Esquisse : Barbara Kroll
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Étreindre, mais quoi ?
En ces temps de pullulation, en ces temps de multitude, en ces temps où tout se conjuguait selon l’ordre du POLY, du PLURI, du MULTI, rien ne faisait sens que la profusion, la prolifération, la foison sans fin des choses et il ne demeurait, dans l’espace, nul endroit où trouver repos et apercevoir quelque lumière dont on eût pu tirer quelque parti autre que celui d’une gestion comptable, numérique, orthogonale du Monde. Le Monde n’était que du chiffrable, du consommable, du buvable et, bientôt, du jetable. Ainsi ce suffixe en « able » dessinait-il les contours d’une Humanité seulement occupée de se situer dans une échelle des tons quasi matérielle, sans qu’un seul instant, elle ne fût troublée en quoi que ce fût par la sourde contingence de ses occupations. Cependant le Monde tournait, cependant les gens s’amusaient, cependant les significations des choses passaient sans que quiconque ne s’en alarmât. Sans doute ceci était-il dans l’ordre des choses, en tout cas dans la belle logique anthropologique et chacun se fût alarmé d’en modifier l’ordonnancement d’un iota, d’en métamorphoser le moindre événement. Il en était ainsi des choses habituelles qui portaient en elles les germes de leur incessant renouvellement, de leur reproduction à l’identique tout le long des ans et des siècles.
Et ceci n’eût été nullement dommageable si l’ordre du MULTI n’avait produit ses orbes qu’à la hauteur de l’espace : parcourir la Planète en tous sens, connaître les hauts plateaux Andins, puis les steppes de Patagonie, puis les hauteurs immaculées de l’Himalaya.
Et ceci n’eût eu nulle conséquence fâcheuse si l’ordre du POLY n’avait affecté que le temps : être à la fois dans l’immédiateté du Présent, regarder par-dessus son épaule son histoire passée, se projeter en avant de Soi en direction de son avenir.
Et ceci se fût à peine remarqué si la ronde éternelle du PLURI n’eût consisté qu’en un changement de toilettes compulsif, en échanges téléphoniques pléthoriques, en longues files d’attente devant les murs aveugles des cinémas. En réalité tout ceci n’était que le vêtement d’Arlequin de l’existence ordinaire et quiconque s’en fût offusqué se fût d’emblée exposé aux quolibets, railleries et moqueries de ses Commensaux. Le Monde était ainsi fait qu’il puisait en ses fondations les lignes mêmes selon lesquelles son architecture s’édifierait, n’ayant cure de s’écarter des sentiers balisés immémoriaux en lesquels il avait trouvé une sorte d’équilibre, sinon d’harmonie.
Étreindre, mais quoi ?
Toutefois, comme en sourdine, comme une antienne venue du plus loin d’un passé fossilisé, se faisait entendre une voix petite, menue, mais non moins irritante, interrogative pour qui en percevait l’inoxydable ritournelle. Étreindre, mais quoi ? Oui car l’interrogation, le prurit mental, l’urticante comptine se ressourçaient à leur propre énigme et en éprouver l’urgence revenait à faire de sa tête le lieu d’un éternel sabbat, d’un tohu-bohu de sorcière dont on ne sortirait que fourbu, l’âme en miettes, le miroir de la conscience troublé et piqueté de chiures de mouches.
Étreindre, mais quoi ?
Et, maintenant, afin de rendre notre méditation concrète, explicite, il convient que nous commentions cette œuvre de Barbara Kroll, cette belle Esthétique Métaphysique qui, en un seul et même mouvement, dit
l’Ombre et la Lumière ;
la Tristesse et le Bonheur ;
la Donation et le Retrait ;
le Silence et la Parole ;
la Rencontre et la Séparation :
l’Amour et l’Indifférence ;
la Dualité et l’Unité ;
la Vie et la Mort,
ces deux pôles existentiels qui en synthétisent la cruelle et heureuse vérité car tout, sous notre Ciel, sur notre Terre, se donne sous la figure de l’oxymore :
un vide se montre que
comble une complétude,
une faille s’ouvre que
colmate la plénitude d’un sentiment,
un pleur glace une joue
qu’un baiser vient essuyer.
