Appassionata.
Trois jours que tu n’es pas apparue
Trois jours à attendre
En vain
A scruter l’horizon étroit
De ces planches où
Sans doute
Flotte encore
Un air de TOI
Une fragrance
Peut-être une mélodie italienne
Le rythme d’une bergamasque
Cette danse gaie
Vive
Sautillante
Qui ponctuait
La scène de la commedia dell’arte
Le vent s’est encore assombri
Il fait de longues coulées
Lacère la face de l’eau
L’entaille de grandes balafres
Grises
Blanches
Parfois teintées
De cuivre
D’étain
J’ai plongé mes mains
Dans les poches
De ma vareuse
Dissimulé ma tête
Sous un ample suroît
C’est comme si quelque
Fin du monde s’annonçait
A l’horizon de l’Homme
La lumière est basse
Semblable à un étiage hivernal
Sans doute
Dans les cabanes de pêcheurs
Brulent des falots
Identiques à des torches de résine
Dans le profond des grottes
Partout on s’amasse
Au bord de l’âtre
Partout on frotte ses mains
Aux doigts gourds
Aux jointures pâles
Partout on attise les braises
Alors que le vent cogne aux volets
Que la rumeur s’acharne
Que la tempête enfle
Pareille à un animal à l’agonie
Qui hurle à la Lune
Jette aux étoiles
Sa peur ancestrale
Trois jours sans TOI
Et l’effroi de demeurer
SEUL
Enfonce dans la spire
De ma cochlée
Ses doigts
Ravageurs
Fore mes yeux
Qui s’agrandissent
Jusqu’à
La mydriase
Serait-ce cela
La mydriase
Le comble de
La lucidité
Maintenant je suis
Sur la planche
Qui ressemble
Etrangement à
Une coupée
De quel navire
Pour quel voyage
Pour quelle destination
Inconnue
Tout au
Bout
De
La
Passerelle
Pareil à un
Pavillon
De complaisance
Flotte
Un bout
De toile noire
Faseye
Une écharpe de
TOI
Que
Sans doute
Tu as laissée
Pour dire le précieux de
TON
Passage
J’ose à peine penser
Qu’elle m’était destinée
Passager clandestin d’une
Si
Enigmatique
Traversée
Autour de mon cou
Le mince foulard
Signe
L’impossible rencontre
Le deuil avant même
Le mariage
Le retour
Avant le départ
Pour l’ile illusoire de
Cythère
Ton odeur est
Là
Troublante
Presque insistante
Comme si
Dans cette perdurance
De la mémoire
S’insinuait
La touche légère d’un
Regret
S’imprimait le stigmate
De ce qui ne peut
Jamais avoir lieu
Que
Dans le songe
Dans l’imaginaire
De la fenêtre du train
Qui file en direction de
La Toscane
J’imagine déjà
Les chandelles
Des cyprès
Levées
Dans le tumulte du ciel
Le moutonnement subtil
Des collines
La masse sombre
Des grandes demeures
Le luxe des jardins
Le calme des pièces d’eau
Où se reflète
Le jeu puéril des nuages
Je ne sais si
Le hasard TE mettra
Sur mon chemin
J’ai si peu d’indices
Sauf ce bout de papier
Froissé
Entre mes doigts
Qui tremblent un peu
Le titre de mon
Prochain livre
En lettres cursives
Andante
Afin de refaire
Le voyage depuis
Le début
Là où
Tout encore
Etait à titre
D’hypothèse
Comme un événement
A venir
Oui
A venir
Sans cela
Longue sera la nuit
Privée d’étoiles
Privée
Oui