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6 avril 2015 1 06 /04 /avril /2015 08:33
La mise en scène du monde.

« Derrière le rideau ».

Œuvre : Laure Carré.

Oui, c’est étrange, combien cette œuvre contient de vérité dans la simple esquisse qu’elle nous propose. C’est bien là la force de l’art que de nous installer, d’emblée, dans le lieu des significations. D’ordinaire, ces dernières ne nous atteignent que trop rarement, comme de surcroît, identiques à de simples ornements plaqués sur une réalité dont nous serions assurés depuis la nuit des temps. Nous sommes tellement sûrs de vivre dans la bonne mesure, de placer nos pas dans les seules voies qui s’y dessinent pour nous. Mais, ces voies ne seraient-elles pas, simplement, des ornières dont nous assurons nos pas, les croyant vraies et ordonnées à une connaissance adéquate du monde ? C’est un baume pour l’âme que de vivre dans un corps bordé de certitudes, que de s’immiscer dans un esprit clairvoyant. Car, c’est bien de cela dont nous sommes persuadés : posséder une vision exacte des choses.

Mais affectons à notre regard entaché de strabisme l’aire d’une perception mieux assurée. Nous regardons l’image et nous y voyons un être qui questionne notre raison. Il y a une manière de trouble qui s’installe à demeurer sur le bord d’une révélation. Certes, rien n’est vraiment apparent à un œil distrait. Nous disions « être » afin de ne pas utiliser le vocable affirmant le genre, soit du masculin, soit du féminin. Car il y a hésitation et notre jugement demeure en suspens. Sur la frange de l’étonnement. Nous regardons et nous voyons : un beau visage d’homme aux traits réguliers comme dans les portraits antiques, visage dans une épiphanie sûre d’elle-même. Puis nous glissons et voyons une poitrine de femme au galbe plaisant et ferme - une promesse de maternité ? -, puis des doigts longs et fins, des ongles aux lunules bien délimités, physionomie de quelque bel éphèbe.

C’est alors que nous sommes saisis d’un doute. Ce mystérieux personnage qui ne dit son nom, qui se dissimule derrière le rideau de sa propre ambiguïté, ne serait-il pas le fantasme éternel des existants sur Terre, dont le souhait d’embrasser les deux genres sonne à la manière d’une muette supplication ? Soudain surgit la lumière du mythe platonicien de l’androgyne, espèce du troisième genre dont la nostalgie nous hante longuement. L’amour ne serait que la mise en scène de cette recherche effrénée de l’unité fondamentale, celle de l’androgyne, précisément, dont il est dit que l’on n’en fait jamais le deuil complet. Nous sommes des êtres en partage, des lexiques incomplets. C’est pour cette raison que nous dissimulons notre manque « derrière le rideau ». Voici ce que nous dit en termes d’expression plastique ce que le mythe nous dit grâce au symbole. C’est de cette vérité dont nous devons être pénétrés afin que, sur nos tourments amoureux, nous puissions mettre un nom !

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