Allegro.
A mesure que le temps passait
Je m’habituais à TOI
Et c’est comme si j’avais été
Un Amant
De passage
Un Observateur attentif
De ta naturelle beauté
Un Archéologue en quête
D’un motif ancien
Posé sur le flanc
D’un céladon
D’une jarre
Aujourd’hui le vent a forci
Il n’est plus ce souffle marin
Qui
Il y a peu
Poissait nos vêtements
Lustrait nos cheveux
Enduisait nos visages
D’un glacis pareil à ceux
Des peintures Renaissantes
Maintenant
Comment dire
TU es plus lointaine
Réfugiée dans un blouson
De cuir noir
Dont les fermetures de métal
Brillent à chacun de tes mouvements
Ta jupe légère a laissé la place
A une robe de laine plus foncée
J’en devine la sourde caresse
La souplesse
Le moelleux
Combien elle TE rend
Mystérieuse
Précieuse
Je vois sa texture
Minutieuse
L’entrecroisement subtil des fils
(sont-ils des modes visibles du Destin
Une figure apparente de La Moïra)
Mais déjà je sens que
TU m’échappes
J’avais trop tôt rêvé
D’une possession qui n’était
Qu’une hallucination
L’envie impérieuse
D’un Gamin observant
Son jouet dans la vitrine
Où brillent les feux acérés
Du désir
Voilà que le jouet échappe
Se confond avec l’écrin qui l’abritait
TU sembles plus soucieuse
TU fumes de longues cigarettes
Dont la vapeur se mêle
Aux premières brumes
TU lis un livre
Serait-ce Paulina 1880
Cette belle et triste
Chronique italienne
Où alternent
Amour charnel
Et
Amour mystique
Jouissance
Et
Pulsion de mort
Mais non je vais trop loin
Mon caractère naturellement
Fantasque TE précipite dans
Un abîme
Dans lequel je m’empresse
De TE suivre
Double aliénation
Dont nous ne pourrons ressortir
Que fourbus
Hagards
Yeux vidés de leur sens
Mains étiques
Dans la nuit qui vient
Pendant plusieurs jours
TU n’es pas venue
Et la passerelle était
Bien vide
Que même les oiseaux
Avaient désertée
Je trompais le temps
Taillant au canif
Des branches de tamaris
Dont j’entaillais l’écorce
Mille rubans flottants
S’en échappant
Comme s’ils avaient été
Ivres
De liberté
Mais sans doute projetais-je
Sur leurs minces existences
Un poids dont
Jamais
Ils ne seraient atteints
L’angoisse est
Fondamentalement humaine
L’espoir congénitalement
Rivé aux basques des
Existants sur Terre
TE voici donc
Chaudement habillée
D’un long caban noir
D’un pantalon
Il faut dire
Avec cette Tramontane
L’hiver semble arrivé
Avant l’heure
De longues lames d’air glacé
Viennent du Nord
Avec de sinistres feulements
L’eau se hérisse
De milliers de picots
De courtes vagues
Font leur clapotis
Tout contre les pilotis
De la passerelle
TU ne lis pas
TU ne fumes pas
TU bouges à peine
L’air t’enveloppe
Dans sa tunique
De glace
Vis-TU au moins
TOI l’Inconnue
Qui hante mes nuits
Qui vrille mon ombilic
Qui étoile le réseau de mes nerfs
Attise mes pensées
Et assure mes insomnies
De navigations hauturières
Sans fin
Où le port où s’amarrer
Où la demeure assurant d’un abri
Où le havre de paix
Et le sourire étincelant
De mille feux
Où la paix
Qui cingle
Vers le large
Et le repos de l’âme
Où la sérénité qui autrefois
Lançait ses oriflammes
Dans le ciel semé d’étincelles