C’est toujours sous le joug destinal des contraires, c’est toujours dans l’alchimie des opposés, c’est toujours sous l’œil figé des divergences que l’aventure humaine, tantôt rougeoie, tantôt connaît la sombre couleur du deuil. C’est à l’intersection de ces prédicats de la division, du partage, de la dissociation que s’inscrit tout cheminement vers plus loin que Soi.
La nuit est présente, infiniment présente dans sa dominante Bleu Métal, Bleu de Prusse, enfin dans une pente infiniment crépusculaire dont rien ne semble pouvoir émerger que la haute et éprouvante figure de la Finitude. Étreindre, mais quoi ? L’Homme plutôt deviné, entr’aperçu que clairement désigné, est simple image nocturne, simple diversion d’une Ombre, ligne d’un clair-obscur nullement assuré de soi. Contour et simple trait comme si, d’un instant à l’autre, il pouvait retourner à l’Obscur dont il figure la tremblante émanation.
Étreindre, mais quoi ?
Étreinte de quoi, de Qui ?
Les bras sont deux lianes étiques qui entourent une forme qui se donne pour un corps. Mais quel corps ? Corps-cierge ? Corps-pierre ? Corps-Statue ? Étreindre, mais quoi ? Et Qui-est-étreinte ? Qui est-elle, sinon cette blanche falaise toisant la nuit du fond, la nuit de l’Homme ?
Tête-broussaille-de-cheveux. Coulures de sanguine qu’un gris fait mine d’assembler en quelque chose de possible, de lisible. Étreindre, mais quoi ? Corps de neige et de silence. Corps-congère. Corps-boréal que n’illumine nulle aurore verte phosphorescente, que ne vient féconder nul nectar solaire, Corps de gemme éteinte, comme gisant parmi les lignes de faille d’une carrière abandonnée, des mains rouges y poussent qui aliènent bien plutôt que de libérer. Étreindre, mais quoi ? En quelque manière cette image pose les conditions mêmes de sa propre destruction. Tout naît à peine que, déjà, tout est frappé d’une cruelle obsolescence, que déjà tout est poinçonné de Mort.
Qui sont-elles ces deux Formes qui tremblent sur la toile ? Qui sont-ils ces deux Inconnus dont nulle identité ne se dégage du sombre massif de leur venue à l’être ? Mais une simple esquisse d’être, un trait de fusain estompé, une eau d’invisible aquarelle, un effleurement de lavis viennent-il les sauver des griffes du Néant ? Les biffent-ils du Rien dont ils semblent la vertigineuse oscillation, le numéro d’équilibriste, le plomb alchimique se refusant à devenir Or ? Å devenir Pierre Philosophale ? A devenir Homme et Femme s’enlaçant dans l’unique et merveilleux geste d’Amour ? Étreindre, mais quoi ? L’image, dans son évidente désolation, nous ôte toute considération rationnelle, en quelque sorte nous dépossède de-qui-nous-sommes, nous les Observateurs que la représentation requiert et immole dans l’étroite quadrature de ses mâchoires d’acier, dans la rigueur de sa camisole de force.
Certes, Lecteurs, Lectrices vous peindrez mon âme des plus funestes teintes qui se puissent concevoir. Mais avouez donc que, vous aussi, penchés sur le bord de l’image, avant-bras reposant sur la margelle d’incertitude, observant ces Inquiétantes Figures, elles vous font penser aux Mannequins transparents de Giorgio de Chirico, ce Grand maître du Songe Métaphysique et soudain vous ressentez en vous ce réflexe nauséeux d’un Roquentin suspendu à l’étrange facticité de la Racine Noire, vous y invaginant corps et âme, disparaissant à même la terre métempirique du Jardin Public de Bouville. Oui, l’Art a cette force exceptionnelle de nous reconduire à nos propres fondements et, selon ses humeurs changeantes, de nous propulser vers les hauteurs de l’empyrée où de nous précipiter dans les fosses rougeoyantes et fuligineuses de l’Érèbe.
