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12 juillet 2019 5 12 /07 /juillet /2019 09:45
Douce empreinte de la lumière

                    Photographie : Blanc-Seing

 

***

 

 

Ô, toi, l’Eloignée de mes yeux,

as-tu, en ta boréale contrée

déjà rencontré

la douce empreinte

de la lumière ?

Je veux dire ce baume

qui n’en finit de couler

et donne à la peau

la sourde clarté

d’un matin d’été

tôt levé.

 

Ici, sur mon causse,

dans mon pays de pierre

 et de vent,

jamais la clarté

ne s’arrête.

Toujours elle vient du Nord,

du côté de chez toi,

et file en direction du Sud

en faisant ses étranges

clignotements,

ses sauts de carpe,

ses capricieux saltos.

 

Pensant la voir ici,

sur le front arrondi

d’une gariotte

ou bien sur les murs

de pierres sèches

qui bordent les enclos,

et déjà elle est là-bas,

plus loin que l’horizon

et je pense à

ces étranges populations

d’au-delà les montagnes,

à ces peuples de pêcheurs

et de rudes cultivateurs

qui doivent en recevoir

 la verticale offrande.

 

Car, vois-tu,

toujours nous sommes

en dette,

ou devrions l’être,

de ce sublime accroissement

de l’être

qu’est toute venue à nous

de cette splendeur

qui nous remet

le don de voir.

 

Que serions-nous si,

soudain,

la lumière s’absentant

de notre habituel paysage,

nous ne pussions,

désormais,

qu’avancer à tâtons

dans la nuit lourde,

que serions-nous

à défaut d’être,

par elle, fécondés ?

 

Oui, tout vient d’elle,

tout part d’elle

et tout y retourne.

Mais quels seraient donc

ces hommes inconscients

qui pourraient

se soustraire d’elle,

oublier de lui vouer

quelque culte ?

Tu connais mon radical athéisme.

Mais pourquoi donc l’homme

éprouva-t-il, un jour,

le besoin d’inventer Dieu ?

La femme, sa compagne,

ne lui suffisait-elle donc pas ?

 

Et, comprends-tu,

si j’éprouvais,

par impossible,

 le besoin

d’avoir une religion,

ce serait celle,

solaire,

des anciens Incas

ou bien celle

d’un Zarathoustra

s’adressant ainsi

à l’immensité

de l’éther où ruisselle

la lumière blanche

de l’astre du jour :

 

« Je préfère me cacher

dans le tonneau

sans voir le ciel

ou m’enfouir

dans l’abîme,

que de te voir toi,

 ciel de lumière,

terni par les nuages

qui passent ! »

 

Certes, belles 

sont les dentelles des nuages,

ces respirations stellaires,

les flocons légers des cumulus,

les fines nappes des cirrus.

Mais combien le ciel

est plus souverain,

plus exact lorsque,

en son centre,

roule la boule

qui lui indique son cap

et lui fixe sa destination.

Et quelle est donc celle-ci,

sinon les améthystes profondes

des yeux, les tiens,

ceux de tes compagnes,

 si ce n’est la blanche porcelaine

des sclérotiques des hommes,

leur regard d’amour  

qui te tire hors de toi

et t’emporte

 en une aventure

dont tu ne connais

nullement le motif,

seulement l’émotion

qui l’anime ?

 

Ecrivant ceci,

c’est juste au retour

de ma tâche quotidienne

qui consiste,

dès le matin,

dans la réserve bleue

de l’aube,

 à herboriser.

Mais tu sais toute

ma gratitude

pour Jean-Jacques

et pour les herbiers

qu’il confectionnait

afin de peupler

son éternelle solitude.

 

Donc, ce matin,

j’ai cueilli ce rameau

d’un simple

dont je ne connais le nom

mais peu m’importe

de pouvoir le nommer

de telle ou de telle manière.

De lui, ce que j’attends,

c’est qu’il m’indique le trajet

de la belle lumière.

