Photographie : Blanc-Seing
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Se hisser vers où
Voyez-vous il est si difficile
Déjà
De se tenir debout
De ne point chuter
Dans la première ravine
Venue
De tracer son chemin
Sur la ligne de crête
De jouer les éternels
Funambules
Le fil est sous nos pas
Si tendu qu’il pourrait
A tout instant se rompre
Nous envoyer à trépas
Nous n’aurions plus alors
Que le vide pour compagne
L’Absolu pour demeure
Se hisser vers où
Je divaguais au bord de l’eau
Le rivage me prêtait
Sa rassurante nacelle
Tout était si calme
On aurait dit l’aube
D’un jour nouveau
L’intranquille m’avait quitté
Du moins je le croyais
Homme du peu
Et du hautement dicible
Cette vrille du discord
J’étais assez naïf
Pour attendre des signes
Le don d’une vérité
Ils ne pouvaient que proférer
Une insigne parole
Et assurer mon être
D’une immanente joie
Aussi indestructible
Que le roc de granit
Se hisser vers où
Malgré cette belle assurance
La question était récurrente
Se hisser vers où
Comme si un mystérieux dessein
Inclus dans les choses mêmes
Leur conférait
Une ardeur sans pareille
Nous les Terriens
Nous devions quitter
Notre sol natal
Éprouver dans une sorte
D’ivresse
L’embellie des nuages
La sublimité de l’éther
Le délire du Ciel
Au Ciel
Je posais la question
De tout ce qui
Par essence
Vouait au dépassement
Au rayonnement
La Religion au premier chef
Le Ciel me répondit
Que la mienne me suffisait
L’Art ensuite
N’était-il pas là où
J’en décidais la présence
Puis l’Histoire
Où il me fut répondu
Que seules
Mes aventures comptaient
Puis la Science
N’était-elle le savoir
Que j’avais construit
Pierre à pierre
Dans le secret
De mon esprit
Puis la Philosophie
En existait-il une autre
Que celle qui tressait
La mesure de mes jours
En déterminait le sens
Puis la Morale
En sécrétais-je une autre
Qui n’eût été en conformité
Avec mes intimes aspirations
Enfin la Poésie
Pouvais-je en éprouver
La texture de soie
Ailleurs qu’en cet ombilic
Qui me reliait à l’origine
Se hisser vers où
J’avais donc tout en moi
Depuis que le temps
M’avait visité
Et ne le savais pas
Sans doute ce non-savoir
Etait-il la cause
De mes tourments
S’élever en quelque manière
Dans la Science ou les Arts
La Religion ou la Philosophie
Revenait à puiser l’eau
A leur source
Qui se confondait
Avec la mienne
Je regardais au loin
Les montagnes faire
Leurs taches violettes
En enviant le curieux dessin
En scrutant les grandioses sommets
J’avais une colline ombrée de bleu
Au sein de ce corps mutique
Il s’élevait à bas bruit
Vers plus grand que lui
J’en ignorais
La « multiple splendeur »
Se hisser vers où
Ce rocher sur la côte
Il ressemblait
À un être pathétique
Tendant vers le Ciel
Sa lourde matière
Se savait-il traversé
De ces nuées de signes
Ou bien gisait-il aliéné
A la pesanteur de la terre
Il fait si lourd lorsque
L’orage gronde
Et que l’on n’en peut
Saisir l’Eclair
Toujours les dieux
Se retirent
Qui
Sont
Muets
*