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28 juin 2013 5 28 /06 /juin /2013 08:34

 

    Où le problème de la nomination est une question bien compliquée, qu'il s'agisse de donner un sobriquet à un humain ou bien à un gentil greffier que l'on vient de récupérer dans la rue, un soir d'orage et que, généreusement, on a refilé à la Mère Wazy, "Voisine" qui n'en revient pas d'avoir hérité d'une si touchante petite boule noire que, du reste, on pourrait facilement confondre avec tout ce qui, sur Terre, est noir : du charbon, une tache d'huile, des bulles de goudron. Alors, comme, dans le quartier, l'imagination est reine, il y a, évidemment, une tripotée de chatons qui s'appellent "Noiraud"

 

  Ce que je vous dis là, j'en parlais l'autre jour avec Bellonte parce qu'il est un peu concerné par la question et qu'il semblait normal de causer avec lui du nom qu'il avait hérité du "Club des 7", surtout que, lui, était pas dans le coup le jour où on l'avait baptisé, enfin, mes copains. Et Bellonte qu'a plutôt l'esprit ouvert et l'entendement adéquat, il était comme vous, je parie, il pigeait pas trop le parallèle que je faisais entre le sobriquet qui était maintenant le sien et l'histoire du chat, et surtout il comprenait pas trop l'enchaînement avec l'histoire de la terre, des "Vilmorin", des "Elite", des "Clause".

  Alors je lui ai dit, "Antoine, c'est quand même pas dur, bon sang, "la terre" ça représente tous les chats qui sont noirs sur un coin du globe; les Graines-Noiraud, c'est encore des chats noirs, mais si tu veux, des chats noirs "particuliers" parmi l'ensemble "général" des chats noirs qu'on peut trouver dans le monde; alors que les Graines-Moïse, c'est encore les mêmes chats noirs "particuliers", ceux qu'on trouve, par exemple, dans le quartier, sauf qu'on s'est un peu creusé les méninges pour les baptiser les "Moïse" en question. Et la morale de l'histoire faut aller la chercher du côté des "chats-Moïse" qui, en un sens, auraient plus de réalité, plus de sens que les simples "chats-Noiraud" qui se confondent dans la masse parce que leurs noms les rendent, d'une certaine façon, anonymes, je dirai plus : invisibles ! Tu vois ce que je veux dire, Antoine?" .

  Et à la façon qu'Antoine avait d'opiner du bonnet et de me regarder de ses yeux bleus myosotis qui me traversaient la tête et allaient s'égarer du côté des platanes de la Place du Marché, je comprenais que Bellonte il commençait à pédaler dans la choucroute et que, du reste, il allait pas tarder à me le dire. Et d'ailleurs je me trompais pas, parce que, quand Bellonte a eu fini de faire l'inventaire des croûtes grises des platanes, il m'a dit, "tu sais, Jules, c'est pas pour te vexer, mais je vais te dire, toi et la bande de tordus du Club, que vous m'appeliez "Blanchette" ou "Trucmuche", ça me fait ni chaud ni froid et, d'ailleurs, de ce pas, on va aller prendre un "petit noir" au Café du Coin", et même si je voyais pas trop le rapport entre le petit noir sur le comptoir et l'histoire des sobriquets, ça nous a rudement fait du bien d'escalader les tabourets recouverts de simili cuir et de nous taper deux jus bien serrés, même qu'après on a fumé chacun notre narguilé en s'envoyant réciproquement des nuages de fumée dans la figure.

  Mais, après ce petit crochet par la "case Bellonte", c'était bien normal, après tout, on va juste reprendre l'explication parce que je sens que vous êtes restés sur votre faim et que, si on s'arrêtait là, vous seriez un peu frustrés et c'est jamais bon un sentiment d'inanition dans un pays où y a plein de trucs à bouffer. Alors on va poursuivre mais en faisant l'économie des graines et de la terre et du panier de la Mariée parce que, j'en suis sûr, vous avez parfaitement saisi le sens métaphorique de mon propos et, du même coup, son contenu.

