Œuvre : Pierre Soulages.
Source : Le Blog de
peinture-abstraite-informelle.
***
Le Feu & la Flamme
Cela monte en nous
C’est le feu et la flamme
Cela exulte
Cela remue
Et les buissons d’eau
Les vergetures de la terre
Les effusions du sol
Clouent au silence
Epinglent à demeure
***
Comment être soi
Ici dans la chambre livide
Et nue
Alors qu’au dehors
Tout remue
Et demande
Son dû
Comment ne nullement
Céder
A la folie polychrome
Au luxe d’être à côté de soi
Sur l’étrange lisière
Où tout se dit
Dans l’abondance
Où tout se donne
Dans la mouvance
Des choses
Des êtres
En leur seule
Présence
***
Cela monte et descend
Cela fuse
Cela perle
Cela témoigne de qui vous êtes
En votre fond
L’Illimité qui jamais ne trouve
De route à son pas
L’Infini qui vous taraude
Le Vent qui vous traverse
L’Absolu qui fait son zéphyr bleu
***
Alors on questionne
L’éclair qui tonne au Ciel
La pluie de météores
Dans l’étincelante nuit
La fulgurance boréale
Là-bas au loin
Sur la courbe haute du Septentrion
On s’y perdrait presque
Dans la dérive lente
Des glaces hauturières
On s’y abîmerait
Dans les labyrinthes blancs
Du songe
On y disparaîtrait
Pour une vision
De l’Unique
Ceci qui nous interroge
Et jamais ne porte de nom
Peut-être n’en a-t-il pas
***
Combien de douleur
A ne pas connaître
A toujours douter
A tâcher de happer
Quelque haillon
De Vérité
Quelque faille
De présence
Quelque certitude
Hissée tout en haut
Du pavillon
Où ne flottent
Que les voiles souples
De la beauté
***
Là dans le noir qui brûle
Qui attise les paupières
Qui vrille les pupilles
On trace les déchirures
D’un savoir
On plonge les griffes acérées
Afin que
De cette incision
Naisse une parole
Se dise un mot
Peut-être vibre
Un silence
Se lève l’aube
D’une espérance
***
Ténébreuse l’encre
Qui coule en plein ciel
Bitumeuse la joie
Pliée dans sa rumeur
Sourde l’affliction
Qui étreint le cœur
Poudre l’âme
De cette lourde
Et inaltérable
Suie
Dont notre chemin
Est parsemé
Le Feu & la Flamme
Cela allume les feux-follets
De la conscience
Cela fait sa lumière diffuse
Cela creuse du clair
Dans la mine serrée
De l’angoisse
Cela rassure
Et c’est aussi démence
Que de croire
A la sublime donation du jour
A ses mains vierges
De tout crime
***
Même les Morts
Ont peur de la lumière
De la déchirure
De l’entaille qu’elle ouvre
Au cœur de la nuit
Mais les Morts veulent la Nuit
Mais les Vivants veulent le Jour
***
Notre corps est nocturne
Notre corps est mutique
Notre corps est soudé
Qui ne veut rien savoir
Du monde
Des hommes errants
Des mutilations
Qui lacèrent le réel
Cette taie endeuillée
Qui recouvre
Toute innocence
La réduit au Néant
***
Pourtant il y a des lumières
Du corps
*
Les yeux
La bouche
Les narines
Le sexe
Les pores
*
Mais ont-ils au moins
Appris à dire
Le désarroi de tout Vivant
Exténué à la tâche de vivre
***
Pourquoi tout ce noir
Pourquoi ce heurtoir
Toujours recommencé
Offenser la chair
Creuser la pulpe
Eclats de blanc
Brisures
Ecorchures
Rainures
Afin que cela parle
Que cela se montre
Que la plaine sombre
Voie le soleil
La crête de la montagne
Mesure l’adret
La profonde vallée
S’ouvre
A l’éclat
Au limpide
Au chiffre
Qui rend visible
Assoit sur le cercle
Des significations
Déploie l’être
Autrement que
Dans sa dissimulation
***
Feu-Flammes
Trouant la bannière
Mortifère des nues
Trépan de l’esprit
Fouillant de ses diamants
La boue d’ébène et de cuir
Est-ce là le destin
Qui depuis toujours
Nous échoit
Autrement
Il n’y aurait
Que cécité
Et refuge
Dans
Le
Rien
Le Noir
L’Encre
L’Obscur
La Nuit
Nous les voulons
A seulement
En écarteler
Le corps
Muet
Oui
Muet
Oui
L’entaille
Du
Réel
Du Noir
Célébrons
La Beauté
Ouvrons-la
Au mystère
Du Jour
Nu