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22 juin 2013 6 22 /06 /juin /2013 08:56

 

   Alors, ici, on entre  vraiment dans "L'auberge espagnole", mais dans ce qu'elle a de plus abrupt, de sombrement contingent. Le sens y est multiple, souvent au premier degré. Comment, d'ailleurs, ne pas en rester à ce degré lorsqu'il s'agit des bolées de cidre, des verres de Monbazillac, du jerk dansé par les joyeux lurons du "Cleup" ? Mais, à l'évidence, en demeurer à cette interprétation proximale, ferait l'économie de ce qui, en filigrane, s'y illustre. De la même façon que les "pitreries" d'un clown ne dissimulent jamais qu'un profond sentiment du tragique, les contorsions et autres galéjades rustiques des Copains  ne sont présentes  qu'à se rapporter à l'inévitable déréliction de la condition humaine. Toujours, sous le fard et les costumes d'apparat, se devinent les rides et la confondante nudité.  Ainsi en est-il de la vérité de tout Existant dans sa confrontation à la temporalité.

 

  Mais, les futurs disparus de notre horizon terrestre, ne croyez pas vous en tirer à si bon compte. Y a un point qu'on n'a pas encore abordé, c'est celui qui concerne la "Jeunesse" et je vois que vous avez compris car vos regards se portent tous sur l'enseigne qui flotte au gré du vent à la proue du bâtiment terrestre qui vous ouvre si largement les bras et que le Maire a inauguré en grandes pompes, aux deux sens du terme, d'une part en raison du 48 qu'il prend chez André "le chausseur sachant chausser", et d'autre part parce qu'il avait invité les Huiles du département pour donner un peu de lustre à la cérémonie qui intronisait le Cleup et le rangeait au sein du patrimoine municipal, juste après la Déchetterie, juste avant le Nouveau Cimetière qui a pignon sur rue en haut de la colline d'Ouche d'où les morts peuvent apercevoir les Pyrénées par temps clair et, après, c'est toujours le mauvais temps qui arrive.

  Mais allez surtout pas croire que mes digressions m'égarent, je vous ai à l'œil et je vous lâcherai pas avant que mon esprit critique et tordu ait fait le tour de la question. Donc, retournons au mot "Jeunesse", la troisième formule de la joyeuse devise. Mais, "aimables petits croûtons", vous nous prendriez pas pour des idiots, par hasard, en parlant de "Jeunesse" ?  L'autre jour, alors que vous fêtiez l'anniversaire d'un de vos recordmen de l'âge, Garcin, Sarias et moi, Jules Labesse, on s'est pointés discrètement au coin de votre préfabriqué et, du revers de la manche, on a frotté la buée qui était collée au carreau.

  Et alors ? Et alors, on a tout vu : l'Adalbert qui virait ses bretelles cause à la choucroute qu'il avait ingurgitée sans compter; le Barthélémy qui pissait dans une bouteille, il faisait trop froid dehors; la Blandine qui se trémoussait, un verre de mousseux à la main, en dansant le jerk; la Fantine, on lui voyait la culotte, l'ancienne avec une fente du nombril au coccyx, tellement elle s'envoyait en l'air avec le rock; l'Emma qui buvait la bière à la bouteille ; la Flavie, la Francesca et la Georgina qui faisaient "Tûûût - Tûûût - Tûûût" en jouant au petit train, même que le Faustin il faisait le machiniste avec le képi du garde-champêtre sur la tête et le sifflet à roulette qui arrêtait pas de faire "Trrriiit - Trrriiit", et la Sabine et la Salomé, elles se trémoussaient en racontant leurs farces salaces, même que leur gélatine autour des hanches en était tout agitée; alors vous voyez bien qu'on vous raconte pas des sornettes et Garcin, Sarias et moi on était tout remués du dedans, de voir un tel cirque.

  Mais, dites, au fait, croyez pas que je noie le poisson, la "jeunesse" elle est où, là-dedans ? Pouvez m'expliquer un brin ce qu'il y a de juvénile dans vos exhibitions, ce qu'il y a de touchant et de tendre, ce qui ressemble au printemps de la vie dans votre putain de cinéma ? Mais, "c'est à dégueuler", comme dirait Pittacci qui a toujours le mot pour rire. Oh mais croyez pas que je vais vous enfoncer parce que, moi, Jules Labesse, peut être avant même que je m'y attende, j'y arriverai à vos pantalonnades et, le pire, c'est que je m'en rendrai pas compte et j'en redemanderai du petit train, du jerk, du Monbazillac et des cotillons et mes potes qui se croient si malins, ils le lui piqueront le képi au garde-champêtre et le râteau du jardinier pour en faire un cheval et le Simonet qui aime bien les motos, il chopera une branche de frêne pour en faire un guidon, avec un petit rameau qui dépasse à droite pour le frein, un autre à gauche pour l'embrayage et alors nous aussi on y tournera autour des tables juponnées de blanc, nous aussi on en écumera des bolées de cidre du Loïc de Pont-Aven et, mine de rien, en passant, on leur pelotera un peu les éminences, celles de derrière surtout, à l'Emma, à la Flavie, à la Georgina et quand on rentrera au bercail on sera comme sur un petit nuage et on s'apercevra même pas que le temps aura passé, qu'on aura chopé une ride de plus, des cheveux en moins, des tremblements en prime, mais ça fait rien, on aura été "jeunes" pendant un sacré bout de temps et "c'est toujours ça que les Boches auront pas" comme disait mon grand-oncle François en 14-18.

 

 

 

 

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