Photographie : Gilles Jucla
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Je t’avais dit ces formes
Tu le savais
Qui m’obsédaient
Elles venaient la nuit
Pareilles à des symptômes
A de circulaires présences
Étaient-elles plus que cela
De réelles réalités
De féminines figures
Surgies au plein
De ma conscience
De possibles amantes
Taraudant mon corps
De la dague du désir
Avant que ne surgisse
Le plaisir en
Ses étonnantes banderilles
*
Partout cela fusait
Partout cela s’allumait
Longs feux de Bengale
Qui électrisaient mon dos
Lançaient dans les reins
Leurs meutes de folie
*
Je t’avais dit ces formes
Tu le savais
Qui m’inquiétaient
Peut-être l’ordinaire folie
Son pieu planté dans le derme
Et aucune manière d’en sortir
Autrement qu’à les halluciner
A nouveau
A les métamorphoser
En ce qu’elles n’étaient pas
De pures illusions
De simples images
Suspendues
À la margelle de mon front
*
J’en entendais le bruit
De source lointaine
Percevais la vacuité
D’une origine
Loin très loin
Au-delà des battements
Amniotiques
Dans un pli du Temps
Encore inaccompli
Dans un espace sans lieu
Dans un destin sans esquisse
*
Je t’avais dit ces formes
Tu le savais
Qui foraient mon âme
Jusqu’en son tréfonds
Peut-on jamais saisir
Le nu de ses phantasmes
Cette résille arachnéenne
Dont jamais on ne fait
Se rejoindre les fils
Vois-tu il y a tellement
De brume dense à l’aplomb
Des yeux
Un mur de cataracte
Et l’on ne voit plus
Qu’une image de soi
Recouverte
D’une taie d’oubli
Car le sais-tu
Vivre c’est d’abord
S’oublier
Eviter le jeu
De la fascination
L’EGO est ce danger
Qui toujours nous guette
*
Voyant ces sublimes rochers
Sans doute des blocs de granit
Ils s’ombrent d’une vaste solitude
Ils meurent dans le noir
Ils sombrent dans le gris
Nullement à l’aune
D’une volonté qui
Leur serait propre
Même la pierre de Sisyphe
Est sous le sceau des dieux
Seulement le silence porté
De nos propres errances
*
Que seraient donc
Ces diluviennes présences
Si nous ne les regardions
Avec l’œil du conquérant
Nous qui sommes les Bien-Nés
Parmi l’ensemble de la Création
Etaient-elles des symboles
Des puissances
Un élan dans le Ciel
Une poussée de la Terre
Qui n’auraient concouru
Qu’à notre éphémère gloire
Car je te l’avoue
Je me sens si petit
Et ces formes me disent
Ma finitude
A l’aune de leur éternité
Comprends-tu
Nous passons
Et elles demeurent
Entends-tu au moins ceci
Elles demeurent
*