 

D’elle, la lumière,

 j’attends qu’elle me révèle

à moi-même

puisque, tu le sais,

 nous ne sommes jamais

qu’à la recherche

de ce continent invisible

que nous sommes tous,

que nous rêvons de connaître

 afin que notre avancée dans l’heure

soit diurne et non remisée

aux ombres nocturnes,

à ce coefficient d’effroi

qui se loge toujours

dans la faille ouverte

qui boit le sens des choses,

dont nous ressortons,

le plus souvent, épuisés,

sans plus aucune ressource

qui nous dirait le lieu exact

de notre marche.

 

Donc ce simple est beau,

lui qui est sculpté

par la lumière.

D’elle il tient toute son énergie.

D’elle il tient sa forme.

D’elle résulte son langage,

son élan,

les courbes qu’il nous offre,

 l’esthétique qu’il nous remet

comme son pouvoir

le plus secret.

 

Ce rameau se dit

en lumière

que féconde la lumière

de nos yeux.

Mais voici que,

 cette nuit dernière,

je t’ai créée en songe

(c’est bien nous qui fabriquons

ces images,

c’est de nous

que vient la clarté,

de notre conscience

qui a archivé dans ses arcanes

les milliers de photons

qui s’assemblent

afin qu’un paysage onirique

se puisse constituer ?),

donc tu étais sur une grève

 inondée

d’un miroitement gris,

tu te levais à peine

de ce ruissellement discret,

 tu étais, tout à la fois,

ce sable qui courait

au ras de l’eau,

cette plaque brillante

d’une onde qui se jetait,

là-bas, vers l’horizon,

dans la mer infinie.

 

De courtes vagues

venaient s’échouer

à tes pieds

avec lesquelles tu jouais,

comme tu l’aurais fait,

éprouvant de la paume

de la main

 la peau lustrée

et glissante d’un dauphin.

Au large de la vue,

deux barres noires

de rochers

fermaient presque totalement

 la baie.

En bas,

toute une joyeuse cohorte

de nuages blancs.

Plus haut,

le tissage plus serré

de cirrus

qui viraient

dans des teintes d’ombre.

 

Depuis ce lointain

où ma mémoire t’a reléguée,

peux-tu au moins voir

ce superbe chatoiement

pareil à la lueur

d’une pierre ponce

ou bien au reflet

 que le galet renvoie au ciel

depuis sa courbe

à peine venue au monde ?

 

Vois-tu, dans l’immédiate

avancée du temps

 - cet impalpable, cette écume -, 

ces algues noires

qui dessinent sur la toile

de la plage

le chiffre de qui tu es,

celui-là même

que je ne perçois

qu’au travers d’un rideau

de brume ?

 

Serais-tu l’incarnation

de Diane,

dont le nom te désigne

comme celle qui correspond

au ciel diurne,

celle qui soutient

la lumière du jour ?

 La sœur d’Apollon-le-lumineux,

le plus bel éphèbe

qui jamais se donna

aux yeux émerveillés

des voyageurs sur terre.  

 

Demeure ainsi

en ta puissance originelle

 et fais de ta réputation

de chasseresse

celle qui chasse les ombres,

écarte les ténèbres,

envoie la lumière

et, surtout, jamais

ne deviens Hécate,

cette déesse vouée

aux  maléfices,

celle qui hante les nuits

où la Lune renonce

à paraître au ciel.

 

Mais que serait donc l’existence

 sur une terre seulement parcourue

de sillons nocturnes,

une terre qui ne parviendrait

même plus

à dire son nom

puisque personne,

sur ses lèvres de nuit,

ne pourrait en reconnaître

le lumineux prestige.

Ô, toi, la loin venue

des aurores boréales,

des ciels où se déplient

ces belles écharpes d’émeraude,

fais-nous la faveur

de nous visiter

de tes doigts

où étincellent les étoiles.

Où repose notre

possible bonheur.

Lumière est en nous

Qui faseye et attend.

 

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