Photographie : Blanc-Seing.
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A la Terre le Ciel a donné
Sa courbe infinie
Sa nuée d’étoiles
Le cercle d’air
Dont elle fait sa demeure
A la Terre le Ciel a donné
Sa couleur bleue
D’encre marine
Et de saphir
Dont elle se vêt
Tout uniment
Le Ciel est immense
Dont la ronde
Jamais ne s’arrête
Le Ciel est toute bonté
Qui jamais ne fait halte
Le Ciel est fabrique du Monde
Le Ciel est ressourcement
Le Ciel est Texte
Les mots y vivent
L’illimité
Empyrée
La Terre est cernée
Par le vaste horizon
La Terre murmure
Et souvent
On ne l’écoute
Ni n’entend sa plainte
Terre et Ciel sont en rapport
Terre et Ciel jouent en accord
Terre et Ciel ne pourraient vivre
L’un sans l’autre
Ajointement nécessaire
De l’un à l’autre
Terre et Ciel comme unité
A ne jamais dissocier
Terre et Ciel
Comme l’Amante et l’Aimé
Terre dans Ciel
Ciel dans Terre
Osmose des êtres
Dans leur sublime infinité
Mais les hommes sont là
Avec leurs regards
En forme de harpons
Avec leurs gestes
Tels des lianes
Leurs mains
Ciselées en diamants
Levées en trépans
Mais les Hommes sont là
Et leur insatiable curiosité
Fore jusqu’à l’âme
La pliure heureuse du limon
Incise jusqu’à l’infini
La donation unique du Ciel
Terre et Ciel à l’unisson
Que l’horizon relie
Goutte d’Espace et de Temps
Que le Poème ajointe
Dans l’illisible césure
De sa Présence
Ici
Une faille est comblée
Que souvent les hommes
Ne perçoivent point
Tout occupés qu’ils sont
A sonder leur Moi
A le polir tel un précieux rubis
Ce faisant ils oublient
Le Monde
Ils laissent dans l’ombre
Les mots qui unissent
Tout ce qui sur Terre
Vit dans l’extrême solitude
De n’être pas reconnu
De demeurer
Dans cette prose confuse
Qui a pour nom Chaos
Qui a pour vêture Néant
Les mots des Hommes distraits
Ne sont que répétition
D’une fable usée
Dont la trame ne se confie
Qu’aux Rares qui en font
L’expérience
Oui
L’expérience
A savoir faire entrer
La braise vive
Des choses
Dans la densité
De leur propre chair
Ici
Entre Ciel
Et
Terre
Là où se joue la partition
Exacte de l’Être
Mais les griffes vindicatives
Mais les yeux en forme de vrilles
Mais les pieds en larges battoirs
Mais les genoux
Aux génuflexions profanes
Ont semé leur résille d’effroi
Entendez donc la Terre gémir
Ecoutez donc le souffle abîmé
Du ciel
Cette longue déchirure
Pareille à l’Eclair
L’Eclair serait-il
Le foudre de Jupiter
La pointe avancée
De la vengeance des Dieux
Ces Essentiels
Ces Uniques
Que nous avons relégués
En leur mortel Olympe
Cette demeure qui
Faute d’être accessible
Aux Egarés
Se dissout dans les larmes
Du Ciel
Combien est grande
La Solitude des Hommes
Dans le Désert qu’ils ont semé
Combien l’affliction partout
Visible
Telle cette peau d’argile
Que lézarde l’humeur arsenicale
Du sans pitié
La Terre on l’a aimée
Puis labourée
Entaillée en profonds sillons
On l’a violentée
De son soc turgescent
On l’a engrossée de mille postérités
Qui n’ont su que l’assaillir
A la hauteur
De leur arrogance
De leur impudeur
Matrice vouée aux gestes mortifères
Jamais elle n’a retrouvé
La grâce originelle
Jamais la courbe docile
Jamais le limon salvateur
Pareil à la pureté du Lotus
Que l’eau putride
Porte à sa perfection
Dans le Jardin secret de l’Être
Le Désir des Insuffisants
A ôté à la boue sa plasticité naturelle
Son illimitée réserve de bonté
Il a épuisé la pureté
D’un corps immensément disponible
Et le Ciel est en attente de renaître
Avec Celle qui
Fiancée Promise
Vit dans l’esseulement
Du Monde
Oui le Monde est seul
Et la Terre gercée
Durcie
Craquelée
Est cette plaie visible de l’âme
Seule à se montrer
Aux yeux disponibles
Infiniment
Disponibles
D’eux on a un urgent besoin
Encore est-il temps
De s’adresser aux Dieux
Ils nous attendent
Du plus loin de leur souffrance
On a proféré leur mort
Depuis longtemps
Seuls sont
Morts
Les hommes qui ne savent
Entendre leur voix
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