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25 février 2015 3 25 /02 /février /2015 19:41
Confluence des solitudes.

Longtemps j’erre dans la ville déserte. Je la rêve ainsi. Dépeuplée. Sans amour. Sans rencontre. Un genre d’absolu ivre de lui-même et rien qui puisse faire tache, éparpiller la vue sur autre que soi. « Ombilic des songes », eût dit le Poète Majuscule. Et son ombre rôde alentour avec son spectre décharné, ses cheveux de funambule, son regard fou. Oui, fou et pris de génie depuis le lieu de sa naissance, ici, sur cette terre atteinte de cécité, de mouvements hémiplégiques.

Comment ne pas reconnaître la force du verbe, ses gerbes de feu, ses « aérolithes mentaux », ses phosphorescences, ses « cosmogonies individuelles » ? Comment demeurer dans l’enceinte de son corps alors que voltigent comme mille braises les pointes acérées de l’intelligence ? Ce monde est un « théâtre de la cruauté », une outre vide et suffisante où soufflent les vents mauvais de la déréliction.

Longtemps j’erre dans la ville déserte. Je suis comme habité des signes magiques des Tarahumaras, les pétroglyphes cernent ma tête avec leurs sifflements de matrice rouge. Et, « par-dessous le néant s'élisent les bruits des grandes cloches au vent ». « C'est cette terre qui est mon corps » : c’est cela que je crie au vent dans le silence des feuilles et la stupeur est grande qui, soudain envahit la ville. Et les cloches se rapprochent avec leur carillon joyeux et l’on me tape sur l’épaule.

Devant moi, fumant le peyotl, le magique peyotl qui fait les yeux pareils à des astres, se tient, en blouse blanche, le Docteur Ferdière qu’accompagne Robert Desnos. Il me fixe de son regard plein de bonté et me dit : « Inutile Antoine Marie Joseph Paul, de vous prendre pour Artaud. La place est déjà prise. »

Ils pensent m’avoir eu, mais ils se trompent. Ils me croient à l’asile, là-bas à Rodez, derrière des murs épais et des barreaux encageant les fenêtres. Mais je suis ici, dans cette ville inconnue, au lieu de confluence des solitudes et le monde n’existe pas. Sur le dos des feuilles mortes, avec le feu de mon esprit, je viens de graver la sentence définitive, celle qui dit les "Nouvelles révélations de l'être" :

« ET L'IMAGE DE LA FOLIE DU MONDE S'EST INCARNÉE DANS UN TORTURÉ. »

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