En définitive, poser la question « Étreindre mais quoi ? », n’est pas poser la question, du moins en ligne directe, de qui-nous-sommes. Pourtant, en son fond c’est de ceci dont il s’agit et uniquement de ceci. C’est bien à Nous que nous devons aboutir et rien qu’à Nous puisque, si par un trait de l’imagination nous nous biffions, et la question disparaîtrait et Nous-qui-la-posons corrélativement. « Étreindre mais quoi ? », poser cette interrogation suppose une longue et tortueuse déambulation parmi des domaines qui en sous-tendent la réalité la plus effective. Le début de cet article nommait « la gestion comptable, numérique, orthogonale du Monde », en tant que vision biaisée de ce même Monde en lequel nous sommes inclus et qu’il nous incombe de considérer selon de nouvelles perspectives. Jamais question essentielle (« Étreindre mais quoi ? ») ne se peut résoudre facilement comme si, de prime abord, poser la question se résolvait par un genre d’évidence, de truisme massif.
Nous croyons qu’il nous faut faire l’hypothèse d’un réel parcours intellectuel qui fera apparaitre les jalons déterminants selon lesquels notre interrogation recevra quelque chance de réponse adéquate. A notre sens, bien à l’écart des intérêts d’une société consuméro-matérialiste, il nous est demandé de parcourir et de mener une investigation sur des sentiers aujourd’hui remisés au compte des archives anciennes. Pour nous, de toute évidence, il devient urgent de mener un véritable travail d’Archéologue, de mettre à jour ce qu’il y a de plus essentiel pour le rayonnement de la psyché humaine, pour le déploiement de la sphère intellectuelle. Ainsi, de proche en proche, nous faudra-t-il aborder successivement, quelques extraits de textes littéraires qui, chacun à sa façon, vient jouer en écho avec notre interrogation obsessionnelle : « Étreindre mais quoi ? ».
De la même manière nous aurions pu investiguer, selon un mode antéchronologique, proche d’une genèse en quête d’une origine, quelques pages de la Philosophie, nous arrêter sur quelques œuvres d’Art, questionner la position nécessairement éthique de l’Autre et, bien évidement de Soi en l’Autre, de Soi en Soi, autant se stations nécessaires afin que le SENS, Ultima Thulé de l’Esprit Humain enfin parvenu à une sorte d’éclosion vienne nous libérer de nos quotidiens démons et nous installer dans la seule Lumière qui soit, la Vérité pour Nous car nous devons être à Nous-même notre propre Vérité. C’est une simple question d’éthique. Bien évidemment, les points majeurs de notre recherche s’abreuveront à nos AFFINITÉS électives, les seules qui, pour Nous, signifient et ouvrent l’espace de la Clairière parmi la forêt des doutes et des incompréhensions.
Mais ici, nous limiterons volontairement notre propos à trois extraits de textes suffisamment explicites, assortis d’un bref commentaire. Cependant, une critique ne manquera de venir à jour sous la forme suivante : pourquoi tant de noirceur, de désolation, de désespoir dans le geste de l’étreinte qui ne saisit que des Ombres alors, qu’aussi bien, la Lumière se fût donnée comme ce qui, au terme de la question, l’aurait illuminée d’un jour nouveau, d’un jour heureux ? Certes la remarque est de pure logique. Toute existence s’inscrit nécessairement sous la figure d’une dialectique, d’un mouvement qui, tantôt connaît son zénith, ses heures de gloire, tantôt découvre son nadir, ses instants de déclin. La vie se peut représenter métaphoriquement sous les traits d’un kaléidoscope (cette référence est constante dans mon écriture, sans doute une résurgence des kaléidoscopes dont les images mouvantes ravirent bien des moments de mon enfance), d’un kaléidoscope donc avec ses fragments hauts en couleur, ses flamboiements, ses feux d’artifice que suivent, dans une certaine confusion, d’autres fragments opaques, décolorés, sans grand intérêt chromatique. De même pour l’existence qui, tantôt appelle la plénitude, tantôt le déroutant dénuement. Mais il n’y a nulle égalité entre les deux termes d’un gain et d’une perte pour la simple raison que notre condition mortelle, efface au bout du compte la féérie colorée, lui substituant cette suie qui enduit notre corps des glaçures du marbre.
