Photographie : Blanc-Seing
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Ces feuilles qui flottaient
Existaient-elles au moins
Ou les avais-tu imaginées
Pour donner le change
A la fuite du temps
Pour fixer
À ton irrésolution
La vraisemblance
Qu’il convenait
De lui donner
*
Nous n’étions que
Des passants
D’étranges marcheurs
Qu’une perte d’étoiles
Égarait
Le jour n’était mieux
Semé
De lueurs blanches
Tu en disais la brûlure
Le yatagan de lumière
Qui entaillait ton corps
La révolution intime
Qui faisait ses tourbillons
C’était une perte d’eau
Qui jamais ne verrait
De résurgence
*
Nous aurions pu
Nous arrêter là
Au bord du ruisseau
Limpide
Oter nos vêtements
Offrir l’usure de nos peaux
A l’ombre souveraine
Nous asperger d’eau lustrale
Commise à notre renaissance
Certes nous aurions pu
Mais n’avons rien tenté
Qui eût provoqué
La cassure
De l’instant
*
Vois-tu il y a trop
De destin
Dans ce que nous faisons
Trop de chemin
Décidé d’avance
Trop de clair-obscur
Dans lequel nous posons
Nos pas
La lumière d’une joie
L’ombre d’une tristesse
Dont nous pensons être
Les magiciens
Mais nous ne sommes
Que des êtres joués
Des enfants sautant
À la marelle
Sûrs de leur Ciel
Sûrs de leur Terre
Alors que nous ne passons
Que de Paradis en Enfer
Le Purgatoire nous échappe
Qui aurait pu
Nous sauver de nous
Nous demeurons
Dans les murs
De notre citadelle
*
Comment nous rejoindre
Tant les continents
Sont éloignés
Regarde donc le fond
De cette claire rivière
Regarde l’arbre
Qui s’y réverbère
On les croirait confondus
Dans le creuset
D’une unique image
Mais sais-tu il suffirait
De froisser l’eau
De la paume de sa main
Et le charme se romprait
Il ne demeurerait
Sur la feuille d’eau
Que quelque tourmente
Quelque nuit hâtive
Quelque jour poinçonné
De vide
Il ne demeurerait
Qu’une solitude infinie
Poncée au désarroi
D’une énigme
*
Ma Naïade vêts-toi
D’un peu de brume
Cerne tes yeux
De quelques gouttes
Fais tinter le cristal
De ta voix
Elève-toi
De cette longue plainte
Qui n’est que le deuil
D’exister
Serais-tu simple chuchotis
Crépitement de libellule
Et tu aurais rejoint
Le seul lieu dont ton être
Soit capable
Ce doute qui rôde
Dans le gris de tes yeux
*
Longtemps nous avons rêvé
Mais de qui donc
De nous bien entendu
Le vent semait son lamento
Le long des coursives
De nos corps
A peine plus visibles
Que le vide
En son empreinte
Qu’avions-nous à happer
Sinon le double
Que chacun tendait
À l’autre
Que l’image hallucinée
Du temps
*
Le réel venait à nous
Avec sa rumeur bleue
De nous
Nous étions dessaisis
Nos silhouettes fuyaient
Au-devant
Telle accrochée au passé
Sans mémoire
Telle arrimée au futur
Sans avenir
Mieux valait en finir
De ces errances
Mieux valait être soi
Et renoncer à voir
Dans le miroir de l’eau
Autre chose
Qu’un mirage
Qu’un éternel retour
De qui l’on est
A la face du monde
Ce visage qui
Jamais n’apparaît
Qu’au reflet de l’onde
Oui au reflet
*