Parce que les hommes … ont peur.
Sous le rocher, tout près de l’eau aux reflets bleus sont les abris des hommes. Carte postale, minuscule image d’Epinal venue dire au monde la grande peur de vivre, ici, tout contre le ciel habité de dieux courroucés.
Parfois de grandes flammes blanches, des cascades de bruits, de longs délires qui frappent la cochlée, pareils aux percussions de la grêle. Alors on se réfugie au profond de la grotte, dans son pli intime, tout contre l’ombilic où les choses s’originent avec leur marche de guingois, un doute qui fore l’âme et vrille les pampres de l’esprit.
Alors, c’est une grande douleur que d’être là, simples présences dans la grande dérive universelle. On étrécit son corps à la dimension d’une bogue, on soude ses chairs, on resserre la blancheur de ses os dans la densité d’une gemme ; de son sang on fait de simples nervures blanches ; de sa tête une conque d’os où résonne le vide ; de ses bras des lianes arbustives dans lesquelles oublier que l’on est, ici, sur cette Terre affligée qui, tous les jours, perd de sa substance, s’amenuise aux dimensions d’une fourmilière.
Oui, c’est cela, d’une fourmilière. Mais privée de reine et les ouvrières sont folles qui croulent sous les brindilles de l’angoisse, et les mâles n’ont plus de lieu où déposer leur semence, d’outre à féconder, et les soldats tracent, dans la fortification assiégée, les trajets phosphorescents de l’impuissance à être.
Parce que les hommes … sont fous.
Partout sont les meurtres
qui font leurs fleuves étincelants.
Partout les humiliations
qui clouent les hommes
à leur condition minérale.
Menhirs levés dans l’éther
avec des gestes d’effroi.
Longue parturition du ciel
qui cherche à reprendre son dû.
Il y a tellement d’inconséquence sur Terre
et les sages ne sont pas encore dressés
qui seront les prophètes d’une ère nouvelle.
Oui, le dernier homme est venu
et il est si peu lisible
dans le chiffre brouillé des jours,
dans la multitude de hiéroglyphes
qui ne parviennent plus à être déchiffrés.
Inutiles sémaphores que les yeux ont désertés.
Bras qui agitent dans la brume leur étique silhouette.
Oui, la douleur est trop grande
qui réduit les bouches à des antres désertés.
Il n’y a plus de parole
et les mains sont vides
d’avoir trop griffé le néant.
Ah, que la délivrance vienne,
que se lève à l’horizon le vent du poème !
Nous sommes exténués par tant de douleur.
Exténués !