Posons donc à nouveau la question « Étreindre mais quoi ? » et examinons quelques réponses apportées par la littérature.
En premier, Roger Gilbert-Lecomte dans « Proses » :
« À la place de ce qui fut lui-même, sa conscience, l’autonomie de sa personne humaine, un gouffre noir tournoie. Ses yeux révulsés voient entre ses tempes tendues s’étendre une immense steppe vide barrée, à l’horizon, par la banquise de ses vieux sens blanchis. »
Les paysages intérieurs que le Poète retrace plongent dans les abysses les plus sombres. Alors, comment s’étreindre lorsque le Soi ne fait plus face qu’à ce « gouffre noir » qui ne se peut envisager qu’en tant qu’image de la Mort, au moins en ses cruelles prémisses ? L’organe de la vision, celui par où le réel est abordé et compris, est mis à mal, si bien que plus aucune vision objective n’est possible, autre qu’une constante hallucination où la conscience elle-même est amputée de sa vertu dominante, à savoir la pointe de la lucidité qui autorise une vision juste des choses. Et comment dire son propre égarement qu’à évoquer cette « steppe vide barrée », autrement dit cette agonie de tout projet, ce saut inouï dans la « banquise » où les sens glacés ne perçoivent guère plus qu’un monde chenu en train de s’éteindre ? Ce corps qui, pour tout Vivant est la seule matière dont il ne soit jamais assuré, le voici « ce corps insupportable jeté en miettes dans l’espace illimité ».
En second, Antonin Artaud dans « L’ombilic des limbes » :
« Cette sorte de pas en arrière que fait l’esprit en deçà de la conscience qui le fixe, pour aller chercher l’émotion de la vie. Cette émotion sise hors du point particulier où l’esprit la recherche, et qui émerge avec sa densité riche de formes et d’une fraîche coulée, cette émotion qui rend à l’esprit le son bouleversant de la matière, toute l’âme y coule et passe dans son feu ardent. […]
Celui-là sait ce que l’apparition de cette matière signifie et de quel souterrain massacre son éclosion est le prix. »
Ce texte est saisissant car le motif anthropologique s’y trouve métamorphosé selon un incroyable processus de minéralisation. Chacun sait combien le génial Artaud s’est battu contre son corps, combien celui-ci a éprouvé le tremblement convulsif des électrochocs, connu l’emprisonnement des camisoles chimiques, les injections de drogues qui stérilisent l’esprit, le plongeant dans un constat état de sidération. Mais ici, dans ce fragment, un point de non-retour a été atteint dont l’on craint bien que nulle issue n’en atténue le sort cruel. Celui qui a cherché, dans les signes de pierre des Indiens Taharumaras un chiffre céleste pouvant l’aider à interpréter sa propre cosmogonie, en réalité cette folie active, visionnaire qui l’encercle et le réduit à néant, celui qui a été, sa vie durant ce « Théâtre de la cruauté », voici que cette cruauté s’est retournée au point d’immoler son Auteur dans une gangue de sédiments, de fractures, de diaclases, de séismes où l’esprit devient matière, où la matière devient esprit, dans une sorte de tohu-bohu géologique, révélation d’une souffrance ultime « en-deçà de la conscience », là où ne règne plus qu’une Nature élémentale, « feu ardent » qui brûle tout sur son passage, il ne demeure que le paysage calciné d’une existence réifiée, simple roche logée au sein de l’immense mutité minérale. Il fallait tout le talent poétique d’un Artaud, toute sa douleur patente pour en rendre compte. Mais le compte n’est rendu qu’à la hauteur d’une extinction du Soi dont la beauté est tragique. Le destin entier du Poète est de la nature d’un violent oxymore.
