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11 juin 2015 4 11 /06 /juin /2015 14:02
Innommée dans la venue du jour.

« Je te vois à travers les larmes et je devine ma mort »

Encre et abstract 150/70

Nuit du 05 Juin 2015

JM-Musial / Georges Bataille « L’Aurore ».

***

 Voici ce qui avait lieu, allumait sa flamme dans l’aurore de sang. Le jour butait contre la persienne, éclaboussures vermeil qui faisaient leur trajet dans l’ombre de la chambre. C’est à peine si la nuit avait reflué, laissant ici et là ses diagonales d’encre. Des pliures dans lesquelles la mémoire se diluait. C’était une telle pesanteur que d’émerger sur les rives d’ennui et de s’en remettre, presque malgré soi, à cette fulgurance dans laquelle la conscience s’immolait comme remise à son dernier repos. Ô ouverture, ô déchirement, que ne renonciez-vous à surgir, à entailler ? Les chairs se divisaient en ruisseaux pourpres, les pelotes de nerfs faisaient leur tissage gris, les os cliquetaient leur blancheur et la peau faisait gonfler son outre jusqu’à la limite du réel. Pourquoi l’arrachement, pourquoi le décollement du pied-ventouse du socle de la nuit ? Bernique soudée au rocher-siamois et alors il n’y avait plus de différence et l’on était au monde avec la sérénité de la gemme, sa densité, sa fermeture à toute profération venue du dehors. Rien alors qui entaillait, lacérait et prononçait la mort pareille à une confondante effusion au-travers d’un rideau de larmes.

 Oui, Innomée, je te vois ou plutôt te devine dans une pluie de sanglots. Les tiens, les miens, ceux du monde car l’espoir a été cloué au ciel de sa perte et la lumière baisse et les ombres s’allongent qui veulent dire l’inconcevable, ce qui, jamais, ne saurait recevoir de nom, s’affubler d’un prédicat, fût-il le plus abstrait possible. Car, tout comme moi, Innommée, tu sais l’impossibilité qu’il y a à dire les choses, à s’épeler soi-même, s’attribuer un nom qui amènerait dans la présence, dans l’orbe de clarté, dans la lunule étroite d’une vérité. Il y a tant d’audace à seulement vivre, tant d’orgueil à prétendre exister, à lever son esquisse un rien au-dessus du néant. D’où je suis, Innommée, pareil au spectre antique, semblable au plâtre du mime, je te vois dans les limites floues de ta parution. Vitre dépolie du temps, tu y imprimes ce hiéroglyphe que, jamais, je ne déchiffrerai. Champollion aux mains vides recueillant dans la coupe du non-savoir les pleurs insaisissables des hommes. Ceux qui sont en partance pour plus loin que leurs tremblantes silhouettes. Et ne le savent pas.

 Innomée, depuis l’antre de deuil dans lequel tu ouvres le monde de la poésie, adresse-moi un signe, un geste de la main, une esquisse de sourire, ce sourire fût-il celui, blême et outrancier de la mort, mais profère donc le cri du silence afin que je te connaisse dans l’instant. Déjà aboli, naissant à peine. Innommée, reconduis-moi à ma nuit, efface-moi de ta vision perdue dans le tumulte des heures. Il est toujours temps de rejoindre sa tanière d’effroi, tellement de simulacres parcourent les allées de terre et de poussière. Sais-tu, au moins, depuis la bogue infinie de ta sagesse que l’on me nomme « L’Egaré », celui qui, par lui-même, procède à sa propre extinction ? Celui qui, croyant être-parmi-les-autres, n’est même pas arrivé en lui. Il fait si étonnant dans l’air qui se déchire et replie ses membranes autour de ma tête-rhinolophe. J’entends mon propre sifflement, mes battements d’ailes dans la grande caverne mondaine et soudain il fait si froid et, soudain, les pierres tombales se mettent en mouvement en direction des meutes pariétales où s’agite en tous sens, comme sur un écran livide, la disconvenue des hommes, où se lèvent les trémulations de leurs membres de bois sec.

 Innommée, es-tu simplement le mirage du destin, l’image faussement alanguie de la Moïra fomentant de bien sombres avenues pour l’homme ou encore la silhouette de la mort que mes mains griffant l’air, déchirant les voiles du doute, ne parviendront nullement à atteindre ? Je ne sais qui tu es vraiment. Mais lève-toi donc, rejoins-moi sur ma paillasse nulle et étique, que nous célébrions enfin, dans la conjonction de nos larmes, la grande fête dionysiaque de l’amour, que nous nous étreignions dans les convulsions de la « petite mort » avant que la Grande n’intervienne. Ô visite-moi, spectre charmant ! Ô ôte moi à l’être de stupeur que je suis devenu, esseulé, perdu de t’attendre plus longtemps. Ô VIENS ! Délivre-moi ! Que toi au monde et moi, esseulé, dans l’ombre de toi. VIENS !

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Published by Blanc Seing - dans Microcosmos

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