convoquer, d'un simple geste de la pensée, l'esthétique aux beaux atours, l'éthique dans sa robe empesée comme la rigueur même, la littérature et ses citations, la poésie et ses odes, nous donc, savons "que nous sommes mortels" (pour paraphraser Paul Valéry) depuis au moins l'invention de la Métaphysique, c'est-à-dire les Présocratiques et "ça fait donc un bail", dans le langage imagé des Copains, mais, pour autant, il suffit de gratter un tant soit peu la croûte et c'est aussitôt prêt à resurgir les automatismes de nos ancêtres homo-habilis-erectus-sapiens et compagnie. Oh oui, c'est toujours disponible et même bien plus que ne le laisseraient penser nos manières policées, nos ongles vernis, nos escarpins à hauts talons. C'est à fleur de peau. Tellement à FLEUR de peau, qu'il suffit de presser un poil sur le bouton et voilà que la fleur s'épanouit, croît, devient invasive à la manière de ces orchidées tropicales qui colonisent l'espace afin de mieux asseoir leur règne. Que voulez-vous, c'est comme cela, la nature humaine. "Chassez le naturel, il revient au galop". C'est, du moins, ce que disent les Copains et, peut-être qu'avec leur bon sens chevillé au corps, peut-être ils ont pas tort !

 

Ce qui est bien.

 

 C'est ça, finalement, qui est bien, de courir au ras du sol, le museau en avant, tendu, à la façon d'un Normand, d'un Lévrier; c'est ça qui est bien, de s'arrêter brusquement à l'abri des broussailles, de lever une patte en position d'arrêt, de fouetter l'air de sa queue, lentement, méthodiquement, de devenir BraqueEpagneul griffon, Setter et de renifler sans cesse, de faire l'inventaire de tous les remugles, ceux qui montent des sillons remplis de vers et de mille-pattes, de scolopendres; ceux qui viennent de l'humus, donc des arbres, du vent, de la lente décomposition des végétaux et c'est tout un LANGAGE à saisir immédiatement, avec ses yeux, ses oreilles, sa peau; c'est cela qui est bien, de faire onduler dans les replis de chair de ses naseaux, les odeurs fortes de l'urine, de la sueur, des excréments, de faire entrer dans son cerveau en forme de cerneaux de noix les messages des phéromones, ceux de la femelle du paon de nuit, celle des déjections du loup sur les écorces des chênes et des bouleaux, celles des laies prêtes à l'accouplement pour perpétuer l'histoire infinie de la vie et puis il y aura des lignées de marcassins, des généalogies d'odeurs, des meutes cynophiles tendant leurs truffes vers les subtils messages et, alors, la matière grise, les neurones, la biochimie complexe des neuromédiateurs n'auront plus à exister que sous forme de traces immémoriales et le peuple des hommes ne se souviendra plus de ses manières policées, du vernis de ses civilisations et la pensée abstraite s'effacera, le langage rétrocèdera, l'Homo sapiens sapiens oubliera la technique; le Neandertal perdra ses outils, l'Homo Erectus le feu, l'Homo habilis retrouvera son crâne primitif, et les humains ne seront plus que des hominiens et leur taille sera celle des nains et leur progression celle des primates et leurs mimiques simiesques et leurs cris des mots informes, pareils à des mots-culs-de-jatte, des moignons, et ils seront des manchots essayant de voler, de simples excroissances cavernicoles et leurs bouches en forme d'antres ne seront que des gesticulations pathétiques, des signaux rabougris et rampants, leurs onomatopées des concrétions salivaires, leurs voix des rumeurs gluantes attachées aux tubes de leurs papilles.

 

 

 

 

 

 

 

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