En troisième, J.M.G. Le Clézio dans « Le livre des fuites » :
« Je veux fuir dans le temps, dans l’espace. Je veux fuir au fond de ma conscience, fuir dans la pensée, dans les mots. Je veux tracer ma route, puis la détruire, ainsi, sans repos. Je veux rompre ce que j’ai créé, pour créer d’autres choses, pour les rompre encore. C’est ce mouvement qui est le vrai mouvement de ma vie : créer, et rompre. Je veux imaginer, pour aussitôt effacer l’image. Je veux, pour éparpiller mieux mon désir, aux quatre vents. Quand je suis un, je suis tous. J’ai l’ordre aussi, le contre-ordre, de rompre ma rupture, dès qu’elle est advenue. Il n’y a pas de vérité possible, mais pas de doute non plus. Tout ce qui est ouvert, soudain se referme, et cet arrêt est source de milliers de résurrections. Révolution sans profit, anarchie sans satisfaction, malheur sans bonheur promis. Je veux glisser sur les rails des autres, je veux être mouvement, mouvement qui va, qui n’avance pas, qui ne fait qu’énumérer les bornes. »
C’est sans doute chez Le Clézio, dans le concept même de « fuite », donc d’être Soi-hors-de-Soi, de ne trouver sa place que par défaut, de n’assumer sa temporalité qu’à être éparpillé selon les stances télescopées d’un passé-présent-avenir, que s’exprime le mieux cette constante désespérance d’une existence qui cherche fiévreusement à s’étreindre mais ne parvient jamais qu’à connaître sa propre vacuité, sa terrible incomplétude. Car « fuir dans le temps, dans l’espace », ce n’est ni assumer le temps, ni assumer l’espace mais les déterminer comme ce qui est toujours au loin de Soi, comme ce qui clignote, appelle et se retire à même cet appel. Quant au fait de « fuir au fond de [sa] conscience », ceci supposerait une conscience spatialisée, située, donc réifiée en quelque sorte, ce qui serait une évidente absurdité. Et « fuir dans la pensée », ne serait-ce énoncer l’impossibilité même d’élaborer quelque concept, de réduire l’acte de pensée à une simple vapeur toujours en fuite de Soi ? Et « fuir dans les mots », ne serait-ce désigner la transcendance du langage en tant que simple immanence, comme si l’essence des mots se pouvait résumer au statut de simple chose ?
Nous voyons bien ici, avec la « profession de foi » de Jeune Homme Hogan, que le simple fait de vivre est une gageure, que tout est en partance de Soi, que rien ne tient, que tout être du monde est une illusion qui ne se laisse nullement approcher, encore moins enchaîner, comme si l’Homme pouvait s’en rendre Maître. Et cette décision de l’ordre de l’oxymore
« créer et rompre » ;
« imaginer et effacer » ;
« l’ouvert se referme » ;
« glisser sur le rail des autres »,
toutes ces formules étonnantes, ces tournures syntactico-rythmiques syncopées qui procèdent à leur annulation sitôt qu’émises, ne font-elles signe en direction d’une constante capture qu’annule son contraire, la libération de ce qui avait été à peine entrevu ? Ici, dans cet extrait de texte convulsif, dans ces saltos, dans ces revirements subits, dans ces éternels sauts de carpe, dans ces palinodies qui, paraissant s’approcher du but ne concourent qu’à l’annuler, peut se lire le triple échec d’une étreinte de Soi, de Ceux-qui-nous-font-face, de ce Monde qui clignote à l’horizon et pourrait bien n’être que « poudre aux yeux », imaginaire qui nous rendrait transparent à nous-même. Là est rejointe la proposition plastique de Barbara Kroll. C’est une identique posture philosophique qui ne postule la possibilité de créer quoi que ce soit que dans le tissu lâche de l’utopie, de ne se construire Soi-même et toute Altérité que selon la figure illusoire de la Chimère.