Photographie de Patrick Geffroy Yorffeg
"Ô Lumière"
CREDO [EXTRAIT]
« Je crois à l’opacité solitaire
au pur instant de la nuit noire
pour rencontrer sa vraie blessure
pour écouter sa vraie morsure…»
Zéno Bianu.
Infiniment proche.
***
L’automne est arrivé et la lumière baisse
Comment te définir
TOI
Qui fuies toujours sous l’horizon des choses
Comment TE saisir
Dans l’approche
Dans la fuite
Dans l’approximation du dire
Pareille à la nuée d’oiseaux
Que le vent emporte
Il ne demeure
Qu’un vague poudroiement
Et alors l’on croît avoir rêvé
Et l’on suffoque longuement
Dans le bouillonnement
Des draps
Comment ne pas désespérer de
TE cerner un jour
Autrement qu’à l’aune d’une dépossession
Dire ton nom est déjà TE perdre
Tracer ton esquisse est déjà renoncer à TOI
A ton image perdue dans le ciel de cendre
L’automne est arrivé et la lumière baisse
A peine une frange
Effleurant la terre
A peine une insistance de cristal
Dans le temps qui s’égoutte et pleure
Brumes matinales
Pluies crépusculaires
Et entre-deux
Un air tissé
De brun
Que rien ne semble atteindre
Une feuille de parchemin jauni
Dans les pages d’un incunable
Avec sa senteur
De papier d’Arménie
Ses notes soufrées
Ses remarques marginales
On dirait la chute de sanglots
Dans le profond d’un puits
Ou bien une fugue distillée par quelque violon
Aux confins du monde
L’automne est arrivé et la lumière baisse
Est-ce TOI dont la conscience vacille
Sous les meutes de l’heure
Est-ce ma rêverie qui s’obstine
A m’entraîner
En des chemins
Qui ne conduisent
Nulle part
Sauf dans d’irrémissibles ornières
Dans des forets
Que n’ouvre nulle clairière
La clarté est simplement un souvenir
La vie
Une toile suspendue à la plus haute branche
Hors de portée
Hors de saisie
Et nos mains disent l’inutile à tâcher de se vêtir
De ce Rien
Qui nous toise
Et nous réduit à la taille du ciron
L’automne est arrivé et la lumière baisse
TU es si semblable
A cette rumeur cuivrée
A cette flamme qui brille dans l’âtre
A ce feu assourdi du temps
Qui déjà
Nous immole
Et nous déporte de nous comme
En notre finitude
Tout semble si lointain
Soudain
Tout semble si éteint et la vue se perd dans d’inutiles
Et troublantes mydriases
Peut-être n’y a-t-il rien d’autre à voir
Que SOI
Dans le miroir que nous tend la Nature
SOI
&
L’AIMEE
Ou bien l’illusion de ce que l’on est
Cet infime corpuscule à la recherche
De cet Autre
Qui lui dirait la réalité de sa présence
Ici
Là
En maints endroits afin que la répétition crée
Ce qui jamais n’arrive
L’assurance d’exister autrement qu’à la mesure
De ceci qui n’en a pas
Une braise s’allumant sur l’écran de la conscience
Etincelle de vérité
Dont jamais nous ne pourrions douter
« Je crois à l’opacité solitaire »
Dit le Poète
Signant en ceci la même idée d’une dévastation de l’étant-présent
Ne demeurant
Au jour
Que ce voile ôtant à nos yeux
La forme même des choses
Leur persistance à être
Dans le tumulte
Cette rumeur qui dissimule à notre vision
Les fondements mêmes de l’être
L’automne est arrivé et la lumière baisse
Me disais-tu et alors j’apercevais ceci
Telle la métaphore de cet étrange parcours
Parmi la résille complexe du vivant
Une pomme chutait de l’arbre
Dans son habit flétri
La bogue d’une châtaigne
(Tes yeux en avaient la sourde brillance)
Faisait son bruit de carton
Roulant au sol
Les tapis de feuilles rouillés
(La couleur de sanguine éteinte de tes lèvres)
Crissaient sous tes pas et nous demeurions
Silencieux
Attentifs à ne pas contrarier le chant du poème
L’automne est arrivé et la lumière baisse
Sur le bois blond que la clarté effleure
La blancheur de ton bras soutenant
Le casque
Diffus
De tes cheveux
Ton visage tel une énigme
(L’automne disais-tu en est une
Prétextant cette saison ambiguë
Entre
La claire-voie d’été//
//La nuit d’hiver)
Ton visage ôté de toute chose alentour
La pente douce de ton cou
Qu’avive cette lame de jour à peine plus vive
Qu’un rire d’enfant
Cette question que tu es
Offerte
En même temps
Qu’en Toi retirée
Et ces teintes d’ombre
Cernant de près cet éternel mystère
Elles sont si semblables à ces terres que tu aimes tant
A leurs sillons tels des rides
A leur glèbe luisante
A leurs versants en partance
Pour le séjour des Morts
Car bientôt sera Toussaint
Et la lourde senteur des chrysanthèmes
Leurs têtes ébouriffées
Te font penser à un enfant espiègle
Comme si la Dame à la Faux
Ne faisait que nous jouer une comédie
En réalité tu n’y croyais pas vraiment
A ces histoires à dormir debout
A ces sentiments d’outre-tombe
A ces pensées de l’oubli
Vivants me disais-tu
Nous sommes déjà dans
L’oubli de SOI
Comment ceci pourrait-il être dépassé
Par le seul fait de notre absence
Tu voyais tout
Dans un clair-obscur
Je t’apercevais aussi au travers de ce sublime clignotement
Du jour//
//De la nuit
L’automne est arrivé et la lumière baisse
Etait-ce là ton dernier mot pour dire
L’effacement
La perte
Le Rien
Qui toujours nous arrive alors que la nuit
Survient
La longue nuit du repos
Il fera bon hiverner
En attendant le réveil
D’un nouveau commencement
Puis d’une nouvelle fin
Oui
D’une nouvelle
Fin
« au pur instant de la nuit noire
pour rencontrer sa vraie blessure
pour écouter sa vraie morsure…»