  Revenons-en aux chats en général et au chat Noiraud en particulier qui, pour mémoire, s'appelle aussi Moïse et qui, présentement vit chez Voisine, après le cadeau que je lui avais fait le lendemain du soir de l'orage et je sens déjà votre esprit critique s'animer et vos arguments commencer à poindre. Vous vous dites, "c'est pas bien d'appeler un chat par deux noms, parce que le pauvre chat, au bout d'un moment, il saura plus à quel saint se vouer". Alors là vous avez pas tort et si on imagine qu'on pourrait appeler le petit Dupont, une fois Max, une fois Félix, eh bien le petit Dupond on le couperait en deux, d'une certaine manière et on le rendrait juste schizophrène et sur le plan psychologique et émotionnel, il aurait un peu de mal à rassembler les morceaux. Sauf qu'un chat c'est pas un humain et, qu'entre nous, il doit en avoir rien à cirer des thèses de Freud, de Jung et d'Adler, encore qu'on sait pas très bien comment ça fonctionne une pensée féline et peut être les greffiers, quand ils font semblant de dormir et qu'on n'aperçoit qu'une vague lueur noisette entre leurs paupières juste un peu fendues, eh bien peut être qu'ils font que nous observer et tirer des plans sur la comète et ils pensent que la condition humaine est inférieure à l'animale, d'autant plus que le chat était du genre sacré dans plus d'une civilisation ancienne et que les Egyptiens les vénéraient sous la forme du Chat divin, la déesse Bastet, qui était considérée comme une bienfaitrice et une protectrice de l'homme.

  Mais, pour en revenir à Noiraud-Moïse, au chat schizophrène de Voisine, alors je peux vous dire que l'appeler "Noiraud", c'est comme si on lui coupait l'herbe sous les pattes, parce que Voisine qui, du reste, s'appelle Madame WAZYSMICOKIEWICZ, eh bien quand elle va dans la rue et qu'elle dit "Noiraud, Noiraud, viens ici mon petit Noiraud adoré", eh bien, vous l'avez deviné, y a au moins dix matous qui se pointent, du fait que dans le quartier où l'imagination est reine, tous les félins qui, comme chacun sait ont quatre pattes, une queue, des moustaches et des oreilles pointues, eh bien tous les félins ils s'appellent Noiraud et la Mère Wazy elle est bien emmerdée  vu qu'avec le nom de baptême qu'elle a refilé au Moïse d'origine - on peut même dire qu'il y a usurpation d'identité -, elle doit aller trois fois par semaine au Comptoir d'Ouche avec son caddie à roulettes qu'elle remplit de boîtes de "Canigou" et de "Ronron" à la bonne odeur de soupe de poissons et de bouillabaisse frelatée.

  Alors que si elle lui avait gardé son nom d'origine au Moïse, elle en aurait eu un seul d'adorable petit chat noir qui aurait déboulé dans la rue sur ses pattes "menument coussinées" pour venir croquer ses croquettes et qu'après tout ça fait pas plus con de gueuler aux quatre vents, "Moïse, Moïse", plutôt que "Noiraud, Noiraud". Alors si je peux me permettre une petite incise linguistique à ce sujet, je dirai simplement que le nom que vous lui attribuez à votre petit chat si mignon, et d'ailleurs qu'il traînera toute sa vie de chat, il est pas si innocent qu'il y paraît. "Voire !", comme dirait mon Oncle d'un air dubitatif. Eh bien, la preuve est facile à faire et Moïse est cent fois préférable à Noiraud et, tant pis, si j'enfonce des portes ouvertes.

  Noiraud, ça fait seulement signe en direction de ses qualités physiques, corporelles et, en particulier, de sa couleur; donc quand vous dites "Noiraud", le Type qui passe dans la rue à ce moment-là, il va avoir comme un coup de flash dans la tête et il va voir : soit une vague tache noire, soit de l'huile usée qui pisse d'un carter de voiture, soit du bitume que les employés de l'Equipement filent sous les roues des bagnoles en été; à la rigueur il va voir un petit chat noir comme sur le calendrier du Facteur avec un nœud rose autour du cou - le chat, pas le Facteur -, et puis le flash il s'arrêtera aussitôt comme les anciennes ampoules des Brownie qu'on foutait à la poubelle après chaque cliché. Arrivé au bout de votre rue, le Quidam il y pensera même plus à votre gentil minet qui n'aura allumé dans ses neurones qu'une étincelle de briquet, et encore !

 

 

 

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