Le silence
Photographie : Livia Alessandrini.
***
Ce qui précède la nuit.
Chaud a été le jour
Dans sa tunique
D’été finissant.
Eté de la Saint Martin
Disaient les uns.
Eté de Vireux
Disaient les autres
Eté Indien
Disaient quelques uns
Eté des Sauvages
Disaient encore d’autres
***
Et tous disaient
La même chose
Qui était l’allure du Temps
Le Vrai, le Temps qui passe
Non le temps qu’il fait
Car si nous sommes
Troublés
Par ce dernier
Nous sommes
Inquiétés
Par le premier
Et les poètes chantaient
Cette double Fête
Du temps qu’il fait
Du Temps qui passe
Celle des feuilles jaunes
Des feux au coin de l’âtre
Des lueurs de l’amour
Dans le rien des chaumières
***
Avec Jean Ferrat l’on chantait
« Quand le ciel était incertain
Nous faisions feu de quatre planches
L’amour demeurait bleu pervenche
À l’été de la Saint-Martin ».
Et les poètes chantaient
Cette double Fête
Du temps qu’il fait
Du Temps qui passe
De celui des Favorites
Du jardin semé d’étoiles
De l’effeuillement du jour
De la saison tardive
***
Avec Georges Brassens l’on chantait
« Viens encor', viens ma favorite
Descendons ensemble au jardin
Viens effeuiller la marguerite
De l’été de la Saint Martin ».
***
Ce qui précède la nuit.
Chaud a été le jour
Dans sa tunique
D’été finissant
On a couru les chemins
En manches de chemise
On voyait les dessous
Des Filles
Un pur bonheur
À vous chavirer l’âme
On voyait luire
Les pampres de la vigne
Leur constellation
Rouge et or
On voyait le bonheur
Suspendu
A chaque goutte
De sueur
***
Ce qui précède la nuit.
Chaud a été le jour
Dans sa tunique
D’été finissant
On est rentré au logis
Fourbu et le cœur
En
Exil
Il demeurait accroché
A telle belle feuille
A telle Belle
Dans sa robe pourpre
A telle Belle
Au corsage fleuri
Il demeurait
Et le Temps passait
Et l’on passait le Temps
A lisser dans les demeures
Ses moustaches à la Proust
A feuilleter les arcanes
De l’heure
Et le Temps passait
Et on l’accrochait à la faucille
De l’âme
Et l’on tissait le Temps
Une maille à l’endroit
Une maille à l’envers
Souhaitant que jamais cela
Ne finisse
Car le temps qu’il faisait
Nous tracassait
Le temps qui passait
Nous éreintait
***
Ce qui précède la nuit.
Chaud a été le jour
Dans sa tunique
D’été finissant
Dans les chambres
Où souffle le frais
Les pores exsudent
Leur trop plein
Les peaux stridulent
Dans l’ombre
Les sexes
Se cherchent
Se cachent
S’exaspèrent
Peut-être n’auront-ils
Le Temps
D’un été de la Saint Martin
D’un été de Vireux
D’un Eté Indien
D’un Eté des Sauvages
***
Ce qui précède la nuit.
Rouge est le ciel
Eclairée la lucarne
Noirs les toits
Blanc le silence
Tout en haut
La montagne
Regarde passer
Le temps
Qu’il fait
Le Temps
Qui passe
Celui des feuilles jaunes
Des feux au coin de l’âtre
Des lueurs de l’amour
Dans le rien des chaumières
***
Ce qui précède la nuit.
Jamais ne bruit
Jamais ne dit mot
Jamais ne s’insurge
Ce qui précède
Est seulement
Un sentiment
La palme
D’un ennui
Le reflet
D’un vide
Le luxe
D’un soupir
Le temps
Qu’il fait
Le Temps
Qui passe
Lequel nous parle
De nous
Lequel
De la Belle
Que jamais nous ne saisirons
Hormis dans le rêve
Oui dans le rêve
Mouchons la flamme
Il est temps
De dormir
Oui
De
D
O
R
M
I
R