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14 octobre 2013 1 14 /10 /octobre /2013 19:20

 

Et les couleurs se sont enfuies…

 

 

 (Sur une photographie réaménagée

et un texte de

Pierre-Henry Sander).

COULEURS 

 Source : non identifiée.  

 

 L'écriture en partage. Facebook paraissant avoir pour vocation essentielle de favoriser le partage, le texte ci-après voudrait répondre à cette exigence. Manière d'écriture à 4 mains, d'entrelacement du texte de Pierre-Henry Sander avec le mien. Ecriture que prolonge une autre écriture dont nous souhaiterions que le lecteur s'empare afin de continuer la tâche entreprise.

Le texte en graphies rouges est le texte originel de son Auteur. Celui en graphies noires est mon apport personnel dont je souhaiterais qu'il soit perçu dans un prolongement tissé d'affinités avec cela qui fait sens et autorise ainsi la poursuite d'une mince tâche herméneutique. ]

 

"Temps d'ouest chargé de pluie.. des questions me ramènent à cet univers sombre et dangereux .. le crépuscule tombe en son puits sous la lampe du soir.. l’instant présente à perte de vue une ombre épaisse.. la nuit incurablement blanche sera comme une tombe pour le veilleur que rien n'endort.. morsure d'infamie et de larmes encore chaudes.. qu'ai-je eu de jours heureux, d'heures paisibles.."

 

 

"Temps d'ouest chargé de pluie..la vue est si basse qui frôle l'horizon de son aile déserte et les collines sont des perditions dans l'à-peine clameur du jour. Mais où l'éclaircie, où la faille par laquelle le ciel délivrerait ses cataractes lumineuses ? Où, la conscience qui viendrait éclairer l'aridité urticante des nuages ? Tout est si empreint de désolation, tout si dénué de sens sous la courbure grise des heures. Teintes de plomb, lissées d'étain, longues coulures de zinc à l'aplomb des toits. Errent les corbeaux sur les sombres épis de faîtage. Plus de langage que cette vague rumeur dans les rainures des rues, cette mélopée se hissant à travers les soupiraux griffés de lignes mortifères

.. des questions me ramènent à cet univers sombre et dangereux ..à cet univers de graphite et de suie; questions qui envahissent ma cochlée, y disséminent les cris de la folie, y distillent les alcools de l'ennui, y sondent l'âme métaphysique des choses; pourquoi en est-il ainsi ? ; pourquoi de l'étant plutôt que rien ?, litanie leibnizienne étendant ses ramures dans les cerneaux gris du cortex, giclures questionnant l'azur perdu des souvenirs, existentialisme plongeant sa noire racine jusqu'à la fêlure occipitale, là où éclatent les images en milliers de fragments, en millions de diagonales étoilées, en faisceaux aponévrotiques blanchis par l'usure du temps, ô questions qui plantent leurs dards dans ma peau morte - on dirait celle des momies -, ô questions qui entourent mes membres de leurs bandelettes étroites - on dirait les tuniques serrées des chrysalides -, ô questions de questions qui n'en finissent de faire leur ballet et mon  front saigne et mon nez s'amenuise en étroite meurtrière  et mes lèvres se soudent, deux lames de rasoir entaillant le silence et le silence faisant son écho vide

.. le crépuscule tombe en son puits sous la lampe du soir..mais écoutez le bruit, le grésillement des interrogations, mais happez ce qui passe à portée de vos yeux de larves, vous les humains qui en même temps que moi vivez, oyez ces justes inapparentes coruscations de la pensée qui, bientôt s'éteindront, qui font leurs petites cavalcades, qui ruent et font scintiller leurs sabots de corne avant que de disparaître dans la plus grande confusion; mais tendez donc vos mains-lanières-de-cuir, vos doigts-lianes, vos idées-fouets et rien n'y restera que le vide, un imputrescible néant, la ténèbre dans son insondable beauté car, comme moi, vous l'avez voulue, cette ténèbre, ce mur d'incompréhension contre lequel vous avez usé vos ongles impénitents, vos doigts gourds à force de menus entrechats intellectifs, de questionnements itératifs tournant à vide et, maintenant

.. l’instant présente à perte de vue une ombre épaisse..si dense que même votre figure s'y dissout, que votre beau visage tragique s'y confond, que vos mouvements y disparaissent dans une étrange confusion d'eux-mêmes - entrelacements ophidiens semblables à quelque Ruban de Möbius - vous voilà donc arrivés au pays de l'incouleur, du chromatisme fou qui vient tout juste de retourner sa calotte, voyez ses viscères de charbon, ses nervures grises, ses revers de cendre et de lichen, ses entours de pierre éteinte, ses épanchements de lave - un paysage géologique désolé sous un ciel vide - , voilà où vous ont amenés vos questions impertinentes, vos interrogations stériles, tout au bord de l'énigme que nul mortel ne pourrait faire se révéler qu'au prix même de sa vie. La physique est pour l'homme, la métaphysique pour les êtres sans corps, vous savez ce fameux "corps sans organes" du Philosophe, mais quelle plaisanterie, jamais vous ne vous absenterez de votre corps, sauf délivré de l'existence, ce boulet, cette paillasse sur laquelle vous vous prélassez sans même vous apercevoir qu'elle vous boulotte depuis une éternité et en cet instant de sublime révélation, vous voici, soudain, privés de couleurs, ces hautes sphères de compréhension, ces éclaboussures du sens, ces diapreries mentales indépassables, tout ceci, cette profusion dont vous vous nourrissiez, vous l'avez constamment asséchée, plongeant dans l'eau vitale vos hauts pieds de palétuviers, remuant le limon qui vous avait mis au monde, troublant l'eau qui baignait votre corps, aspirant de votre inconscience majuscule jusqu'au plus infime nutriment et voici que vos questions de questions vous ont conduits dans un bien étrange pays où la nuit féconde, la nuit poétique s'est vidée de sa substance, de sa réserve parlante et désormais

.. la nuit incurablement blanche sera comme une tombe pour le veilleur que rien n'endort..pour le piètre veilleur que, tous, tour à tour, nous avons été et que, maintenant, plus rien ne visite qu'une décoloration de la terre - cendres, cendres, cendres -, qu'une usure du ciel - eau sépulcrale, sépulcrale, sépulcrale, eau venue nous dire en langage ouranien la

.. morsure d'infamie et de larmes encore chaudes..qui sera notre unique destin, notre seule liturgie face à l'incommensurable démesure dont notre légèreté aura été le scrupuleux et empressé architecte, le fossoyeur de génie moissonnant le peu de cervelle qui restait attachée à notre dure-mère incontinente - privée de continent pour la parole, une parole mesurée s'entend, non le prurit de langage dont nous étions les indigents supports - et ce n'est que justice si la détresse nous étreint, la détresse blanche, la tombe ouverte sur un monde livide, un horizon illisible sur lequel ne s'imprimeront plus les hiéroglyphes de la mémoire, les signes du souvenir, les pattes de mouches de nos premières hésitations enfantines qui, sur des feuilles blanches, s'essayaient à tracer, malhabilement, les stigmates de la vie; nous ne sommes plus réduits qu'à être des corps sans corps, des idées sans idées, des polyphonies sans voix, des polychromies sans luxuriance, des problématiques sans problèmes, des paroles sans mots qui n'auront même plus à formuler quoi que ce soit de l'ordre de l'existence;

.. qu'ai-je eu de jours heureux, d'heures paisibles..tout ceci, cette touchante interrogation au sujet de nos vies passées résonnera dans le vide, nous aurons perdu nos âmes en même temps que nos couleurs !"

 

 

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